Contrats aidés, dotations, ecotaxe... la grogne monte dans les collectivités locales

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1110  mots
Les régions Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Grand Est demandent le rétablissement d'une sorte decotaxe régionale... Plus généralement, l’ensemble des collectivités locales s'inquiètent pour leurs ressources financières
Les régions veulent rétablir une sorte d'ecotaxe, départements et communes s'élèvent contre la baisse des contrats aidés en pleine rentrée scolaires... Toutes les collectivités locales protestent aussi contre les mesures d’économies qui leur sont demandées.

Ça grogne du côté des élus locaux en cette rentrée. Et pas seulement sur la question de la diminution drastique des contrats aidés qui a semé une certaine pagaille dans plusieurs communes en cette période de rentrée scolaire. Ce qui inquiète surtout les collectivités locales, à tous les échelons, c'est la volonté d'Emmanuel Macron de leur faire réaliser 13 milliards d'économies sur la durée du quinquennat, au titre de leur participation aux 60 milliards d'euros de baisse des dépenses publiques annoncées. Philippe Richert, président (LR) de Régions de France et de la région Grand Est est immédiatement monté au créneau : "Entre 2015 et 2017, sur les 50 milliards d'euros d'économies prévues par Manuel Valls, les collectivités devaient en faire 11, la Sécu 18 et l'Etat 21. Résultat, Les collectivités en ont fait 10, la Sécu 13 et l'Etat...3! In fine, on a l'impression que ce sont toujours les collectivités qui font la plus grosse part du boulot et pas l'Etat ».

Dans ce contexte, la volonté répétée de supprimer la taxe d'habitation sur trois ans pour 80% des Français passe très mal, en privant les collectivités de près de 10 milliards d'euros de ressources autonomes. Et ce n'est pas la promesse gouvernementale de compenser à l'euro près les pertes pour les collectivités qui rassure les élus.

13 milliards d'euros d'économies demandés qui passent mal

"A la fin en tout cas plus de 60 à 65% de nos budgets dépendront des dotations", a regretté François Baroin, président (LR) de l'association des maires de France et sénateur-maire de Troyes qui "ne fait pas confiance, non pas à ce gouvernement" mais "à l'Etat pour sa capacité à rembourser la suppression d'un impôt". En fait, les collectivités ne veulent pas se mettre dans une situation de tutelle de facto vis-à-vis de l'Etat.

C'est même l'inverse, elles préféreraient toutes disposer d'une recette plus dynamique à l'instar des régions qui ont obtenu du gouvernement Valls, et après d'âpres débats, de bénéficier chaque année d'un montant défini du produit global de la TVA à compter de 2018. Mais, justement la mise en place concrète de ce mécanisme inquiète Philippe Richert. « En 2017, pour financer les nouvelles compétences des régions nous avons obtenu la constitution d'un fonds de 450 millions d'euros et il était inscrit dans la loi de finances 2017 que nous disposerions d'une fraction de la TVA à compter de 2018. Mais nous ne connaissons pas encore les modalités prévues par la loi de finances 2018 qui doit être présentée à la fin du mois »... D'où une certaine inquiétude sur les montants qui vont être finalement dévolus aux régions. Sujet qui sera abordé lors du Congrès des Régions de France à Orléans les 27 et 28 septembre où se rendra le Premier ministre Edouard Philippe.

Autre thème de préoccupation pour les régions : le gigantesque plan de formation, notamment à destination des chômeurs, d'un montant de 10 milliards d'euros, prévu par le candidat Macron et qui va être concrétisé en 2018 par le gouvernement. Or, « Il ne peut pas y avoir deux plans » tonne Philippe Richert qui ajoute que « le gouvernement ne peut agir comme si les collectivités locales n'existaient pas ».

De fait, les régions partage avec Pôle Emploi, la gestion du plan « 5500.000 chômeurs formés » lancé en 2016 par François Hollande et doté d'un enveloppe d'un milliard d'euros. Pour les Régions de France, il est inconcevable que deux plans coexistent. Les Régions, en charge de la formation professionnelle, réclament donc de piloter un seul et unique grand plan de formation... et les financements qui vont avec. A cet égard, Région de France réclame, une fois de plus, une clarification du rôle de Pôle emploi pour éviter une concurrence entre les politiques menées par les régions et celles assurées par l'agence nationale...

Vers un retour d'une ecotaxe régionale?

Enfin, les Régions de France veulent remettre sur la table la très sensible question de l'écotaxe, ou du moins, d'une taxe sur les transports. On se souvient que l'écotaxe avait été décidée sous Nicolas Sarkozy en 2009 avant d'être abandonnée sous François Hollande en 2014, notamment sous la pression des « bonnets rouges breton ».

Philippe Richert, souhaite « taxer les gros poids-lourds de 35 tonnes qui font du transit  en Alsace» pour éviter une taxe similaire en Allemagne « et ne ramènent que des embouteillages, de la pollution et des dégradations routières ». Christian Estrosi, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, est du même avis et l'Ile-de-France a relancé le sujet en adoptant un « plan régional de la qualité de l'air », incluant le principe d'une écotaxe régionale. Sujet très sensible que surveillent de très près les sociétés de transports routiers...

Mobilisation contre la baisse brutale des contrats aidés

Reste donc les contrats aidés, autre pomme de discorde entre le gouvernement et les collectivités. Toutes les associations d'élus de collectivités locales protestent depuis plusieurs jours contre la diminution décidée au cœur de l'été de ce dispositif financé par l'Etat qui permet l'embauche de personnes éloignées de l'emploi. L'Assemblée des départements de France évoque ainsi "une réforme brutale et sans concertation qui multiplie les difficultés dans les collèges gérés par les départements".

Quant au bloc communal, il a décidé de faire front commun : toutes les associations d'élus communaux tiendront mercredi 6 septembre une conférence de presse commune pour souligner les problèmes posés. Du côté du gouvernement, qui prévoit une enveloppe de 310.000 contrats aidés en 2017 contre 459.000 signés en 2016 et une nouvelle baisse en 2018, ces contrats "subventionnés par l'Etat" sont "précaires, souvent à temps partiel" et ne peuvent être "l'instrument majeur de la politique de l'emploi".

Pour autant, face à la fronde des élus, dans un communiqué commun, La ministre du Travail, Muriel Penicaud, celui de l'Education Nationale, Jean-Michel Blanquer et celui de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, ont mis un peu d'eau dans leur vin en décidant que les contrats aidés pour la fin 2017 seront prioritairement affectés à quatre secteur, dont celui de l'Education nationale qui pourra compter sur 50.000 contrats.

Mais ce que veulent surtout les associations d'élus, c'est davantage de concertation avec l'Etat. Elles réclament donc d'être consultées sur un nouveau dispositif d'insertion.