« La situation commence à se tendre, cette séance de ce jeudi promet d'être compliquée », prévient Olivier Guivarch le négociateur de la CFDT. Et pour cause, le temps presse, et les syndicats comme le patronat sont sous la pression du gouvernement. Ce mercredi, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie assure, dans Le Monde, que l'Etat doit avoir la main sur l'assurance-chômage : « La responsabilité des partenaires sociaux, ce sont les salariés. La responsabilité de l'Etat, ce sont tous ceux qui sont au chômage. »
Un projet du patronat très attendu
Pour l'instant, selon plusieurs sources syndicales, le patronat a très peu dévoilé ses intentions. Mais ce jeudi, il doit mettre sur la table un projet d'accord. Que contiendra ce premier projet de texte ? Usure professionnelle, transition et reconversion professionnelles... sur tous ce sujets, Medef -CPME et U2P sont vivement attendus. Car pour l'heure, les syndicats trouvent les propositions bien timides. « Le patronat parle de la culture de l'entreprise qui doit changer pour que les seniors trouvent mieux leur place, mais n'envisage aucune mesure concrète pour que ça change, vaguement évoque-t-il un renforcement des retraites progressives », s'agace le négociateur CFDT.
Le CDI senior, martingale patronale
Selon Force Ouvrière, le patronat, de toute façon, n'est pas très investi dans cette négociation. Preuve en est, une de ses rares suggestions concrètes est la création d'un CDI senior. Un outil, qui selon les syndicats, ne résoudra pas le problème des aménagements de carrière, des adaptations à l'usure et donc in fine du chômage des travailleurs les plus âgés. Sans compter que ce type de dispositif - le contrat senior - a déjà existé sans porter ses fruits. Le patronat souhaiterait que ce CDI comporte une incitation financière pour les entreprises, sur le modèle de l'apprentissage. Mais reste le nerf de la guerre : qui paie ? qui contribue ? Or, tous savent qu'ils ne peuvent pas compter sur un financement de l'Etat, qui coupe déjà dans ses budgets.
Le CETU, véritable point de blocage
Au cours des discussions, le patronat a bien fait savoir ce dont il ne voulait pas. Et en haut de la pile, se trouve le Compte épargne temps universel, le CETU, dispositif auquel est attaché de longue date la CFDT. Ce compte vise à permettre à un salarié d'épargner des jours de congés pour aménager son parcours professionnel, et même sa retraite. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s'était montré favorable à cette proposition. « Mais, c'est tout bonnement inapplicable dans les entreprises, surtout les plus petites », plaide un membre patronal. Et d'ajouter : « C'est encore une belle idée sociétale de la CFDT, comme les 35 heures, qui va se révéler être une véritable usine à gaz et plomber notre compétitivité. »
Reste que l'organisation de Marylise Léon n'entend pas passer outre. Elle prévient qu'elle ne signera pas d'accord si le CETU n'est pas mentionné. « Peut être que l'on peut l'évoquer sous une forme ou une autre... sans qu'il soit obligatoire et en renvoyant les modalités à plus tard », tempère un représentant patronal.
In fine, le paritarisme en question
Devant le blocage qui semble se dessiner, les centrales s'interrogent : puisque le gouvernement est tenté de reprendre la main, le patronat finalement, ne vise-t-il pas à abandonner l'assurance chômage ? Alors que ce système reste un des derniers bastions du paritarisme de gestion, le Medef va-t-il le défendre ou lâcher l'affaire ? Patronat comme syndicats vont-ils se battre pour trouver un accord afin de montrer au gouvernement qu'ils sont capables de prendre leurs responsabilités et que le dialogue social est fécond en France ? Derrière les dispositifs négociés sur le fond, c'est bien ce qui se joue dans cette dernière ligne droite de négociation.
Sachant que le gouvernement ne leur laisse que peu d'espaces. Même si patronat et syndicats parviennent à se mettre d'accord, le gouvernement a déjà prévu d'aller beaucoup plus loin que leur compromis, et de lancer une nouvelle réforme du régime de l'assurance chômage, rapidement, pour faire des économies. L'exécutif ne s'en cache pas : il envisage notamment de réduire la durée d'assurance chômage.
A la veille de cette séance, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, annonçait ce mercredi devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale, que les économies de l'Etat et de la Sécurité sociale devront atteindre au moins 20 milliards d'euros d'économie en 2025.