Discriminations à l'embauche : un recours très faible aux droits

Par Grégoire Normand  |   |  697  mots
Malgré des discriminations encore fréquentes sur le marché du travail, seulement 10 % des victimes auraient recours aux droits.
Le non-recours aux droits des personnes victimes de discriminations est éloquent selon une étude du Défenseur des droits. Pourtant, la pratique des discriminations demeure régulière sur le marché du travail.

Les discriminations à l'embauche reviennent au centre des débats en cette rentrée. Le Défenseur des droits a mené une enquête au printemps dernier et vient de publier les résultats "sur la perception des discriminations à l'embauche par des personnes dont les caractéristiques peuvent signaler une origine étrangère."

Sur l'échantillon retenu (758 personnes), plus de 60 % des personnes interrogées indiquent avoir été "souvent" ou "très souvent" confrontées aux discriminations dans l'accès au travail au cours des cinq dernières années.

Une accumulation des discriminations

Parmi les discriminations évoquées, les origines représentent le premier motif habituellement rencontré, suivi du nom de famille et/ou du prénom et enfin de la couleur de peau. S'il y a une hiérarchie dans les motifs de discrimination évoqués, il y a également un effet d'accumulation des discriminations comme l'illustre le graphique ci-dessous.

Un parcours d'accès à l'emploi semé de discriminations

La conjugaison du contexte économique actuel et des discriminations à l'embauche augmente sérieusement les difficultés pour l'insertion professionnelle de ces personnes. Les personnes ayant répondu à l'appel à témoignages déclarent avoir été plus souvent discriminées dans l'accès à l'emploi (81 %) que dans l'accès à un stage (34 %) ou à un contrat en alternance (20 %).

Le travail réalisé par l'équipe du Défenseur des droits permet de voir que les discriminations peuvent avoir lieu à toutes les étapes du parcours d'accès à l'emploi. Selon les réponses obtenues, la majorité des discriminations ont lieu à l'entretien (pour 43 % des répondants), suivie du premier contact (40 %) et enfin de la période d'essai (10 %).

Le premier contact avec le recruteur (envoi du CV, premier échange par mail ou par courriel) est donc un moment déterminant pour constater des discriminations. Des personnes ayant participé à l'enquête expliquent ne jamais parvenir à décrocher un entretien malgré de nombreuses démarches engagées.

"Le marché de l'emploi a beau être saturé, tous mes anciens camarades de promo sont aujourd'hui en poste ; de mon côté, je ne décroche jamais d'entretiens. La seule différence que je vois entre eux et moi c'est ma couleur de peau! Mon conseiller Pôle emploi m'a d'ailleurs suggéré de ne pas mettre de photos sur mes CV ce qui m'a profondément choqué sur le coup mais avec le recul, c'est désormais ce que j'envisage de faire pour au moins avoir une chance de passer le cap de l'entretien." Femme, 26 ans, en recherche d'emploi.

Un recours aux droits très faible

Malgré ces cas de discrimination flagrants, seule une très faible minorité des interrogés ( 8% ) déclare faire des démarches pour faire reconnaître leurs droits. Au sein de l'échantillon, les personnes déjà en emploi ou en période d 'essai et qui se disent être victimes de discrimination entament plus facilement des démarches que les personnes discriminées au moment du premier contact. "Moins d'une personne sur 10 a engagé des démarches pour faire reconnaître ses droits."

Par ailleurs, les conséquences de ces discriminations sur les trajectoires professionnelles sont marquantes pour ces personnes qui ont des difficultés à participer au marché du travail dans leur propre pays ( 80 % des répondants sont de nationalité française). Les cas de renoncement, de déclassement, de projet d'expatriation sont ainsi régulièrement évoqués dans les témoignages recueillis par le Défenseur des droits.

Au mois d'avril, le gouvernement a lancé une campagne de sensibilisation sur les discriminations pratiquées dans le cadre de l'entreprise. Une campagne de "testing" à grande échelle a été menée auprès d'entreprises de plus de 1 000 salariés, testées sur des offres d'emploi relevant de métiers et de secteurs variés. Les résultats sont attendus dans les jours à venir.

Méthode :  Échantillon de 758 personnes, âgées de 18 à 65 ans, ayant répondu à un questionnaire autoadministré en ligne entre le 21 mars et le 21 juin 2016 et déclarant avoir été discriminées à raison de leurs origines au cours d'une recherche d'emploi ou de stage au cours des 5 dernières années.Les informations fournies par les répondants ont donc un caractère déclaratif.