Face à la grippe, la France est-elle impuissante ?

Par Fabien Piliu  |   |  955  mots
" Nous sommes en train de passer le pic de l'épidémie. Elle va se poursuivre quelques semaines encore. La saturation des services d'urgence n'existe pas aujourd'hui ", a expliqué Marisol Touraine, la ministre de la Santé
Le gouvernement s'émeut de la propagation de la grippe et des menaces en termes de santé publique. Comment en est-on arrivé là ?

L'épidémie de grippe frappe les Français, affaiblie les plus fragiles et bouleverse la médecine de ville comme les services des urgences des hôpitaux.

Entre le 4 et le 10 janvier 2017, l'Institut de recherche pour la valorisation des données de santé (IRSAN) estime que la grippe a touché 305 680 nouvelles personnes en France métropolitaine.

"Nous sommes en train de passer le pic de l'épidémie. Elle va se poursuivre quelques semaines encore. La saturation des services d'urgence n'existe pas aujourd'hui", a expliqué Marisol Touraine, la ministre de la Santé ce vendredi, précisant qu'il "n'y a pas de difficultés pour accueillir les personnes". Jeudi, 142 hôpitaux français sur 850 étaient déclarés "établissements de santé en tension".

Des propos qui prolongent ceux qu'elle tint jeudi, après que la ministre a été convoquée le matin par François Hollande, le président de la République, accompagné de Martin Hirsch, le directeur général de l'AP-HP. "Débordé ça serait s'il y avait des patients auxquels on disait: "désolé, il y a pas de place pour vous, vous ne pouvez pas être pris en charge (...)": ce n'est pas ce qui arrive", avait déclaré celui-ci.

La FHF avance plusieurs explications

Certes, la propagation du virus est plus précoce que d'habitude. Selon l'IRSAN, qui a comparé les données hebdomadaires recueillies depuis trois ans, le nombre de cas pour 100.000 habitants s'élève à 460,93 actuellement alors qu'il n'était que de 101,39 à la même date en 2015 et de 229,24 en 2014. Est-ce une raison suffisante pour expliquer la congestion des urgences et l'essoufflement de la médecine de ville que semblent vouloir relativiser le gouvernement ?

La Fédération hospitalière de France (FHF) tire déjà plusieurs enseignements de la crise sanitaire actuelle. Premier point, la FHF dénonce le manque d'anticipation des pouvoirs publics. "Il aura malheureusement fallu attendre cette semaine pour que le gouvernement prenne conscience de l'ampleur de la situation. La tenue de réunions plus en amont, associant l'ensemble des acteurs du système de santé, quels que soient leur statut (publics ou privé), de l'amont et de l'aval, aurait sans nul doute permis de mobiliser plus efficacement les énergies et d'améliorer la coordination entre les uns et les autres", explique la Fédération dans un communiqué.

Moins de lits ?

Celle-ci pointe également les limites de la politique de suppression de lits et d'économies au rabot observées ces dernières années. "Les hôpitaux publics ont été contraints de réduire massivement leurs lits dans un mouvement souvent non accompagné de réorganisations territoriales. Rappelons que l'objectif cible du plan triennal était de 16. 000 lits supprimés", indique la FHF. Un propos relayé par Patrick Pelloux, le président de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF), et Philippe Juvin, le chef des urgences de l'Hôpital Georges-Pompidou et député européen (LR) qui ont également critiqué mercredi la politique de fermetures de lits menée selon eux ces dernières années, estimant que cette situation avait pu aggraver la difficulté des hôpitaux à faire face à l'actuelle épidémie de grippe.

Ces arguments ne tiennent pas selon le ministère de la Santé qui recense 2.450 lits de médecine et 2.830 lits de soins de suite et de réadaptation supplémentaires depuis 2012.

Qui pour vacciner les Français ?

LA FHF estime également que "l'épidémie de grippe met en lumière l'insuffisante couverture vaccinale de la population mais aussi des professionnels de santé". "Cela rend indispensable des mesures fortes en faveur d'une politique de prévention qui associe tous les acteurs et au premier rang desquels les pharmaciens dont le rôle doit davantage être reconnu", poursuit la Fédération.

Sur ce sujet, il faudra que les professionnels de santé se mettent d'accord. Dans le cadre du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2017, des députés ont voté une expérimentation permettant aux pharmaciens de vacciner contre la grippe dans es officines où ont été achetés les vaccins. Mais les médecins et les infirmiers se sont opposés farouchement à cette mesure, pour des motifs différents.

"Est-ce que la solution réside dans la multiplication des lieux de vaccination ? Certainement pas ! Rappelons que les infirmières procèdent déjà à des vaccinations et que cela n'a pas fait augmenter le taux de couverture vaccinale. C'est en développant la prévention et les missions de santé publique du médecin traitant (...) qu'on parviendra à améliorer la couverture vaccinale. Il faut recentrer la vaccination sur le médecin traitant via des consultations dédiées à la prévention à des âges ciblés", avait alors expliqué la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) le premier syndicat de médecins libéraux.

MG France ne fut pas en reste.  "L'expérimentation envisagée suppose la formation initiale des pharmaciens, la maîtrise des antécédents, notamment vaccinaux du patient, la transmission au médecin traitant d'informations sur la date, le lot et le type de vaccin utilisé, la surveillance et la prise en charge des éventuels effets post-vaccinaux", précisait le syndicat. Même les infirmiers s'y opposent. "L'amendement voté par la commission des Affaires sociales marque un début de démantèlement des compétences propres aux infirmiers" avait déclaré la Fédération nationale des infirmiers (FNI) à l'AFP.

A toutes choses...

La crise actuelle a un intérêt : elle permet de remettre les choses à leur juste place. Ainsi, on peut en conclure que la prévention, via la vaccination est d'abord un marché, pas une mesure d'intérêt public.