La relance est-elle à la hauteur du chômage de masse des jeunes ?

Sur les 100 milliards d'euros destinés à financer la relance, 6,5 milliards sont consacrés à l'emploi des jeunes. Pour le gouvernement, trois priorités se dessinent : prime à l'embauche, formation et acquisition de nouvelles compétences. Mais dans un pays mauvais élève en Europe pour insérer ses 15-24 ans sur le marché de l'emploi, la mécanique n'est-elle pas trop complexe pour obtenir des résultats rapides ?
Jeanne Dussueil
(Crédits : Unsplash)

Non seulement leurs lieux de sorties, bars, discothèques sont restreints ou totalement fermés, mais leurs débouchés économiques se resserrent. Les jeunes français sont "les premières victimes de la crise", a reconnu jeudi 3 septembre Jean Castex lors de la présentation officielle du plan baptisé «France Relance», après trois mois de confinement, dans une économie toujours au ralenti. En cette rentrée, ils sont «1,6 million de jeunes chômeurs et inactifs» estimés par le gouvernement et 750.000 jeunes à tenter de se faire une place sur le marché du travail. Pour y répondre, le gouvernement a mis sur la table une batterie de mesures tous azimuts, destinées à faciliter leur embauche ou à les former.

L'obtention de ces aides est toutefois un maquis complexe. Le chapitre "Jeunes" occupe pas moins d'un quart des 296 pages du plan. Bardé de nouveaux acronymes pour étiqueter les subventions, celui-ci ratisse large et recouvre presque l'ensemble des problématiques : «création d'activité, missions locales, apprentissage, contrat de professionnalisation, internat d'excellence, service civique, revalorisation de la rémunération stage suivi par Pôle emploi, prêts étudiants, accès au logement...» Le gouvernement Castex consacre 6,7 milliards d'euros, sur les 100 milliards annoncés, à cette action, afin d'éviter «une génération sacrifiée».

«J'en appelle au sens des responsabilités de chacun, pour que les entreprises embauchent, des jeunes en priorité», a réclamé le Premier ministre lors de son allocution.

Dans le détail, parmi les annonces phares, il comprend une aide à l'embauche de 4.000 euros pour tout recrutement d'un jeune de moins de 26 ans pour un contrat de trois mois minimum, les primes pour l'embauche de jeunes en alternance, les contrats d'insertion ou le service civique étendu. Le gouvernement table ainsi sur 550.000 primes en 2020 et 110.000 en 2021. Coût de cette mesure : 1,1 milliard d'euros « prévus en Loi de Finances 3 » et « engagés dès 2020 », promet l'exécutif qui vise l'Hexagone et l'Outre-mer.

L'accompagnement «intensif» de l'État

Chaque année, le gouvernement entend aussi «accompagner 15.000 jeunes demandeurs d'emploi en insertion», à partir de 2021, et subventionner 2.500 jeunes non diplômés (entre 18 et 25 ans) sans emploi, ni en études, ni en formation à l'aide d'une dotation de 10.000 euros. Parmi ces mesures l'opération «l'accompagnement intensif jeunes » (AIJ). Coût de la mesure : 15 millions d'euros pour les demandeurs et 25 millions pour les non diplômés.

Les jeunes diplômé à Bac+5 et les jeunes docteurs se voient doter respectivement de 23 millions d'euros par an (pour 600 diplômés accueillis dans des laboratoires publics) et 19 millions par an pour 500 post-doctorats.

« L'accompagnement des jeunes actifs ne peut se limiter à des aides à l'embauche. Nous proposons d'aller plus loin et de supprimer le délai qui permet à l'employeur de ne pas rémunérer les stages d'une durée inférieure à deux mois. (...) nous proposons également la mise en place d'un revenu universel dès 18 ans, en commençant par l'extension du RSA pour les moins de 25 ans », a réagi le groupe d'opposition Ecologie Démocratie et Solidarité de l'Assemblée nationale qui juge le plan "court-termiste".

D'avantage de moyens mobilisés sur des aides qui existent déjà

Dans le détail, l'aide à l'apprentissage et au contrat de professionalisation, le service civique va peser 2,7 millions d'euros, soit le budget le plus élevé. A noter aussi les enveloppes allouées à la modernisation des internats d'excellence (50 millions d'euros) et la formation sur les métiers d'avenir (1,6 milliard).

Parmi les 100 milliards, ce sont ainsi 20 milliards d'euros pour soutenir les compétences, y compris pour les jeunes, souligne encore Bercy.

« Ce plan ressemble à une agglomération de mesures déjà énoncées par des gouvernements précédents. De la même manière que ce qui a été fait pour le monde hospitalier, avec les conséquences que nous connaissons, les plans pour la jeunesse s'additionnent et ne parviennent pas à enrayer un chômage endémique. Le plan n'aborde la jeunesse, notion trop vaste et protéiforme, que sur un aspect quantitatif
et économique. Tout aspect relatif à ses conditions de vie et d'exercices, à sa projection dans le futur ou à ses capacités, est oublié. », regrette pour sa part Pierre Faivre, porte-parole de la mutuelle Heyme destinée aux 16-35 ans, interrogé par La Tribune.

