Fiscalité : le coût exorbitant et ubuesque de la collecte des impôts

Par Fabien Piliu  |   |  960  mots
Un rapport de la Cour des comptes publié ce mercredi plaide pour une simplification et une rationalisation de la collecte des versements effectués par les entreprises. Son coût annuel est estimé à 5,2 milliards d'euros.

En 2013, François Hollande a souhaité déclencher un choc de simplification. Comme Nicolas Sarkozy avant lui, le chef de l'Etat a vu en ce chantier un moyen efficace d'alléger les dépenses publiques tout en simplifiant le quotidien administratif, fiscal et réglementaire des particuliers et des entreprises. Au nom de la compétitivité de l'économie tricolore.

C'est un dossier volumineux. Dans le domaine fiscal, le plus dur reste à faire. Les exemples ne manquent pas de chantiers à mener en urgence. Annoncée en 2014 à grand fracas par Bercy, la suppression de quelques-unes des 449 niches fiscales, qui représentent un coût de 83 milliards d'euros cette année pour les finances publiques, n'a jamais été véritablement lancée. Entre 2015 et 2016, seules 4 niches fiscales ont disparu dans la loi de finances. Les lobbies et les groupes de pression qui défendent ces avantages fiscaux offerts aux ménages et aux entreprises ont su se faire entendre de l'exécutif.

Plus de 230 prélèvements chaque année

La rationalisation de la collecte des multiples prélèvements fiscaux, sociaux et d'autres natures versés par les entreprises, qui s'est élevé à près de 773 milliards d'euros en 2014, soit 36,1 % du PIB, est également une priorité, comme l'énonce la Cour des comptes dans un rapport publié ce mercredi. Selon la Cour, ce sont 233 prélèvements auxquels sont soumises les entreprises chaque année ! Sur ce nombre, 96 prélèvements rapportent individuellement moins de 100 millions d'euros pour un total de 2,5 milliards d'euros, soit 0,3% du total des rentrées fiscales.

Parce que les entreprises acquittent ces prélèvements soit en qualité de contribuables, soit comme collecteurs de premier niveau des impôts ou des prélèvements sociaux dus par leurs clients (TVA par exemple) ou par leurs salariés (cotisations sociales notamment), parce que ces prélèvements sont collectés par plusieurs administrations fiscales et organismes de sécurité sociale, mais aussi par de nombreux autres organismes de droit privé, le coût de la collecte est exorbitant : 5,2 milliards d'euros !

L'absence de vision de l'Etat

"Face à la complexité croissante et à l'instabilité des règles de droit applicables, les entreprises doivent supporter des charges administratives importantes pour s'acquitter de leurs obligations fiscales et sociales (recours à un expert-comptable, équipement en logiciels de comptabilité et de paie). Des efforts de simplification fiscale ont été mis en œuvre pour les petites entreprises mais, s'agissant des prélèvements sociaux, ils se sont limités jusqu'à présent aux travailleurs indépendants", observe la Cour tout en rappelant que la déclaration sociale nominative, qui regroupe un grand nombre de déclarations et de prélèvements et réduit le nombre d'informations distinctes à déclarer, devrait permettre la rationalisation de la collecte.

Cette situation est ubuesque. Pour répondre à cette complexité, un certain nombre d'entreprises est donc obligé de recourir aux conseils des experts-comptables, dont le coût de la prestation s'élève en moyenne à 4.700 euros par an selon la Cour des comptes et peut atteindre 14.000 euros. Un coût qui pourrait grimper, estiment les Sages de la rue Cambon, avec la mise en place du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. D'un côté, l'Etat dépense chaque année plus de 20 milliards d'euros via le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pour des effets très limités sur l'emploi et l'investissement - et on ne parle que de cette aide publique - pour soutenir les entreprises, de l'autre, l'Etat est incapable de simplifier la fiscalité publique. Osons un  raccourci : le CICE, qui plombe les finances publiques, sert à financer les besoins de fonds de roulement des TPE et des PME que les banques commerciales ne veulent assurer, et à rétribuer les services des experts-comptables. Au nom de la compétitivité ?

Réorganisation renforcement du rôle des Urssaf...

Dans ce contexte, la Cour formule une série de recommandations, 21 au total. Elle plaide notamment pour une poursuite des réorganisations internes dans les réseaux publics de collecte, en centralisant certains prélèvements et en réduisant du nombre de sites.

Elle recommande également de confier aux Urssaf, "selon un calendrier réaliste", la collecte des prélèvements sur les salaires aujourd'hui effectuée par des organismes conventionnels (cotisations Agirc-Arrco, participations des employeurs au financement du logement et de la formation professionnelle continue), ainsi que l'ensemble des tâches liées à la collecte des prélèvements sociaux des artisans et commerçants, aujourd'hui partagées avec le RSI. Entre autres mesures.

Laurent Fabius s'est saisi du dossier en 2001

Ce n'est pas la première fois que le coût de la collecte est jugé trop élevé. Dans une question écrite inscrite le 3 août 2000 au Journal officiel, Marcel-Pierre Cléach, le sénateur UMP de la Sarthe interpellait Laurent Fabius, alors ministre de l'Economie ainsi : "Le rapport "Mission 2003" réalisé par deux hauts fonctionnaires des finances établit que le coût de collecte des impôts est, en moyenne, extrêmement élevé en France puisqu'il atteint 1,60 franc pour 100 franc collectés contre 0,50 franc en Suède ou aux Etats-Unis. C'est pourquoi il le remercie de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il entend mettre en œuvre pour abaisser notre coût moyen de collecte des impôts."

Inscrite au Journal officiel le 1er mars 2001, la réponse du ministre fut la suivante : "L'amélioration du fonctionnement de l'administration fiscale constitue l'un des objectifs prioritaires du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui a engagé une réforme-modernisation visant à rendre un service de meilleure qualité, plus simple, plus accessible et plus proche pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens". Lesquels attendent toujours...