Déficit : le Haut Conseil des finances publiques tacle le plan du gouvernement pour revenir sous les 3%

Par latribune.fr  |   |  880  mots
Le 6 mars dernier, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave - ministres de l'Economie et du Budget - ont présenté le cap budgétaire du gouvernement devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale et celle du Sénat. (Crédits : Reuters)
Le programme du gouvernement pour réduire le déficit public à 3% du PIB d'ici 2027 n'a pas convaincu le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) qui a jugé, ce mercredi, qu'il manquait de « crédibilité (et de) cohérence ». De son côté, l'exécutif entend « maintenir le cap » de son action depuis 2017, a répondu sa porte-parole, Prisca Thevenot, défendant un programme de stabilité budgétaire « sûr, cohérent et responsable ».

La copie n'a pas convaincu. Alors que le gouvernement a présenté ce mercredi matin, en Conseil des ministres, son nouveau programme de stabilité, ou « PSTAB » qui définit à l'intention de Bruxelles la manière dont la France compte revenir sous 3% de PIB de déficit public en 2027, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a, de son côté, jugé qu'il manquait de « crédibilité (et de) cohérence ».

Pour rappel, le déficit public 2023 s'est établi à 5,5% du PIB au lieu des 4,9% initialement prévus et Bercy compte le réduire à 5,1% en 2024, 4,1% en 2025, 3,6% en 2026 et finalement 2,9% en 2027. Son programme de stabilité sera prochainement débattu au Parlement et transmis à Bruxelles.

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Mais « le Haut Conseil considère que cette prévision manque de crédibilité », à la fois car la documentation de cet effort « jamais réalisé par le passé (reste) à ce stade lacunaire », mais aussi parce que « sa réalisation suppose la mise en place d'une gouvernance rigoureuse, associant l'ensemble des acteurs concernés (l'État, les collectivités locales et la sécurité sociale), qui n'est pas réunie aujourd'hui », expose l'avis.

« Cette prévision manque également de cohérence », prévient l'institution : « la mise en œuvre de l'ajustement structurel prévu pèsera nécessairement, au moins à court terme, sur l'activité économique », si bien que « les prévisions de croissance élevées du gouvernement (apparaissent) peu cohérentes avec l'ampleur de cet ajustement ».

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Une prévision de croissance optimiste

Ainsi, rien que pour 2024, le HCFP estime que la prévision de croissance du gouvernement, révisée à la baisse en février, à 1% contre 1,4% précédemment, « demeure optimiste », « même si elle n'est pas hors d'atteinte ». Mais globalement, « la trajectoire de PIB » retenue dans les prévisions gouvernementales pour la période 2024-2027 « est surévaluée », estime l'institution.

« Il y a donc un risque important que l'évaluation du PIB potentiel par le gouvernement soit révisée ultérieurement à la baisse, et donc que la part structurelle du déficit le soit à la hausse », met-il en garde.

Au final, « compte tenu de la dégradation » surprise du déficit public 2023 à 5,5% du PIB au lieu des 4,9% initialement prévus et « d'hypothèses de croissance moins élevées », « le retour du déficit public sous 3 points de PIB en 2027 supposerait un ajustement structurel massif entre 2023 et 2027 - 2,2 points de PIB sur quatre ans - (qui) s'appuierait essentiellement sur un effort d'économies en dépenses », résume dans son avis le HCFP.

L'exécutif va « maintenir le cap »

Malgré cet avis négatif, l'exécutif va « maintenir le cap » de son action depuis 2017 a assuré la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, ce mercredi, défendant un programme de stabilité budgétaire « sûr, cohérent et responsable ».

Ce programme « rappelle nos ancres : réindustrialiser, continuer à investir pour nos services publics, aller bien évidemment vers l'objectif du plein emploi pour continuer à mener des réformes structurelles dont le pays a besoin pour le quotidien de nos concitoyens », a déclaré la porte-parole à l'issue du Conseil des ministres. Lors de ce conseil, Emmanuel Macron « a tenu à rappeler qu'il était bien évidemment important et primordial que nous continuions à maintenir notre cap, à tenir notre agenda pour continuer à agir pour une France plus juste, une France plus forte », a-t-elle insisté.

40 milliards d'euros d'économies

Sur le front de la réduction des dépenses, les économies que l'exécutif espère réaliser devaient initialement s'élever à 30 milliards d'euros entre 2024 (10 milliards d'euros, le maximum qui peut être taillé par décret, sans avoir à passer par un projet de loi de finances rectificative (PLFR) au Parlement) et 2025 (20 milliards d'euros) répartis entre l'Etat et la sécurité sociale, selon ce qu'avaient détaillé Bruno Le Maire et Thomas Cazenave - respectivement ministre de l'Economie et ministre du Budget - devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, le 6 mars dernier.

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Mais, entre-temps, le gouvernement s'est finalement résolu à trouver 10 milliards d'euros supplémentaires en 2024 s'il veut rester dans les clous de 5,1% de déficit, dont 5 milliards d'euros d'efforts supplémentaires demandés aux services administratifs de l'Etat et 2,5 milliards aux collectivités locales.

La Banque de France salue le programme du gouvernement

Si la conclusion du Haut conseil est salée, ce n'est pas le cas de la Banque de France. Son gouverneur a salué mardi la mise à jour du programme de stabilité du gouvernement et l'a appelé à assurer sa réalisation « de manière crédible ».

« Le gouvernement français a eu raison de présenter la semaine dernière un programme de Stabilité actualisé, prévoyant une réduction des déficits à 5,1% cette année et à moins de 3% en 2027 », a salué lors d'un discours à New York François Villeroy de Galhau. « Mais il s'agit maintenant d'en préciser le contenu et d'en assurer la mise en œuvre de manière crédible », a-t-il néanmoins mis en garde.

(Avec AFP)