Crise énergétique : Macron tacle le patron d'EDF Jean-Bernard Lévy

Par latribune.fr  |   |  1293  mots
(Crédits : POOL)
Le président Emmanuel Macron a dénoncé lundi, sans le nommer, les propos "inacceptables" de l'actuel PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy, qui s'était montré très critique sur la stratégie de l'Etat pour le parc nucléaire français à quelques semaines de son départ. Emmanuel Macron a exhorté lundi les Français à "être au rendez vous de la sobriété" pour éviter les rationnements en gaz et électricité cet hiver, invoquant dans cette lutte la solidarité entre les pays européens.

Jean-Bernard Levy était déjà dans le collimateur de Bruno Le Maire, il est également dans celui d'Emmanuel Macron. Ce lundi devant la presse, le président a dénoncé, sans le nommer, les propos « inacceptables » de l'actuel PDG d'EDF, qui s'était montré très critique sur la stratégie de l'Etat pour le parc nucléaire français à quelques semaines de son départ.

« C'est absolument inacceptable que les gens qui ont eu la responsabilité des travaux de maintenance du parc (expliquent) aujourd'hui que nous n'avons pas pris nos responsabilités, parce que dès les premiers mois de mon premier mandat nous avons redonné de la visibilité à la filière », a dénoncé le chef de l'Etat, alors que plus de la moitié des réacteurs nucléaires français sont à l'arrêt pour maintenance, notamment pour un problème de corrosion important.

« Je vais vous dire simplement que les travaux de maintenance, s'ils avaient simplement été faits correctement sur le reste du parc, nous n'aurions même pas cette discussion aujourd'hui », a-t-il poursuivi en assurant que la décision de la fermeture du site de Fessenheim, « la plus vieille centrale » du parc nucléaire, n'était pas « un sujet ».

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« Préparez-vous à fermer des centrales »

« Chacun doit prendre ses responsabilités; pour ma part, je les ai prises (...). Les travaux de maintenance du parc existant ne sont en rien conditionnés à la création, la décision de nouveaux réacteurs nucléaires que j'ai prise en fin de (premier) mandat (...) Ce que j'ai entendu dans le débat public ces dernières semaines est inacceptable parce que c'est faux et irresponsable », a-t-il encore ajouté. Sans le nommer, le président a en tout état de cause visé Jean-Bernard Lévy, dont les noms des successeurs à la présidence et à la direction générale d'EDF ne sont pas encore connus mais sont attendus prochainement. Ce dernier avait critiqué, lors des Rencontres des entrepreneurs de France du Medef, fin août, le manque de vision stratégique de long terme de l'Etat sur le nucléaire.

« On n'a pas de problèmes d'expertise, les compétences, les experts on les a (...) On a beaucoup de chantiers en parallèle et d'une certaine manière, on manque de bras, parce qu'on n'a pas assez d'équipes formées (...) Un soudeur, un tuyauteur, il faut deux-trois ans pour le former », avait-il développé. « Et pourquoi on n'a pas assez d'équipes formées ? Parce que l'on nous a dit que le parc nucléaire va décliner, "préparez-vous à fermer des centrales"», avait-il assuré.

Sobriété : « On doit tous se bouger! »

Par ailleurs, Emmanuel Macron a exhorté les Français à « être au rendez-vous de la sobriété » pour éviter les rationnements en gaz et électricité cet hiver, invoquant dans cette lutte la solidarité entre les pays européens. « Il ne faut pas jouer sur la peur, on n'est pas dans cette situation » de rationnements, a assuré le président.

« Nous avons notre destin en main parce que, depuis le mois de février, on a fait beaucoup de choses et parce que si on arrive à être au rendez-vous de la solidarité et de la sobriété", "la solution est dans notre main », a-t-il ajouté.

« On doit tous se bouger! », a-t-il poursuivi, en appelant à « changer les comportements » comme celui de « mettre la climatisation un peu moins fort » et « le chauffage un peu moins fort que d'habitude » lorsqu'il fera froid, citant la température de 19 degrés.

