Confinement : des solutions émergent pour lutter contre l'isolement des seniors

Par César Armand  |   |  841  mots
Le gouvernement entend mettre en place un "plan de mobilisation nationale" pour lutter contre l'isolement des personnes âgées. Certains professionnels de l'immobilier ou associations assurent déjà le faire.

Renforcer le numéro vert national d'écoute de la Croix Rouge, "téléphoner, téléphoner et téléphoner", faciliter la mobilisation des maires et des conseils départementaux, identifier les ressources permises par les nouvelles technologies pour les aidants et les professionnels, et diffuser les bonnes pratiques et les initiatives via une plateforme hébergée par le site Internet du ministère des Solidarités et de la Santé. Ces cinq recommandations sont celles de l'ancien député et ancien président de l'Essonne, Jérôme Guedj, et de son équipe, chargés par Olivier Véran de mettre en œuvre un véritable "plan de mobilisation nationale" contre l'isolement des personnes âgées.

Un apprentissage "accéléré" des technologies de communication

Parmi les professionnels à avoir joué le rôle d'apporteur d'idées, Nicolas Menet, le directeur général de Silver Valley, une association qui rassemble 9.000 personnes entre 60 et 90 ans et dont le rôle est de tester les démarches d'innovation de 4.000 entrepreneurs. Auprès de La Tribune, il témoigne d'une communauté qui se sent "empêchée" dans sa liberté individuelle comme beaucoup de Français mais qui "la joue collectif" après avoir été la plus "résistante" au confinement.

Dès la restriction des déplacements, ce collectif a lancé "50 startups s'engagent à lutter contre l'isolement des seniors confinés". Objectif: aider ces technophiles du troisième âge à conserver un lien social. "Même les plus âgés ont accéléré leur apprentissage des technologies de communication, type Facebook Messenger ou WhatsApp", explique le DG de Silver Valley. D'autres ont appris à pratiquer trente minutes de gymnastique par jour via YouTube ou à se faire livrer des courses grâce à des applications mobile.

Parmi ces jeunes pousses, 40 ont répondu présentes dès la première semaine, dont vingt qui ont développé un projet parallèle à leur activité principale. Par exemple, Clevy a créé ex-nihilo un chatbot gratuit et anonyme agréé par le ministère des Solidarités et de la Santé qui répond aux questions sur le coronavirus et génère des attestations de déplacement. "La tech for good existe vraiment !" s'enthousiasme Nicolas Menet.

"Le vieux de demain, c'est... nous"

Outre cet écosystème, le gouvernement peut aussi compter sur le réseau francophone des villes amies des aînés (RFVAA), qui recense 152 membres eux-mêmes représentant 12 millions d'habitants, pour avancer avec les collectivités. Si son délégué général Pierre-Olivier Lefebvre confie à La Tribune son "inquiétude" que les personnes âgées "redeviennent la dernière roue du carrosse, une fois l'émotion passée", il "espère" un "déclic" afin qu'on "vive en humanité ensemble".

"Les territoires qui s'en sortent mieux sont ceux qui sont une culture de la transversalité et de l'accompagnement public", explique-t-il, citant les communes de Besançon, de Dijon, de Nantes ou de Rennes qui font "un boulot phénoménal avec des réseaux et des gens pouvant réagir". "Profitons de cette crise pour préparer l'avenir !", exhorte le porte-parole du RFVAA.

"Les personnes âgées subissent quotidiennement ce rapport au temps, à l'isolement et au vide. L'interdiction qui nous est faite, elle, elle est due à leur corps", insiste Pierre-Olivier Lefebvre. "Demain, vont-elles se retrouver à nouveau toutes seules ou la générosité va-t-elle se poursuivre ? Je suis optimiste: nous allons découvrir que le vieux de demain, c'est... nous."

Des animations physiques ou musicales aux balcons

Les résidences spécialisées, qui accueillent des seniors en bonne santé à la différence des EHPAD, doivent, elles aussi, s'adapter à la crise sanitaire. Finis les restaurants collectifs et les cinquante activités hebdomadaires. Chacun doit rester dans son appartement et ne pas en sortir, même pour faire ses courses.

Chez la filiale de Nexity, Domitys (105 résidences, 12.000 logements et 11.000 locataires), le directeur général raconte que si ses pensionnaires sont "isolés physiquement" dans leur 45 à 60 m², ses équipes sont présents en permanence "avec plusieurs passages par jour". "Certains nous ont même dit qu'ils nous voyaient plus souvent !", raconte Frédéric Walther à La Tribune. L'animateur-coordinateur de chaque personnel peut en outre proposer aux balcons des activités physiques ainsi que des activités musicales, comme organiser des chorales.

Même discours ou presque du côté d'Happy Seniors (35 résidences à horizon 2025, comptant chacune une centaine d'appartements), branche du groupe Duval. Son directeur général Guillaume Truong assure qu'en plus des repas apportés directement devant la porte, permettant d'engager une discussion sur le palier, une ligne d'écoute "complémentaire" a été instaurée. Autrement dit, les personnes âgées peuvent contacter des travailleurs qui peuvent répondre à l'anxiété et/ou au sentiment de solitude.

Enfin, que ce soit chez Domitys ou chez Happy Seniors, des salariés, protégés de la tête aux pieds, ont pris le temps de former ce public au téléphone en visioconférence à l'aide de tablettes tactiles.