Finances publiques : encore un peu de rigueur ?

Par Fabien Piliu  |   |  815  mots
La seule chose que l'on sait déjà, depuis l'actualisation de la loi de programmation militaire adoptée par le parlement en juin, c'est que le ministère de la Défense verra ses crédits augmenter l'année prochaine à hauteur de 600 millions d'euros. (Crédits : © Dado Ruvic / Reuters)
Jeudi, lors du débat d'orientation des finances publiques, Manuel Valls, le Premier ministre dévoilera les plafonds de crédits des ministères. Doivent-ils s'attendre à un nouveau tour de vis budgétaire ?

Les vainqueurs et les perdants sont .... Patience, patience. Il faudra attendre jeudi pour savoir quels seront les ministères qui seront épargnés ou touchés par une nouvelle cure d'amincissement.

C'est en effet jeudi, lors du débat d'orientation des finances publiques, que Manuel Valls dévoilera les plafonds de crédits des ministères. L'objectif est le suivant : réduire de 2,8 milliards en 2016 le train de vie de l'Etat et de ses agences par rapport au niveau prévu dans la loi de programmation des finances publiques adoptée à l'automne dernier. Concrètement, Matignon prévoit de réduire de 1% la masse salariale dans les ministères et d'abaisser le volume des dépenses.

La Défense passe entre les gouttes

La seule chose que l'on sait déjà, depuis l'actualisation de la loi de programmation militaire adoptée par le parlement en juin, c'est que le ministère de la Défense verra ses crédits augmenter l'année prochaine à hauteur de 600 millions d'euros.

D'autres ministères verront-ils également leur enveloppe budgétaire s'épaissir ? Les priorités de l'exécutif sont connues : l'Enseignement, la Justice, la Sécurité, la Culture - Manuel Valls y tient - ainsi que la Jeunesse et les Sports, afin de financer l'élargissement du service civique. Depuis le 1er juin 2015, celui-ci est devenu universel, c'est-à-dire que tous les jeunes de moins de 25 ans pourront demander à s'engager pour faire l'expérience « du vivre ensemble, de la citoyenneté, de l'intérêt général », comme le précise Matignon.

En revanche, l'emploi pourrait voir ses crédits reculer. Comment est-ce possible, alors que 3,5 millions de personnes sont au chômage, dans la catégorie A et que le gouvernement prévoit de créer 100.000 emplois aidés supplémentaires ? Selon le gouvernement, la baisse du nombre de demandeurs d'emplois en 2016 autorise la réduction des dépenses du ministère.

Ce n'est pas le seul à subir une nouvelle cure d'amincissement. L'Economie, les Finances, l'Agriculture, l'Intérieur, l'Ecologie devront faire des efforts. Quant aux agences de l'Etat, elles devraient subir une baisse de leurs subventions et du montant des taxes qui leurs sont affectées. Leurs effectifs devraient diminuer d'au moins 2%.

Toujours les mêmes choix

Ces choix surprennent-ils ? Pas vraiment. Lors de la dernière retouche budgétaire, en juin, qui se traduisit par 4 milliards d'euros d'économies en 2015, les choix de l'exécutif avaient été identiques, à quelques détails près.

La rigueur est donc la règle ? Tout est dans la nuance. En effet, les ressources des ministères ne reposent pas sur leurs seuls crédits alloués par Matignon. Pour financer son action, l'exécutif dispose d'autres armes et en particulier de la dépense fiscale.

Prenons quelques exemples. Si le budget alloué au ministère de l'Agriculture recula en 2015, les dépenses fiscales dans le domaine « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ont augmenté par rapport à 2014 pour frôler les 3 milliards d'euros. Ce n'est pas la seule dépense fiscale de l'Etat, loin s'en faut. Ce n'est pas la seule qui progresse.

La dépense fiscale, l'autre levier de financement de l'action de l'Etat

C'est également le cas de la dépense fiscale consacrée à l'enseignement scolaire, passée de 38 à 275 millions d'euros, à la Culture, passée de 402 à 456 millions d'euros, à l'Ecologie, passée de 1,74 milliard d'euros à près de deux milliards d'euros, au Travail et à l'emploi, légèrement en hausse à 9 milliards d'euros, à l'Egalité des territoires et le logement, passé de 12,3 à 12,5 milliards d'euros. Quant aux dépenses fiscales fléchées vers l'Outre-mer et l'Economie, elles reculent certes, mais timidement. La première est portée de 3,9 à 3,8 milliards d'euros quand la seconde, stimulée par la montée en puissance du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE)  ne s'élève plus qu'à 16,8 milliards d'euros contre 16,9 milliards d'euros un an plus tôt.

Autre exemple, l'organisation en décembre de COP21 rend malvenue une réduction trop brutale du ministère de l'Ecologie. Si une baisse des crédits est donc fortement envisageable, il faut savoir que le ministère pourra compter sur les ressources liées à la création du fonds de financement de la transition énergétique ou sur une partie des crédits du programme d'investissements d'avenir (PIA), le Grand emprunt.

Dans ce contexte, ce tour de vis budgétaire doit être relativisé. La dépense fiscale, au même titre que l'"agenciarisation" - l'Etat a créé ces dernières années un millier d'agences pour externaliser son action, agences qui ne sont pas soumises aux mêmes contraintes budgétaires que l'Etat - sont des solutions faciles pour compenser la réduction des enveloppes de crédits budgétaires allouées aux ministères. En France, la mise en place d'une véritable politique d'austérité n'est qu'une vue de l'esprit.