Croissance de la France : les bémols de Didier Migaud

Par Grégoire Normand  |   |  524  mots
Le Haut conseil des finances publiques, présidé par Didier Migaud, actuel président de la Cour des comptes, s'inquiète notamment d'un potentiel risque de déstabilisation des relations commerciales internationales. (Crédits : Charles Platiau)
Didier Migaud, président du Haut conseil des finances publiques, exprime quelques réserves sur le "programme de stabilité" budgétaire, présenté mercredi dernier par le gouvernement, lequel a relevé sa prévision de croissance à 2% cette année, au lieu des 1,7% jusque-là annoncés.

Des menaces pèsent sur la croissance. Dans un avis rendu public le 13 avril dernier, le Haut conseil des finances publiques (HCFP)  a souligné quelques facteurs d'incertitude qui pourraient peser sur l'activité française. Si l'institution juge que les prévisions macroéconomiques du gouvernement sont "réalistes", elle reste prudente à cause notamment des points faibles de l'économie française tels que le commerce extérieur ou la compétitivité hors-prix.

Une contexte international incertain

Le premier facteur d'incertitude pour les auteurs de l'avis repose avant tout sur la politique économique actuellement menée par le président américain Donald Trump. La mise en place d'une politique budgétaire très expansive risque "d'alimenter plus que prévu l'inflation et d'accélérer le resserrement de la politique monétaire [...] dans une économie proche du plein emploi." L'instauration de mesures protectionnistes par l'administration américaine et les réponses des pays concernés "constituent une menace importante à moyen terme pour les échanges commerciaux et pour la croissance mondiale. Les tensions géopolitiques demeurent par ailleurs très fortes au niveau mondial."

Les autres menaces mises en avant dans l'avis du conseil concernent la poursuite de la hausse des cours du pétrole qui pourrait augmenter la facture pour les entreprises et l'appréciation de l'euro qui "pourrait affecter la croissance de la zone euro". L'activité dans l'union monétaire pourrait également ralentir en raison des incertitudes "qui caractérisent la situation politique de certain pays". L'Italie, qui traverse actuellement une phase de négociations pour la mise en place d'un nouveau gouvernement, interroge de nombreux dirigeants européens sur la configuration du nouvel exécutif. La montée des populismes et de l'euroscepticisme pourraient affaiblir la confiances des investisseurs.

Des prévisions atteignables

S'agissant de 2019, la croissance de 1,9% attendue en France est qualifiée d'"atteignable", même si le Haut Conseil souligne que la majorité des autres prévisions publiées à ce jour anticipent un ralentissement un peu plus marqué par rapport à 2018. En revanche, il qualifie d'"optimiste" le scénario d'un PIB qui progresserait au rythme de 1,7% par an entre 2020 et 2022.

Il signifierait selon lui que la croissance effective de l'économie française se maintiendrait au-dessus de sa croissance potentielle sur toute la période car les hypothèses du gouvernement conduisent à une "quasi-fermeture dès 2018 de l'écart de production (différence entre la croissance réelle et la croissance potentielle)" accumulé ces dernières années.

De plus, "le scénario du gouvernement est construit en formulant implicitement l'hypothèse que l'environnement international de l'économie française demeurerait stable à l'horizon 2022", ce qui n'est pas acquis.

Il retient aussi un effort structurel sur les finances publiques devenant plus important à partir de 2019 mais sans que cette orientation plus restrictive de la politique budgétaire ne semble avoir de conséquence sensible sur la croissance.

Le Haut conseil relève enfin que la remontée des taux d'intérêt retenue par le gouvernement "devrait également avoir pour effet de freiner la demande globale à cet horizon", ce qui ne sera pas sans conséquence sur la croissance.

(Avec agences)