Budget : la rigueur va-t-elle freiner encore plus la croissance ?

La croissance française devrait avoisiner les 1%, selon les nouvelles prévisions de Bercy. C'est 0,4 point de moins par rapport à ce que tablait le gouvernement. Mais qui dit baisse des prévisions de croissance, signifie réduction des dépenses. Le gouvernement compte ainsi rogner 10 milliards d'euros, une issue désormais nécessaire si l'exécutif souhaite juguler son déficit.
Au 20 heures de TF1, le ministre de l'Economie a dû jouer les annonciateurs de mauvaises nouvelles en tablant désormais sur une croissance à 1%.
Au 20 heures de TF1, le ministre de l'Economie a dû jouer les annonciateurs de mauvaises nouvelles en tablant désormais sur une croissance à 1%. (Crédits : ©Laure Boyer / Hans Lucas.)

Est-ce désormais réalisable ? Alors que Bercy tablait sur une croissance à 1,4% pour cette nouvelle année, une prévision qui a d'ailleurs permis de bâtir le budget 2024, Bruno Le Maire a annoncé la veille revoir les prévisions françaises. Au 20 heures de TF1, le ministre de l'Economie a dû jouer les annonciateurs de mauvaises nouvelles en tablant désormais sur une croissance à 1%.

Une annonce pas si surprenante et même attendue. « Nous le savions déjà depuis fin 2023, la prévision de 1,4% de croissance de Bercy était irréaliste », pointe Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of management. Elle est désormais plus réaliste qu'avant, mais encore légèrement éloignée des prévisions de certaines institutions.

Même si le Fonds monétaire international (FMI) porte la même estimation que Bercy, l'OCDE, quant à elle, prévoit pour la France une croissance de 0,6%, selon son dernier rapport intermédiaire datant de février. Pas de quoi déstabiliser le ministre, qui argue ce lundi dans un point presse sur les récentes annonces que « dans le fond, le meilleur prévisionniste, c'est le gouvernement, puisque c'est lui qui s'est le plus approché de ce que fait réellement la croissance française en 2023... ».

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Faiblesse de l'investissement

Mais pourquoi ce revirement dans les prévisions ? Le gouvernement s'inquiète notamment du « nouveau contexte géopolitique », pointe Bruno Le Maire, avec le ralentissement économique de la Chine, qui a notamment un impact sur le commerce extérieur mondial. Le moteur de l'Europe, l'Allemagne, a également subi une déconfiture en 2023 avec une activité en repli, touchée de plein fouet par la crise de l'énergie.

Au-delà des raisons géopolitiques, cette année « la croissance change de nature », rapporte Denis Ferrand, directeur général de Rexecode. Alors qu'elle était jusqu'ici portée par les dépenses des entreprises, c'est-à-dire leurs investissements, la réalité est désormais tout autre. « C'est de là que vient la principale menace qui pèse sur la croissance », affirme l'économiste.

Les entreprises font ainsi face à des situations de trésoreries de plus en plus compliquées couplées à une hausse des taux. De ce fait, elles investissent beaucoup moins. Cette année, ce serait donc la consommation des ménages qui permettrait de soutenir la croissance. Grâce notamment à « une progression des salaires supérieure à l'inflation », ou encore le ralentissement de l'inflation, précise l'économiste.

Une inflation qui est d'ailleurs responsable de ces chiffres de croissance. « Le ralentissement économique, c'est le prix à payer de la victoire contre l'inflation », estime Bruno Le Maire. « Chacun doit bien mesurer à quel point cette augmentation spectaculaire des taux a pesé sur la croissance en Europe et dans le reste du monde », défend-il.

Pour rappel, pour contenir l'inflation, la Banque centrale européenne a augmenté à de nombreuses reprises ses taux d'intérêts, ce qui a eu pour effet de réduire l'investissement et le pouvoir d'achat. Il ne faut cependant pas crier victoire trop vite, car des incertitudes demeurent. Notamment concernant le secteur des services. Pour Denis Ferrand, avec l'évolution des salaires, « on peut observer des signes quant à la formation d'une boucle entre les salaires et les prix », explique-t-il.

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Baisse des dépenses

Cependant, qui dit moins de croissance, dit également une baisse des dépenses. Le gouvernement a, en effet, annoncé un plan d'économies de 10 milliards d'euros sur les dépenses de l'Etat, qui sont passées de 320 milliards en 2019 à plus de 400 milliards en 2024. « On gagne moins, on dépense moins. Je pense que c'est une règle de bon sens », estime Bruno Le Maire. Dans le détail, le gouvernement compte rogner 5 milliards dans les dépenses de fonctionnement des ministères en décalant, par exemple, ses recrutements ou encore en réduisant la facture des achats de l'Etat.

