Dette : Moody's se prononce sur la note de la France

Par latribune.fr  |   |  926  mots
L'agence de notation Moody's est la première à se pencher de nouveau cette année sur la note française, avant Fitch le 27 octobre et Standard & Poor's (S&P) le 1er décembre. (Crédits : ANDREW KELLY)
Six mois après la rétrogradation de sa note par Fitch, la France passe ce vendredi sur le gril de l'agence de notation Moody's chargée d'évaluer sa dette, alors que le gouvernement veut donner des gages de sérieux dans le budget 2024.

[Article publié le vendredi 20 octobre 2023 à 07h14 et mis à jour à 11h01] Le verdict devrait tomber dans la soirée. L'agence de notation Moody's, qui attribue actuellement à la France une note « Aa2 » avec perspective stable, est la première à se pencher de nouveau cette année sur la note française, avant Fitch le 27 octobre et Standard & Poor's (S&P) le 1er décembre.

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Elle peut actualiser la note et la perspective ou les garder inchangées. Et elle peut choisir de communiquer ou non.

Le premier coup de semonce de Fitch

S'il a entraîné peu de conséquences sur les marchés, l'abaissement de la note financière de la France par Fitch à « AA -»  avec une perspective « stable » en avril dernier avait été un coup de semonce. Fitch avait notamment évoqué « des déficits budgétaires importants et des progrès modestes » concernant leur réduction, après trois ans d'abondantes dépenses publiques destinées à amortir le choc du Covid et de l'inflation, et les tensions sociales autour de la réforme des retraites.

L'agence avait surtout taclé la méthode employée par le gouvernement pour faire passer la réforme contestée des retraites.

« L'impasse politique et les mouvements sociaux (parfois violents) représentent un risque pour le programme de réformes d'Emmanuel Macron et pourraient créer des pressions en faveur d'une politique fiscale plus expansionniste ou d'un renversement des précédentes réformes », avait-elle alors souligné dans un communiqué.

Des réformes mises au crédit de la France

Quelques semaines plus tard, la France échappait de peu à une révision à la baisse de la note « AA » attribuée par S&P, considérée comme la plus influente des trois. Mais S&P n'avait pas non plus touché à la perspective « négative », ce qui signifie qu'un abaissement de la note est possible. S&P avait relevé des « risques » relatifs à l'exécution des objectifs budgétaires, comme « l'absence de majorité absolue » au Parlement.

Depuis ces dernières actualisations, « l'aspect politique est à peu près stabilisé », analyse pour l'AFP l'économiste et consultant indépendant Norbert Gaillard, notant que les agences ont mis au crédit de la France les réformes du marché du travail et des retraites. Pour Christopher Dembik, économiste chez Pictet, Fitch « a surinterprété la situation politique de la France », au printemps. « L'argument politique est peu solide. C'est une mauvaise raison de dégrader la note d'un pays comme la France en raison de la stabilité des institutions », estime-t-il.

16 milliards d'euros d'économies

Néanmoins, comme au printemps, le principal risque pourrait concerner « l'immobilisme politique ». En l'absence de majorité absolue, le gouvernement a déjà dégainé l'article 49-3 de la Constitution sur le volet recettes du budget 2024. Et d'autres devraient suivre. « Les agences de notation pourraient dire qu'il faut des réformes mais que le gouvernement n'y arrive pas », suggère Eric Dor, directeur des études de l'IESEG School of Management.

Alors que la dette a dépassé les 3.000 milliards d'euros et que le déficit est largement hors des clous européens, le projet de Budget 2024 prévoit au moins 16 milliards d'euros d'économies résultant pour leur plus grande part de la fin de mesures exceptionnelles, comme le bouclier tarifaire pour l'électricité. « Normalement, le projet de budget est de nature à rassurer les agences, sauf si elles mettent en doute sa crédibilité », remarque Eric Dor. En outre, « la dette tricolore est élevée mais très liquide. Les marchés apprécient les dettes liquides ». Enfin, « la France possède un système bancaire très solide contrairement à l'Italie ».

Mais certaines projections économiques sont jugées optimistes par certains économistes et organisations. Le ministère mise sur une croissance économique de 1% cette année, puis de 1,4% en 2024. Il prévoit de ramener le déficit public de 4,9% du PIB en 2023 à 4,4% en 2024, puis à 2,7% en 2027. L'endettement resterait stable à 109,7% du PIB en 2024, pour atteindre 108,1% en fin de quinquennat.

D'autres facteurs pourraient éventuellement conduire à une révision de la perspective de Moody's à « négative », voire à un abaissement de la note de S&P. Le ralentissement de la croissance pourrait avoir un impact défavorable sur les recettes budgétaires et la charge de la dette dans les dépenses pourrait s'accroître avec une nouvelle augmentation des taux de la Banque centrale européenne (BCE) lors de sa réunion du 26 octobre. La France prévoit d'emprunter un montant record de 285 milliards d'euros sur les marchés en 2024.

Budget 2024 : un amendement Fifa qui fait débat

Dans le projet de budget 2024, les mesures fiscales extrêmement avantageuses en faveur des « fédérations sportives internationales » ont pour « objectif » d'attirer la Fifa en France, selon une source interne à l'instance du foot mondial, contactée par l'AFP jeudi. Le gouvernement a ainsi retenu un amendement du groupe présidentiel Renaissance visant à instaurer un cadre fiscal extrêmement avantageux pour les « fédérations sportives internationales ». Le député écologiste Jean-Claude Raux dénonce « le cadeau fiscal de trop, la Fifa dispose de moyens substantiels et n'a pas besoin d'échapper à l'impôt ». Le Rassemblement national s'est lui insurgé dans un communiqué contre « un cadeau fiscal inacceptable » qui « tranche avec l'intransigeance et le mépris de la macronie » sur « les mesures d'urgence sociale ». La Fifa a été créée à Paris en 1904, avant de déménager en 1932 à Zurich, qui est devenu son siège principal en 2007.

(Avec AFP)