Covid-19 : les jeunes obligés de se "brader" sur le marché de l'emploi

Par Thomas Gropallo, AFP  |   |  766  mots
Photo d'illustration. Selon une étude de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) mi-octobre, 67% des jeunes diplômés à la recherche de leur premier emploi se disent inquiets. (Crédits : Regis Duvignau)
Les jeunes diplômés, qui subissent de plein fouet les conséquences de la pandémie sur l'emploi, sont contraints de faire des concessions sur leur rémunération pour obtenir un premier contrat de travail et ce, alors que les offres se font particulièrement rares.

"Aujourd'hui, si tu veux trouver un emploi, il faut se brader". Jérémie, 24 ans, fait partie de ces jeunes diplômés qui débarquent sur un marché du travail en tension, bouleversé par la pandémie de Covid-19, et font une croix sur leurs ambitions salariales pour accéder à un premier contrat de travail.

"Dans mon école, pour un premier poste de manager on nous disait qu'on pouvait prétendre à 2.300, 2.500 euros brut par mois", explique à l'AFP cet ancien étudiant de l'école de management Léonard-de-Vinci à La Défense, en recherche d'emploi dans le secteur du marketing.

Après s'être fixé un plancher de rémunération à 2.000 euros net mensuels au début de ses recherches avant le premier confinement, il a diminué ses exigences salariales à deux reprises et "demande aujourd'hui 1.800 euros net par mois".

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Touchés de plein fouet par la pandémie

Les jeunes diplômés subissent de plein fouet les conséquences de la pandémie sur l'emploi. Selon une étude de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) mi-octobre, 67% des jeunes diplômés à la recherche de leur premier emploi se disent inquiets, alors que le nombre d'offres d'emplois de cadres publiées sur le site de l'association a fondu de 33% de janvier à la fin septembre par rapport à la même période de 2019.

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Le directeur général de l'Apec, Gilles Gateau, interrogé par l'AFP, évoque un "retournement de situation pour les jeunes" dû à la pandémie de Covid-19 et reconnaît une tension sur les rémunérations. Si la "dynamique salariale" était positive avec une "augmentation de 6,8% du salaire médian pour la promotion 2018 entrée sur le marché du travail en 2019" par rapport à la promotion précédente, la tendance devrait selon lui s'inverser en 2020.

"La rémunération ne figure pas dans le top trois des concessions que les jeunes diplômés sont prêts à faire pour obtenir un premier emploi, même s'ils y seront contraints car la donne du marché n'est plus la même", regrette-t-il.

Côté entreprises, l'association a aussi constaté qu'avec la pandémie, ces dernières "sont plus réticentes à transmettre des fourchettes de salaires dans leurs offres afin de se laisser des marges de manœuvre".

L'entrée dans la vie active a aussi mis fin aux illusions de Florian, diplômé de la Montpellier Business School et en recherche d'emploi dans le secteur du développement marketing et commercial. Conformément aux standards communiqués par son école, il demandait une rémunération de 35.000 euros par an minimum. "Aujourd'hui je suis plus sur du 28.000 euros, 30.000 euros annuels. C'est mon seuil parce qu'en dessous, c'est impossible avec mon loyer et mon prêt à rembourser", confie-t-il à l'AFP.

Besoin de bosser

Jérémie et Florian, tous deux diplômés d'écoles de commerce, ont souscrit des prêts étudiants de plusieurs dizaines de milliers d'euros pour intégrer leurs formations. Face à l'imminence des échéances, la pandémie a fait office de catalyseur. "Sans le Covid, je n'aurais rien changé à mes ambitions salariales. Mais vu que ça dure, j'arrive à un moment où j'ai besoin de bosser", reconnaît Jérémie qui assure envoyer six candidatures par jour.

"Le niveau de rémunération est une variable de marché. Il progresse fortement lorsque le marché est tendu et peut diminuer lorsqu'il y a des difficultés. Si l'on veut s'insérer, il faut se montrer moins exigeant", explique Gilles Gateau.

Avant de signer son CDI dans une entreprise de ressources humaines à Toulouse, Lorélie a dû faire le deuil de ses ambitions salariales. Dans son école, "on parlait moins des rémunérations futures que dans une école de commerce mais les intervenants nous disaient qu'on pouvait espérer entre 1.700 euros et 1.900 euros net mensuels pour un premier emploi. Je me suis vite rendu compte que ce n'était pas la réalité", regrette la jeune femme.

Malgré son master en ressources humaines et confrontée à la pénurie d'offres de postes dans ses standards de rémunération, elle a finalement accepté un salaire de 1.350 euros net par mois. "Je vois mon frère qui travaillait comme caissier chez Leroy-Merlin, il était autant payé que moi. Parfois, je me dis que mon master ne sert à rien", conclut-elle.

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