Discrimination à l'embauche : un "testing" aux résultats accablants

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  585  mots
Le ministère du Travail a fait réaliser un grand "testing" sur les discriminations à l'embauche en raison de la consonance du nom. De fait, il apparaît que les candidatures « hexagonales » ont été retenues dans 47% des cas , contre 36% pour les candidatures « maghrébines ».
Le ministère du Travail a rendu publics les résultats d'une vaste opération de "testing" sur les discriminations à l’embauche dans les grandes entreprises, selon l’origine du nom des candidats. Il apparaît que les noms d'origine "maghrébine" sont très nettement discriminés par rapport aux noms d'origine "hexagonale".

Quand on postule à une offre d'emploi, mieux vaut s'appeler François ou Charlotte que Mohamed ou Djamila... On s'en doutait, tant les discriminations, notamment à cause de la consonance du nom sont anciennes. Mais un très vaste « testing » réalisé entre avril et juillet dernier par le cabinet ISM Corum, pour le compte du ministère du Travail, vient donner une valeur « scientifique » à cette impression. Les résultats de cette enquête, assez accablants, viennent d'être publiés par La Dares (service statistiques du ministère du Travail).

1.500 tests auprès de 40 entreprises de plus de 1.000 salariés

La démarche méthodologique a été très précise. Afin donc de mesurer les risques discriminatoires liés à « l'origine » du candidat, les recrutements d'une quarantaine d'entreprises de plus de 1.000 salariés ont été testés durant quatre mois. Il s'agissait de répondre à de réelles offres d'emploi. Pour ce faire, le cabinet ISM Corum a proposé à chaque fois deux candidatures quasi rigoureusement équivalente (mêmes compétences professionnelles, même âge, même quartier d'habitation, nationalité française dans les deux cas, etc.). La seule chose qui variait était le nom : la première candidature envoyée l'était avec un nom « d'origine maghrébine » et la deuxième avec un nom « d'origine hexagonale ». Chaque entreprise de neuf secteurs différents a été testée entre 30 et 40 fois, de manière à disposer de résultats exploitables pour chacune d'elles. Au total, 1.500 tests ont été réalisés, soit l'envoi de 3.000 candidatures (deux par offre d'emploi) pour des postes d'employé ou de manager.

Alors quels sont les résultats ? Sur, les 1.500 tests, 497 (33%) n'ont donné lieu à aucune réponse pour les deux candidatures. Dans 11% des cas, il y a eu une réponse... mais les deux candidatures étaient refusées. Au total donc, il y a 44% de refus.

A l'inverse, il y va donc eu 56% de réponses positives pour au moins l'une des deux candidatures. Dans le détail, dans 27% des cas, ce sont les deux candidatures qui ont été retenues et dans 29% des autres cas, seulement une candidature, avec des choix qui se sont plus souvent portés sur la candidature « hexagonale » (20% des cas) que sur la candidature « maghrébine »(9%).

La candidature "hexagonale" retenue dans 47% des cas, contre 36% pour la candidature "maghrébine"

Ainsi, en prenant en compte des propositions identiques pour les deux candidatures et les réponses favorisant une des deux candidatures, la candidature « hexagonale » a été retenue dans 47% des cas (27% + 20%), contre 36% (27% + 9%) pour la candidature « maghrébine ».

A noter que, selon la Dares, les écarts sont quasiment inchangés pour les candidatures au niveau « employé » et au niveau « manager ». De même, les discriminations sont quasi du même niveau, qu'il s'agisse de candidatures masculines ou féminines.

A noter aussi que toutes les entreprises, loin de là, ne sont pas défaillantes. L'enquête montre que 12 des 40 entreprises se sont surtout rendues coupables de discrimination envers les candidatures « maghrébines ». Dans ces entreprises, le taux de réponses positives des « Maghrébins » a été inférieur de... 15 à 35 points à celui des « hexagonaux ».

Ces entreprises ont été discrètement conviées au ministère du Travail pour s'expliquer. Elles ont jusqu'à la fin janvier 2017 pour mettre au point des « plans d'action » modifiant leurs pratiques. Ces plans seront évalués par un comité d'experts... Et si certains résultats demeurent encore insatisfaisants, la ministre du Travail Myriam El Khomri ne s'interdit alors pas de révéler publiquement le nom des entreprises « discriminantes ».