Et il compte économiser 5 autres milliards dans différents secteurs. Pour cela, Thomas Cazenave, ministre des Comptes publics a annoncé la réduction de l'ampleur de certaines aides notamment concernant l'aide publique au développement ou encore le fonds vert à destination des collectivités territoriales. Enfin, le gouvernement révise également différentes politiques publiques, à l'image de MaPrimeRénov' sur laquelle il compte en revoir également « l'ampleur » ou même en revoyant les conditions de mobilisation du compte personnel de Formation, le fameux CPF.

Le gouvernement précise tout de même que cette réduction ne se fait pas au détriment du budget de la sécurité sociale ou à celui des collectivités locales. Et surtout qu'il n'y aura pas d'augmentation des taxes et des impôts.

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Quel impact sur la croissance ? 

Quid de l'impact de cette baisse des dépenses sur la croissance ? « Réduire les perspectives de croissance, impose davantage d'austérité budgétaire », souligne l'économiste Eric Dor, « mais cette austérité peut être de nature à rendre la croissance du PIB moins bonne qu'initialement ». Même son de cloche pour Denis Ferrand : « Moins de dépenses publiques, c'est moins de soutien immédiat à la croissance ».

Néanmoins, les deux experts s'accordent sur la nécessité de juguler le déficit public. « Pour éviter l'alourdissement des conditions de financement de la dette, il faut maîtriser les finances publiques », argue Denis Ferrand. La charge sur la dette, qui représente toutes les dépenses de l'Etat destinées au paiement des intérêts de sa dette, « est passée de 35 milliards d'euros il y a peu à désormais plus de 50 milliards. Avec une trajectoire de remontée des taux, on pourrait arriver à 80 milliards d'euros », estime l'économiste. « Le coût de la dette devient prohibitif », lance-t-il.

L'enjeu pour la France est donc de stabiliser sa dette pour garder la confiance des marchés, afin d'éviter un scénario « à la sauce grecque », pointe Eric Dor. La Grèce avait traversé dans les années 2010 une grave crise de sa dette publique, ayant eu pour conséquence une lourde chute du PIB, ainsi que du revenu disponible des ménages. La France a alors intérêt à envoyer les bons signaux aux investisseurs et autres agences de notations. D'autant que le verdict de Fitch et Moody's est attendu le 16 avril et celui de S&P Global Ratings, le 31 mai.

Commentaires 40
à écrit le 20/02/2024 à 19:43
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a vous lire vous confondez l'etat francais et la france: l' etat est tres endette la france à la 2 eme épargne d 'europe un pnb qui progesse chaque année -3 x celui des années 70 par ex- qui cumulée avec les produits financiers et les dettes des autr...

à écrit le 20/02/2024 à 18:33
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il semblerait que le maire soit encore optimiste avec i pour cent le patron de la banque de france misait a 0,4 ou 0,5 il est plus pres de la veritee mais comme d'habitude le maire sait bien mentir

à écrit le 20/02/2024 à 11:42
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Peut-on parler de Rigueur avec 58% de dépense publique, 1,5 millions de fonctionnaires de trop et 5% de déficit public????? Cette rigueur ä la francaise peut faire sourir ailleurs en Europe. En Allemagne la dépense publique est actuellement de 44% et...

le 20/02/2024 à 13:15
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Les Français sont infiniment jaloux des autres. Ils n'ont jamais appris à se débrouiller seuls. Ils vivent encore dans l'esprit de la Bastille.

le 20/02/2024 à 17:46
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La dépense publique inclue aussi des aides (massives) aux entreprises (sans exigence en retour, notons le au passage avec le risque de voir ses aides se transformer par "miracle" en augmentation de dividende pour les actionnaires). 58 % n'empêche pou...

le 20/02/2024 à 17:49
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Les chiffres que vous citez pour la dépense publique sont je suppose des pourcentages du PIB, sans d'ailleurs de précision sur quelle année ils portent ni leur source. L'Allemagne a un PIB plus de 30% supérieur à celui de la France, donc si vous mu...

le 20/02/2024 à 19:21
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Les entreprises bénéficient de niches fiscales , c'est à dire qu'elles paient beaucoup moins de ce qu'elles devraient ce qui représente des rentrées en moins au budget de l'état .Par exemple le crédit impôt recherche permet aux grandes entreprises ...

