Etat-Providence : il est temps de sortir du « mirage de la gratuité universelle », défend Bruno Le Maire

Par latribune.fr  |   |  932  mots
Bruno Le Maire, ministre de l'Economie. (Crédits : Reuters)
Le ministre de l'Economie pointe les défauts actuels de l'Etat-Providence à la française et appelle à passer à un modèle « d'Etat protecteur ». Concernant l'assurance chômage, il n'exclut pas de resserrer encore ses conditions.

En finir avec l'Etat-Providence ? C'est ce qu'a plaidé le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire dans une interview au Journal du Dimanche. Il souhaite passer à un modèle « d'Etat protecteur », afin de « reprendre la maîtrise » d'un système devenu « incontrôlable », explique le ministre, à l'occasion de la parution d'un nouveau livre, « La voie française », publié chez Flammarion. Le modèle actuel a selon lui comme « but ultime la gratuité de tout, pour tous, tout le temps : c'est intenable ! ».

Quand le modèle d'Etat providence a été fondé en 1945, il avait « peu de prestations et beaucoup de cotisants. Près de quatre-vingts ans plus tard, il a beaucoup de prestations et moins de cotisants. Comment cela peut-il tenir ? », questionne-t-il. Avant d'ajouter :

« Les salariés ne peuvent plus être les seuls financeurs du modèle social. La charge est trop lourde. Il faut trouver des voies complémentaires, plus justes et moins pénalisantes pour le travail et la production ».

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Dépenses publiques qui s'empilent

Selon lui, « partout en Europe », mais « surtout en France », « l'État-providence a fini par devenir une machine à empiler de nouvelles dépenses publiques, sans examen de leur pertinence ni de leur efficacité, sans remise en cause non plus des dépenses précédentes. Nous devons reprendre la maîtrise de ce système devenu incontrôlable ».

Le ministre estime que « le temps des choix est venu », pour sortir du « mirage de la gratuité universelle ». Il argumente en citant notamment le vieillissement de la population, avec le grand âge qui « pèse lourdement sur les comptes sociaux et pèsera de plus en plus lourd », et appelle à débattre au parlement des « grands enjeux du vieillissement, de la prise en charge de la dépendance, de l'accompagnement des personnes seules ».

Pour réduire les dépenses, le gouvernement a déjà annoncé début mars des économies à réaliser sur les budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale qui devront atteindre « au moins 20 milliards d'euros » en 2025, et non plus les 12 milliards envisagés précédemment. Fin février, l'exécutif avait également annoncé un rabot sur les dépenses de l'Etat de l'ordre de 10 milliards d'euros après que Bercy a abaissé sa prévision de croissance à 1% pour 2024.

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L'assurance chômage dans le viseur

Du côté de l'assurance chômage, Bruno Le Maire n'exclut pas de resserrer encore ses conditions :

« La meilleure rémunération, la formation, la valorisation des filières qui embauchent, une meilleure orientation sont des politiques que nous mettons déjà en œuvre. Ajoutons-y une nouvelle réforme de l'assurance chômage : nous avons encore une durée d'indemnisation parmi les plus généreuses en Europe. Cette générosité se paie au prix fort : un taux de chômage encore au-dessus de celui de nos principaux partenaires économiques », lance le ministre.

Déjà début mars, Bruno Le Maire plaidait pour une reprise en main « définitive » par l'Etat de l'assurance chômage, une position qui fait bondir les syndicats au moment où une nouvelle réforme est envisagée par le gouvernement afin d'en durcir encore les droits. En effet, depuis trois mois, le gouvernement manifeste sa volonté de durcir encore les droits à l'assurance chômage, après deux réformes controversées en ce sens en 2019 et 2023.

Gabriel Attal a déclaré il y a quelques jours qu'il réunirait « à la mi-mars » un séminaire gouvernemental « dédié à la question du travail » pour notamment « préparer les grandes décisions » à prendre en la matière.

Bruno Le Maire prône une « Communauté européenne de l'intelligence artificielle »

 Outre les dépenses de l'Etat, le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire est également revenu sur les enjeux de l'intelligence artificielle (IA) lors de son interview. Il propose ainsi « la création d'une communauté européenne de l'intelligence artificielle » afin de mieux coordonner les moyens pour innover dans ce domaine. « La France a un temps d'avance en IA », selon lui, et « elle doit guider l'Europe vers un projet ambitieux ».

Symbole de réussite dans ce domaine, le français Mistral AI, l'un des deux champions de l'IA en Europe, est cité en exemple. Mistral AI « a trouvé dans notre pays un écosystème dynamique, des fonds, un modèle culturel, une envie. (...)  La France restera le leader en Europe de l'IA si nous simplifions encore nos procédures, si nous mettons à disposition les capitaux nécessaires, si nous défendons notre modèle open source », affirme Bruno Le Maire.

Mistral AI avait reçu les encouragements du président Emmanuel Macron lors de son lancement et Bruno Le Maire a récemment insisté sur sa volonté de voir émerger « un modèle sur l'IA qui soit propre à la France (...) » et créateur d'emplois.

« Le moment est venu pour l'Union européenne d'embrasser l'innovation et le risque, en privilégiant l'investissement massif avant la réglementation. Que voulons-nous devenir ? Des producteurs de savoirs nouveaux ? Ou de simples clients de Meta et de Google ? », s'interroge le ministre.

Mi-janvier, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait, elle, déjà incité l'UE à « redoubler d'efforts » pour ne pas se laisser distancer dans le domaine de l'IA. Deux semaines plus tard, les Etats membres ont approuvé une première loi pour réguler l'IA, tout en prenant en compte les besoins des start-up.

(Avec AFP)