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Confronté à la fronde de commerçants contraints de baisser le rideau avec le reconfinement, le gouvernement interdit, depuis le 3 novembre, la vente des produits "non essentiels", dans les grandes surfaces "par souci d'équité". Les grandes enseignes ont ainsi dû empêcher l'accès à certains rayons tels : les produits culturels, les jeux, les vêtements, la bijouterie ou encore les fleurs. Quelle est la conséquence de la fermeture de ces activités dites "non essentielles" sur le commerce en France, tant du côté des enseignes que de celui des indépendants ? Alors que près de 9 commerces sur 10 sont des indépendants en France, le reconfinement sonne-il le glas pour ces entrepreneurs ?
Premier chiffre à connaître, aujourd'hui, en France, 80% du chiffre d'affaires du commerce est réalisé par seulement 9% d'entités (définies en "unités légales"), et, particularité, celles-ci appartiennent à un groupe, selon l'Insee. Les indépendants se partagent donc les 20% restants du gâteau du commerce français. Toutefois, ces deux types de structures se rejoignent sur un point, ils ont chacun, au global à la vente, une majorité (62%) d'activités dites "non essentielles".
Que l'on soit un commerçant rattaché à une enseigne ou un indépendant, l'interdiction de vendre des produits non essentiels pendant le confinement frappe donc de plein fouet le commerce tricolore.
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Dans le détail, et en première ligne face à la crise, les cafés, hôtels et restaurants (CHR) représentent plus de 30% des activités du côté des commerces indépendants, contre à peine 8% des enseignes françaises, selon les données de Kompass et du cabinet Obsand.
Au contraire, l'alimentation de détail, l'activité des pharmacies et hygiène beauté ainsi que les magasins de bricolage / jardinage - faisant partie des activités essentielles - représentent en cumulé 38% des indépendants français qui ne sont donc pas concernés par la fermeture imposée par le gouvernement face à la recrudescence du nombre de cas de Covid-19.
Les indépendants déjà fragilisés
Néanmoins, même si une partie des commerces indépendants est moins touchée par les restrictions, leur solidité financière était - avant la crise - déjà bien plus fragile que celle des enseignes. L'impact sur leur chiffre d'affaires est bien plus important que chez les commerces affiliés à des enseignes.
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Plus spécifiquement, dans les magasins d'équipement de la maison, 9,5% des commerces indépendants ont vu leur chiffre d'affaires chuter de plus de 10% entre 2017 et 2019, contre 3,3% pour les enseignes, selon les données de Kompass et du cabinet Obsand. Il en va de même pour les équipements de la personne ou les loisirs - secteurs considérés comme non essentiels - et dans lesquels respectivement 6,8% et 5,9% des indépendants voyaient déjà leur chiffre d'affaires en chute libre, contre 2,5% et 3,1% pour les enseignes.
D'autre part, lors du premier confinement (du 17 mars au 11 mai), des grandes enseignes - notamment alimentaires - ont vu leur chiffre d'affaires grimper en flèche. Certains rayons alimentaires de la grande distribution ont même été dévalisés en quelques heures en début de confinement. A défaut de pouvoir aller au restaurant, les Français ont davantage consommé les produits alimentaires de la grande distribution (+17,9% en mars 2020 par rapport à l'an dernier). Les rayons surgelés ont notamment été pris d'assaut, avec une augmentation du chiffre d'affaires de 31,1% en mars et 27,1% en avril, d'après des données Nielsen.
Cependant, la fréquentation des rayons non alimentaires de la grande distribution a elle chuté de -9,2% du chiffre d'affaires en mars et -15,7% en avril; mais a de nouveau repris des couleurs lors du déconfinement avec +3% entre le 5 et le 17 mai, selon Nielsen. A noter que du côté de la grande distribution, la part des produits non-alimentaires « purs » (hors Droguerie-Parfumerie-Hygiène) dans le chiffre d'affaires des grandes surfaces (dont leur activité e-commerce) est de 13,4% en moyenne, d'après l'IRI, sur les 9 premiers mois de l'année 2020.
Au contraire, l'ensemble de la filière restauration (indépendants et enseignes confondus) a perdu 17,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires au premier semestre. Au plus fort de la crise, à la fin du mois de mars, l'ensemble de la restauration hors domicile a perdu 80% de son chiffre d'affaires, selon une étude Food Service Vision en juillet.
Un Noël noir en perspective ?
Bien que, dans une économie encore sous perfusion, il soit difficile de tirer un bilan du premier confinement, la dégringolade de certains chiffres d'affaires est vertigineuse. Le secteur de la maroquinerie a ainsi vu son activité baisser de 60% au deuxième trimestre par rapport à l'année dernière selon les chiffres de la Conféderation des Commerçants de France (CDF) qui compte 450.000 adhérents. Les commerces de chaussures et la lingerie font état d'une perte de revenus de 20% et 22% depuis le début de l'année jusqu'à septembre inclus, par rapport à la même période l'an dernier.
De plus, les commerçants, déjà fragilisés par la première vague, n'abordent pas ce confinement avec la même situation financière qu'au printemps. La dette brute des entreprises a bondi de 175 milliards d'euros sur les sept derniers mois alors que la dette nette elle est restée assez stable, selon la Banque de France. Cela signifie que beaucoup d'entreprises ont un comportement de précaution. Toutefois, celles qui étaient fragiles avant la crise pourraient rapidement vaciller ou se transformer en entreprises zombies.
Face à ces chiffres alarmants et aux fêtes de fin d'année qui approchent à grand pas, la CDF alerte le gouvernement. «Il est urgent que certains secteurs soient considérés comme des biens essentiels, en raison de la période de fin d'année, sans attendre éventuellement deux semaines : jouets, maroquinerie, librairies...» clame Francis Palombi, le Président de la Confédération, dans une tribune le 2 novembre.
A plus forte raison, les fêtes de fin d'année représentent une part essentielle des revenus de certains commerces. Les magasins de jouets réalisent par exemple 41% de leur chiffre d'affaires annuel entre novembre et décembre. Les boulangeries et pâtisseries quant à elles font près d'un tiers de leur chiffre sur les deux derniers mois de l'année.
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Afin de "sauver Noël", la Confédération des Commerçants de France fait également appel aux clients en demandant «aux consommateurs d'attendre la réouverture des commerces de proximité pour leurs achats de Noël».
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