à écrit le 20/02/2024 à 11:27
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Les charlatans de l'État ne veulent pas traiter le problème en profondeur qui imposerait en toute rationalité une réforme en profondeur de l'État - paternaliste de surcroît - et pour cause. À cet égard, la théorie des choix publics (Public Choice - B...

le 20/02/2024 à 15:02
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En France, c'est un peu plus subtil que ça car le secteur marchand regorge de fonctionnaires se faisant passer pour des entrepreneurs (notaires, avocats...), c'est là qu'on trouve les rentes les plus juteuses et fatalement, il y a beaucoup d'appelés,...

à écrit le 20/02/2024 à 9:53
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Pour relancer la croissance un gouvernement de gauche ferait de grands travaux.

le 20/02/2024 à 11:28
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Un gros trou supplémentaire, à n'en pas douter.

le 20/02/2024 à 11:38
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Les gens de gauche s'ils le souhaitent, peuvent se cotiser pour financer leurs grands travaux. L'état ne peut pas éternellement mettre la charrue devant les bœufs: ce qui manque à la France pour financer dans la durées ses dépenses collectives est ...

le 20/02/2024 à 14:00
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A part deux ou trois mesures symboliques, la gauche "de gouvernement" fait la même politique de la droite consistant à prendre dans la poche de jeunes en voie de prolétarisation pour donner à des vieux boomers embourgeoisés, c'est pour ça que le PS a...

le 20/02/2024 à 14:33
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@AdieuBCE : le Made in France véritablement compétitif n'a le potentiel de n'embaucher que quelques centaines de milliers de personnes car quand il n'est pas automatisé à outrance, il est sur des niches et c'est comme ça qu'on se retrouve avec des mi...

à écrit le 20/02/2024 à 9:27
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Tempête dans un verre d'eau. 10 milliards, c'est un micro ajustement sur les milliers de milliards de dépenses. En plus c'est une moindre augmentation, pas une économie nette. On est très loin d'être rigoureux, on est les pires d'Europe en fait. Et...

le 20/02/2024 à 9:31
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il est a genou il suffit de pousser un peut plus fort pour qu'il parte

le 20/02/2024 à 9:36
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@Raisonnable: Rigueur? On est loin de 1983, une époque que beaucoup d'entre nous n'ont pas connue. A se demander si nos brillantes "élites" gouvernementales se f......de nous. Si seulement elles étaient payées aux résultats! Vivement la mise sous cur...

le 20/02/2024 à 9:45
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Le budget de la France ce n'est pas des milliers de milliards. Renseignez vous.

à écrit le 20/02/2024 à 8:17
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La dictature de la rigueur imposée par la troïka n'a mené qu'à la paupérisation des peuples où quand le remède est plus dangereux que le mal, donc c'est d'abord la rigueur qu'ils veulent et non la croissance économique c'est flagrant.

à écrit le 19/02/2024 à 23:42
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Si l'état veut faire des vraies économies il ne pourra pas éviter de geler les retraites, le smic, les APL, le RSA ou les allocations familiales en laissant que l'inflation en baisse le coût réel. Et il faudra aussi revoir les maquis des subventions...

le 20/02/2024 à 8:14
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Avant d'attaquer les retraites et le smic, il y a tout un panel de dépenses inutiles à réduire : - 30 milliards d'€/an aux associations - AME et CMU : 10 milliards d'€/an - aide eu développement : 16 milliards d'€/an - réduction de 15% du nombre ...

le 20/02/2024 à 8:33
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Le gros problème, c'est que pour plaire aux retraités actuels, on persiste dans la démagogie faisant du chômage une maladie honteuse alors que notre secteur marchand n'est compétitif que sur des secteurs pauvres en emplois, ce qui oblige ensuite l'Et...

le 20/02/2024 à 10:05
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@Adieu BCE Bonjour , vous auriez également pus citer , taillé dans le gras de l état , c est a dire NOS politiciens , un exemple les USA 400 millions d habitants 435 députes ( a la fourchette bien sur ) et nous en France 577 députes ( je suis sur q...

le 20/02/2024 à 17:53
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@Atchcoum : les politiciens ont toujours existé, mais avant, ce n'était pas trop gênant car il n'y avait pas à traîner un fardeau de 18 millions de retraités avec 20 ans d'espérance de vie à la retraite. Pendant les 30 Glorieuses, les retraités étaie...

le 20/02/2024 à 22:26
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Il faut supprimer les réductions d’impôts pour les dons aux associations car chaque don engage une dépense (ou une non recette) de l’Etat. Il appartient à chacun de donner de sa propre poche et non de celle de l’Etat.

le 21/02/2024 à 1:19
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@ Atchoum :Vous ne parlez que de représentants fédéral. Or chaque état a un parlement appelé législature d'état pour l'adoption des lois au niveau de l'état. La chambre des représentants de l'état de New York par exemple compte 150 membres. D'autres...

