Comment retrouver confiance dans l'économie ?

Par Fabien Piliu  |   |  964  mots
" C'est en voyant loin qu'on change la perception du présent, qu'on gagne la confiance. Sur le plan psychologique, il est très important que les Français se disent 'ça peut repartir' car la confiance ramènera la consommation et l'investissement ", déclarait le chef de l'Etat en mai 2013.
La confiance serait le chaînon manquant de la reprise. Comment la restaurer ?

"Aie confiance", susurrait le serpent Kaa à l'oreille de Mowgli dans la version Disney du Livre de la jungle, le chef d'œuvre de Rudyard Kipling. François Hollande et les membres de de son gouvernement aimeraient tellement avoir le même pouvoir hypnotique sur les chefs d'entreprises.

"C'est en voyant loin qu'on change la perception du présent, qu'on gagne la confiance. Notre pays est capable d'innover, d'inventer, de trouver des ressources qu'il n'imagine pas. Sur le plan psychologique, il est très important que les Français se disent 'ça peut repartir' car la confiance ramènera la consommation et l'investissement", avait déclaré le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse organisée en mai 2013.

Certes, le climat des affaires mesuré par l'Insee remonte. Mais il faut bien admettre que ce regain de confiance ne se traduit pas une envolée de la croissance. L'Insee ne vise plus qu'une augmentation de 1,3% du PIB cette année.

Une surenchère anxiogène

"La confiance reste le chaînon manquant de la reprise. Tant que les chefs d'entreprises n'auront pas véritablement foi en l'avenir, ils préfèreront conserver une attitude attentiste, en retardant leurs investissements et les embauches", explique Pierre Pelouzet, le médiateur national des entreprises lors d'une conférence de presse organisée par l'Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). Les déclarations des candidats aux primaires de droite et de gauche sont-elles de nature à rassurer les chefs d'entreprises ? Rien n'est moins sûr. Nombreuses sont les personnalités qui multiplient les appels à la "véritable" réforme, notamment dans le domaine fiscal. Cette surenchère permanente ne pourrait-elle pas être anxiogène ?

Loin des débats en cours, Pierre Pelouzet insiste sur le rôle de la médiation. "La vocation de ce dispositif est justement de restaurer ce climat de confiance entre tous les acteurs de l'économie, publics et privés", poursuit Pierre Pelouzet en vantant l'utilité de la charte des Relations fournisseurs responsables et du label Relations fournisseurs responsables.

"Plus forte que la peur, la confiance réciproque entre partenaires leur permet de partager de l'information, d'exploiter leurs compétences complémentaires pour réduire les coûts de transaction, de générer des profits supérieurs, de mieux servir les clients, de développer des solutions créatives pour répondre à leurs besoins, de s'adapter rapidement aux changements du marché et d'être plus flexibles", avance l'économiste  Nirmalya Kumar*.

Les retards de paiement reculent un peu

La peur du gendarme, symbolisé par le durcissement des sanctions contre les retards de paiement, est-il efficace ? "La loi ne peut pas tout régler. Il faut remettre de l'humain dans les relations inter-entreprises si l'on veut aboutir à des résultats. Les résultats de la médiation témoignent des avantages du dialogue. Après une séance de 'purge' au cours de laquelle les parties soldent parfois avec violence leurs différends, les échanges sont très constructifs. La nécessité d'organiser une nouvelle médiation est rarissime", observe-t-il. De fait, pour la première fois depuis 2008 et l'entrée en vigueur d'une réglementation des délais de paiement par la Loi de modernisation de l'économie, les retards de paiement reculent. Actuellement, ils ne s'élèvent plus "qu'à" 12,7 jours contre 13, 7 jours au quatrième trimestre, ce qui situe la France au niveau de la  moyenne européenne. "C'est encourageant. Je rappelle qu'un jour de retard dans le paiement d'une facture représente un trou d'un milliard pour la trésorerie des entreprises", précise Pierre Pelouzet. Pour mémoire, les retards de paiement expliqueraient 25% des sinistres d'entreprises, soit 15.000 défaillances chaque année.

L'imagination au pouvoir

Les retards de paiement ne sont pas les seuls éléments qui sapent la confiance des chefs d'entreprises. En 2010, le rapport annuel de la médiation alors dirigée par Jean-Claude Volot recensait 36 types d'entorses à la loi. Citons les ruptures abusives de contrat, le pillage de la propriété intellectuelle et pas seulement par les grands groupes, la modification brutale et unilatérale du cahier des charges, les filouteries de certains cabinets de conseil qui trompent les entreprises en leur vendant un accès sécurisé au crédit impôt recherche (CIR)... Depuis cette date, cet inventaire s'est enrichi avec le racket au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ou le quick saving qui consiste, pour le donneur d'ordre, à demander une avance à son fournisseur dès la signature du contrat entre les deux parties.

Sans confiance, pas de vision

Un retour durable de la confiance n'aurait pas seulement des effets positifs sur l'emploi. Couplé à un véritable choc de simplification qui allégerait leurs tâches administratives, il permettrait également aux chefs d'entreprises de réfléchir et d'élaborer une vision stratégique de leur entreprise et du secteur auquel elle appartient. "Parce qu'il sont bousculés dans leurs quotidien par la gestion des urgences, rares sont les entrepreneurs qui ont réfléchi à la question. Leurs ambitions dépassent rarement le moyen terme. Dans ce contexte, un retour de la confiance ne peut leur être que profitable", constate Isabelle Saladin, qui dirige le cabinet I&S Adviser.

Romain Eyherabide, consultant spécialiste des sujets digitaux chez Kienbaum est sur la même longueur d'ondes. "S'il se sent en confiance, s'il peut compter sur une stabilité de son environnement fiscal, réglementaire et social, le chef d'entreprise peut définitivement présider à la destinée de son entreprise et réfléchir aux moyens à déployer pour assurer sa transformation, notamment dans le domaine digital et le numérique."

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*Nirmalya Kumar, The power of trust in manufacturer-retailer relationships. Harvard Business Review, November/December 1996, 92-106.