Au final, là où l'argent public peut être fléché, l'État s'immisce. C'est le cas des VIE (le Volontariat international en Entreprise), un statut qui va être doté de 247 millions d'euros supplémentaires. « On va mettre davantage d'argent dans les VIE, pour ces jeunes qui passent deux ans dans une entreprise » à l'étranger, a déclaré le ministre sur RFI. L'Etat prendra à sa charge 5.000 euros pour l'envoi d'un jeune (entre 18 et 28 ans) dans une entreprise de petite ou moyenne taille. « Au moins 3.000 missions seront financées », est-il précisé.

Face à un retard important, le risque de l'amplification

Cette cascade de renforts sur des aides existantes est censée faire rempart à un potentiel cataclysme pour les jeunes diplômés et non diplômés.

En France, si le chômage baisse depuis 3 moins pour les chômeurs de la catégorie A (longue durée), il demeure cependant à un niveau élevé, avec 4,047 millions de demandeurs d'emplois, soit 560.000 chômeurs de plus qu'à la fin février.

Plus préoccupant, l'Hexagone vient déjà de loin en matière d'employabilité des jeunes. Elle fait en effet partie des mauvais élèves pour les 15-24 ans, avec un chômage qui touche 22,4% de la population active jeune chez les hommes et 19% pour les femmes, en juin 2020 sur cette catégorie d'âge, selon les données de l'OCDE.

De même, quelques semaines avant le confinement, déjà plus de 963.000 jeunes âgés de 16 à 25 ans étaient sans études, ni emploi, ni formation, selon une étude de la Dares de février. Sur cette classe d'âge, c'est un jeune sur dix (12,9%). "Tous les jeunes de cette tranche d'âge devront se voir proposer une formation. Les pouvoirs publics et les institutions devront les accompagner et leur proposer une formation" promettait alors Gabriel Attal, secrétaire d'Etat avant de devenir le porte-parole du gouvernement.

Plus certainement, à cause du Covid, la France passera à côté de son objectif d'atteindre un taux d'employabilité des 20-34 ans comparable à celui dans les autres pays européens. En moyenne en Europe, ce ratio atteint 80%, quand, dans l'Hexagone, il plafonnait à 74,4% en 2017, notait l'Insee. En pleine relance poussée par l'argent public, la promesse de redresser le niveau apparaît désormais comme un voeu pieux.

Lire aussi : Pour les jeunes, l'accès à l'emploi reste un calvaire

Le taux de chômage des jeunes dans les pays de l'OCDE en juin 2020

La gestion du chômage recrute

Outre la salve de mesures re-formatées pour ce plan de relance, le gouvernement s'apprête donc aussi parallèlement à gérer l'afflux de chômeurs. Pôle emploi va ainsi renforcer ses effectifs en procédant à 2.800 recrutements "pour accompagner les jeunes", a annoncé la ministre du Travail, Élisabeth Borne.

En outre, il y aura 1.500 embauches, "dès le mois de septembre également, pour faire face à l'augmentation du nombre des demandeurs d'emploi", a poursuivi la ministre. L'Insee s'attend à 800.000 chômeurs supplémentaires cette année. Ces 2.800 recrutements (en équivalent temps plein) se feront soit en CDI, soit en CDD, a-t-elle précisé, en renvoyant la question de la ventilation entre les types de contrats au "dialogue social au sein de Pôle emploi".

Dans l'opposition, le leader de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon avait, lui, plaidé pour la création immédiate de "100.000 emplois jeunes payés au Smic", qui assisteraient les enseignants afin d'aider au rattrapage scolaire post-confinement et lutter contre le décrochage. Etroitement liées au sort des entreprises et à la création d'emplois, les mesures du plan de relance pour les jeunes pourraient tarder à être bénéfiques dans un pays où les solutions étaient déjà plus qu'urgentes avant la crise.

Lire aussi : France Relance, un plan de 100 milliards d'euros pour éviter le décrochage économique

Jeanne Dussueil
Commentaires 8
à écrit le 08/09/2020 à 17:44
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La relance est-elle à la hauteur du chômage de masse des séniors ?

à écrit le 08/09/2020 à 13:06
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un billet d'avion pour aller où ils veulent avec un petit pécule pour les 1ers frais et vogue la galère !

à écrit le 08/09/2020 à 10:15
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Autant donner le pognon aux jeunes tout de suite, ça évitera les intermédiaires.

à écrit le 08/09/2020 à 8:48
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Et dire qu'ils veulent rallonger le travail des anciens...ceux qui les inquiètent c'est la rébellion qui risque de se déclencher!

à écrit le 08/09/2020 à 8:47
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Et dire qu'ils veulent rallonger le travail des anciens...ceux qui les inquiètent c'est la rébellion qui risque de se déclencher!

à écrit le 08/09/2020 à 8:18
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La question qui doit être mise sur la table, alors que nous avons d'énormes besoins en formations pour les personnes actuellement en emplois dans des filières touchées, est l'adéquation des formations de nos jeunes au "marché" de l'emploi actuel; on ...

le 08/09/2020 à 10:33
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C'est pas lk'université le souci. Il n'y a pas d'emploi pour tout le monde. Du coup tout le monde poursuit a mort ses études pour finir par un Doctorat de Physique, un Master 2 etc. Mêle les polytechniciens ne trouvent pas de conditions correctes en ...

à écrit le 07/09/2020 à 16:44
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"prime à l'embauche, formation et acquisition de nouvelles compétences." Politiques qui ont trente ans d'existence c'est désespérant et d'ailleurs les jeunes le voient bien mieux que nos dirigeants guignols, commençant déjà à se résigner, commenç...

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