à écrit le 19/02/2024 à 23:25
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Moi aussi je vais réduire mes dépenses pour suivre et soutenir l état : 30% d épargne pour tous les mois de 2024 2025, 2026…. … vive les économies !! Pas de restau, pas de ciné , pas de textile , pas de cigarette, pas d’ alcools, pas de fuel que...

le 20/02/2024 à 19:33
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C'est justement car les gens consomment moins d"alcool que les comptes sont déséquilibrés car c'est moins de taxe qui rentrent et des gens vivant 20/25 ans en retraite au lieu de mourir à 50 ans d'une cirrhose :-)

à écrit le 19/02/2024 à 23:24
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Moi aussi je vais réduire mes dépenses pour suivre et soutenir l état : 30% d épargne pour tous les mois de 2024 2025, 2026…. … vive les économies !! Pas de restau, pas de ciné , pas de textile , pas de cigarette, pas d’ alcools, pas de fuel que...

à écrit le 19/02/2024 à 21:46
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wow, la rigueur c'est de depenser seulement 5% de plus que ce qu'on gagne alors quon pensait plutot 10 ou 15% ' sans aucune consequence', car la dette pour la gauche ne pese rien, sauf quand il faut la rembourser, et que la, c'est injuste c'est de d...

le 19/02/2024 à 23:43
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Oui, en France la rigueur c'est viser 4,4% de déficit.

le 20/02/2024 à 20:12
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Bah ce qu'on appelle le néo-libéralisme, c'est en fait le libéralisme débarrassé de son surmoi d'éthique protestante, en fait du capitalisme "à la française" qui ne sait généralement faire du profit qu'en cocufiant le salarié ou le consommateur ou, e...

à écrit le 19/02/2024 à 21:27
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Deficit public USA hors retraitement effectué par M. BIDEN sur le remboursement des prêts étudiants = 8 %. L'exemple même de la mauvaise gestion, que les agences de notation (américaines ) ne sanctionnent pas en répétant en boucle que la dette améri...

à écrit le 19/02/2024 à 21:26
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Deficit public USA hors retraitement effectué par M. BIDEN sur le remboursement des prts étudiants = 8 %. L'exemple même de la mauvaise gestion, que les agences de notation (américaines ) ne sanctionnent pas en répétant en boucle que la dette améric...

à écrit le 19/02/2024 à 20:49
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Dépenses de l'État français (converties en euros et exprimées en milliards) dédiées aux subventions: 1978 (3.9); 1987 (11.1); 1993 (10.3); 1999 (8.7); 2003 (7.0); 2009 (13.1); 2014 (21.4); 2015 (28.3); 2017 (43.2); 2018 (47.9); 2019 (47.1); 2020 (52....

le 21/02/2024 à 1:29
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Certes , mais pourquoi l'état donne des subventions ? C'est parce qu'il taxe trop et quand il se rend compte que l'entreprise n'embauche plus ou que le pays n'est plus attractif, il subventionne pour adoucir ce qu'il a pris de la main droite. N'oubli...

le 21/02/2024 à 20:42
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@Tototiti. L'État français "ponctionne tellement les tenants du grand Capital" que la France est le deuxième pays au monde, après les États-Unis, où les entreprises distribuent le plus de dividendes🤡 Et le pays où les rachats d'actions propres sont l...

à écrit le 19/02/2024 à 20:10
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Voila. La "croissance" est donc artificielle et n'est maintenue que par l'emprunt. En bref, la France est en faillite. Pinailler sur 10 milliards d'euros avec une dette de 3300 milliard d'euros n'y change rien.

le 20/02/2024 à 20:22
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Oui, la dette sert à gonfler artificiellement le marché interne dans lequel 95% des entreprise réalisent l'intégralité de leur chiffre d'affaire et c'est pour ça qu'on ne peut pas baisser les dépenses publiques car au niveau macro, on subventionne le...

à écrit le 19/02/2024 à 19:31
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[Une annonce pas si surprenante et même attendue. « Nous le savions déjà depuis fin 2023, la prévision de 1,4% de croissance de Bercy était irréaliste », pointe Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of management. Elle est désor...

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