« Si nous savons collectivement nous comporter de manière plus sobre et faire des économies d'énergie partout, alors il n'y aura pas de rationnement et il n'y aura pas de coupures », a insisté le chef de l'Etat, en rappelant l'objectif de réaliser »10% d'économie d'énergie". Trois jours après avoir présidé un Conseil de défense énergie, Emmanuel Macron s'est entretenu lundi par visioconférence avec le chancelier allemand Olaf Scholz afin de s'entendre sur des solutions pour faire face à l'éventualité d'un arrêt total des livraisons de gaz russe. Il a annoncé que la France s'engageait à livrer davantage de gaz à l'Allemagne, qui pourrait en retour lui fournir de l'électricité si la crise énergétique le nécessitait cet hiver.

« Nous allons finaliser les connexions gazières pour pouvoir livrer du gaz à l'Allemagne (...), s'il y avait un besoin de solidarité », et cette dernière « se mettra en situation de produire davantage d'électricité et de nous (en) apporter dans les situations de pic », a-t-il expliqué.

Emmanuel Macron s'est également déclaré « favorable à des pratiques d'achat commun du gaz » en Europe, pour acheter "moins cher", ainsi qu'au plafonnement du prix du gaz russe livré par gazoduc.

« Mécanisme de contribution européenne »

Il s'est en outre dit lundi favorable à ce que l'UE impose une contribution sur les opérateurs énergétiques qui feraient des « bénéfices indus » avec la flambée des prix de gros de l'électricité sur le continent, à l'unisson de l'Allemagne.

« Nous défendons un mécanisme de contribution européenne (...) qui serait demandée donc aux opérateurs énergétiques », a déclaré Emmanuel Macron, alors que la Commission européenne prépare son propre plan pour contenir la flambée des prix de l'électricité vue cet été. Plutôt qu'une taxe nationale sur les superprofits, la France soutient donc un mécanisme non fiscal, et harmonisé au niveau européen, qui permettrait de récupérer une partie des bénéfices engrangés par des producteurs d'électricité renouvelable ou nucléaire qui produisent aujourd'hui une électricité à bas coût mais revendue à des prix records. Les prix européens de l'électricité, quelle que soit son mode de production, sont en effet corrélés au prix du gaz qui atteint depuis la guerre en Ukraine des sommets historiques.

« Cette contribution pourrait ensuite être reversée aux États pour financer leurs mesures nationales ciblées », envers les ménages et les entreprises, du type bouclier tarifaire, a-t-il expliqué.

L'Allemagne, dont le chancelier Olaf Scholz a parlé à Emmanuel Macron lundi, défend également ce type de mécanisme auprès de la Commission. Si l'Union européenne n'adoptait pas une telle contribution spéciale sur les opérateurs énergétiques, alors « on reviendra à des débats nationaux », a dit le président français, qui écarte bien pour l'instant la création d'un impôt français spécial sur les entreprises du secteur énergétique.

« Pour réduire la volatilité des prix, il nous paraît indispensable d'avoir des mesures de lutte contre les pratiques spéculatives », a ajouté le chef de l'Etat, évoquant les très vives variations de prix des dernières semaines en Europe. « Notre souhait est qu'il puisse y avoir des mécanismes de contrôle de ces opérations spéculatives au niveau européen ».

Le président Macron a par ailleurs déclaré ne pas voir « d'évidence » au « besoin » d'un nouveau gazoduc entre la France et l'Espagne, le projet Midcat, soutenu par Madrid et Berlin mais vu d'un œil méfiant par Paris. En Europe, « on a besoin de plus d'interconnexion électrique » mais « je ne suis pas convaincu qu'on ait besoin de plus d'interconnexion gazière, dont les conséquences, en particulier sur l'environnement, et en particulier sur l'écosystème, sont plus importantes », a-t-il expliqué. Concernant Midcat, « il n'y a pas d'évidence de besoin, il n'y a pas d'évidence aujourd'hui, pas d'évidence demain, il y a de vraies difficultés ».

(Avec AFP)

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