Finances publiques : quand la droite se prend pour la gauche, et vice-versa

Par Fabien Piliu  |   |  1014  mots
Dans le domaine de la gestion des finances publiques, François Hollande est-il de droite ?
Le projet de loi de finances 2017 anticipe un déficit public à 2,7% du PIB. Tous les candidats à la primaire de droite, qui estiment cet objectif irréalisable, ne font plus de la réduction du déficit public une priorité. Du moins, à court terme. Étonnant.

C'est le monde à l'envers. Traditionnellement, historiquement, dans le débat politique, la droite était considérée comme soucieuse de la bonne gestion du denier public. La gauche, en revanche, était jugée dispendieuse. Fortement ancrées dans l'inconscient collectif, ces images étaient bien entendu fausses. Déformées. En effet, aucun des gouvernements qui se sont succédés depuis 1974, qu'ils soient de droite ou de gauche, n'a été en mesure de présenter un projet de loi de finances équilibré. Tous ont leur part de responsabilité dans l'explosion des déficits et de la dette française depuis près de quarante ans. Cette dernière s'élevait à 55,5% du PIB en 1995. Elle devrait atteindre 96,1% du PIB cette année.

En 2017, selon le projet de loi de finances (PLF) qui sera bientôt débattu à l'Assemblée nationale, le déficit public devrait s'élever à 2,7% du PIB. Certes, ce passage sous les 3% du PIB était attendu en 2012, conformément à la promesse faite par le candidat François Hollande lors de la campagne présidentielle.

Une promesse non-tenue en 2012

Cette promesse, le chef de l'Etat et son gouvernement n'ont pas pu la tenir. Battant sa coulpe quelques mois à peine après son accession au pouvoir, François Hollande a justifié cette promesse non tenue en évoquant une erreur de diagnostic. Lui et son équipe de campagne avaient sous-estimé les dégâts de la crise financière et bancaire en 2009 sur l'économie réelle. Le choc fiscal appliqué aux ménages et aux entreprises en 2012 et 2013 ayant plombé la capacité de rebond de l'économie française, cet objectif d'abaisser le déficit public sous les 3% du PIB a été reporté à 2017.

La politique entre en scène

Nous y sommes. Si l'on oublie ce décalage temporel entre la promesse de François Hollande et sa réalisation, on devrait se réjouir. Tout le monde devrait se réjouir. A droite comme à gauche. Un consensus devrait se dégager, non partisan, pour accélérer cette réduction du déficit public jusqu'à ce que les comptes de l'Etat soient équilibrés, voire excédentaire comme c'est le cas en Allemagne.

Ce serait trop facile. Le débat politique est ainsi fait. Alors que les chefs d'entreprises souhaitent un environnement fiscal, réglementaire et administratif stable, la plupart des candidats à la primaire de droite et de gauche proposent de renverser les tables et de défaire ce qui a été fait au cours du quinquennat actuel, en particulier dans le domaine fiscal. S'ils voulaient déstabiliser les chefs d'entreprises et les inciter à l'attentisme jusqu'aux élections, ils ne s'y prendraient pas autrement.

Un objectif sérieux selon Michel Sapin

" Ce budget est sérieux. Cet engagement, nous le tiendrons. Cet effort de gestion sérieuse des finances publiques devra se poursuivre car c'est la condition de la crédibilité de la voix de la France et la garantie de notre souveraineté ", a assuré le ministre lors de la présentation à la presse du PLF 2017, en confirmant l'objectif de retour du déficit public à 2,7% du PIB, critiquant les baisses d'impôts promises par les candidats à la primaire de la droite, en cas de victoire à la présidentielle de 2017. " Ceux qui se présentent à l'élection présidentielle, ou à l'élection préalable, à la primaire, en promettant des baisses d'impôts immédiates et en reportant la maîtrise des dépenses publiques à demain sont, je le dis, irresponsables ", a-t-il poursuivi.

De fait, à court terme, les candidats de droite à la primaire ne font pas de la réduction du déficit public une priorité à court terme. Ils font fi des remarques et des avertissements du ministre de l'Economie et des Finances. Cette attitude tranche avec les discours entendus lors du quinquennat précédent. Après la crise de 2009 et ses soubresauts, Nicolas Sarkozy et François Fillon redoutaient comme la peste les reproches de Bruxelles et la conséquence la plus grave : la dégradation de la note de la dette souveraine de la France par les agences de notation.

Laisser filer les déficits

" À partir du moment où toutes les mesures d'économies auront été votées sous trois mois et qu'elles s'accompagneront simultanément d'une baisse des impôts et d'une réforme du marché du travail qui répondront totalement au blocage français en matière de croissance, nous n'aurons aucune difficulté à ce qu'ils acceptent que nous repassions sous la barre des 3% en 2019, pour renouer avec l'équilibre à la fin du quinquennat ", a récemment indiqué Nicolas Sarkozy dans un entretien accordé au Figaro. Selon Eric Woerth, le secrétaire général de LR et soutien de Nicolas Sarkozy, le déficit public " tournera plutôt autour de 4 % " en 2017.

Alain Juppé, qui comme Nicolas Sarkozy, estime que les prévisions de Michel Sapin sont irréalisables, est à peu de choses près sur la même longueur d'ondes. Hervé Gaymard, coordinateur du projet du maire de Bordeaux, explique qu'on " sera sûrement entre 3,4 % et 3,7 % ". Dans l'équipe de François Fillon, on se dit même persuadé que le déficit public réel approchera 4,7 % ! " Le projet ne prévoit pas de creuser le déficit. Mais on peut se donner deux ans avant de faire reculer le déficit que nous trouverons à notre arrivée ", avance Pierre Danon, l'ancien président de Numericable et conseil de l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy.

Bruno Le Maire est-il plus rigoureux ? Selon les calculs de son entourage, les mesures qu'il envisage d'appliquer en cas de victoire porteraient le déficit public à 3 % en 2017 et à 3,2 % en 2018.

Les ténors de l'opposition sont-ils les seuls à jeter à bas les engagements communautaires de la France ? Arnaud Montebourg, candidat à la primaire de gauche, se moque éperdument de l'équilibre des finances publiques. La règle des 3% ? Il veut la supprimer. Concrètement, il propose de renégocier les traités afin de programmer " la fin des règles fixant l'austérité budgétaire et monétaire ", dont fait partie l'obligation d'un déficit public sous 3% du PIB.