Le gouvernement peine à sortir du marasme parlementaire. Après une trêve de quinze jours, les députés ont auditionné lundi 29 avril les ministres Bruno Le Maire (Economie) et Thomas Cazenave (Budget) sur le programme de stabilité envoyé à Bruxelles. Sous le feu des critiques, le ministre des Finances Bruno Le Maire a assuré, dans un hémicycle aux rangs clairsemés, vouloir dépasser les « querelles politiques » et « tendre la main » à tous les parlementaires de l'opposition qui souhaitaient rétablir les finances publiques.
En face, le Rassemblement national (RN) et la France insoumise (LFI) ont menacé le gouvernement d'une motion de censure s'il ne déposait pas de projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2024. Dans ce contexte troublé, le gouvernement a finalement communiqué à 30 minutes de la fin des débats le programme de réformes envoyé à Bruxelles et annexé au programme de stabilité. Mais peu de mesures concrètes apparaissent dans le document de 25 pages que La Tribune a pu consulter.
À titre de comparaison, le programme envoyé par l'Hexagone à la Commission européenne en 2023 était beaucoup plus épais (237 pages). Menacé de procédure pour déficit excessif en juin prochain, le gouvernement veut donner des gages à Bruxelles sur sa feuille de route de réformes. L'exécutif sait qu'une dégradation de la note française le 31 mai prochain par l'agence Standard and Poor's juste avant les élections européennes serait un désaveu pour la majorité.
Plein emploi : des mesures floues
Sans surprise, le gouvernement a insisté sur son objectif de « plein emploi ». Pour y parvenir, l'exécutif explique qu'il faut favoriser « l'insertion et l'accompagnement des chômeurs », « renforcer les incitations au retour à l'emploi » et « le développement des compétences par la formation professionnelle ». Dans le viseur du gouvernement, figurent en particulier les jeunes. Les auteurs évoquent notamment « la réforme de la formation professionnelle » et « la politique en faveur de l'apprentissage ». Le gouvernement veut également mettre l'accent sur l'emploi des seniors, citant en particulier l'impact de la réforme des retraites mise en oeuvre depuis le premier septembre 2023, et la réforme de l'assurance-chômage.
Mais l'objectif d'Emmanuel Macron de parvenir à un chômage inférieur à 5% a du plomb dans l'aile. Faute de croissance robuste en 2023, les créations d'emplois ont marqué le pas, provoquant une hausse du chômage en France passant de 7,2% de la population active à 7,5% à la fin de l'année. Dans sa lettre au Président de la République, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a, d'ailleurs, exprimé des doutes sur l'objectif du plein emploi alors que la productivité tricolore est en berne. La Banque centrale table sur une remontée du chômage à 7,8% en 2025.
Compétitivité et innovation : pas d'objectifs chiffrés
L'autre axe de réforme mis en avant dans le document concerne « la compétitivité et l'innovation ». Là encore, les pistes de réformes envoyées à la Commission européenne sont assez vagues.
Il s'agit de « poursuivre et d'amplifier le mouvement de réindustrialisation déjà amorcé tant en apportant un soutien financier à l'innovation et la R&D publiques et privées, qu'en simplifiant davantage l'environnement réglementaire pour faire émerger en France l'industrie verte de demain ».
Dans le document, aucune cible chiffrée sur la réindustrialisation ou l'innovation n'apparaît. Pourtant, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire n'a pas caché son objectif de faire passer la part de l'industrie manufacturière dans le PIB de 10% à 15%, sans forcément fixer de calendrier précis. Ce qui est jugé « optimiste » aux yeux de plusieurs experts. Dans un rapport qu'il doit remettre à Bercy dans les jours à venir, l'ancien conseiller Industrie de l'Elysée Olivier Lluansi évoque ce que la France peut « raisonnablement faire » d'ici à 2035, « c'est 12% ou 13% ».
En matière d'innovation, les dépenses de la France concernant la Recherche et Développement (2,4% du PIB) accusent un retard sur les objectifs européens fixés au début des années 2000 (3% du PIB). Le gouvernement compte notamment sur la poursuite du plan d'investissement France 2030 dotée d'une enveloppe de 54 milliards d'euros pour renforcer l'innovation dans quelques secteurs stratégiques. Sur la transition écologique, le document explique que l'objectif est de positionner « la France en tant que leader ». Reste à savoir ce que la Commission va penser de tous ces objectifs aux contours encore flous.