François Hollande, chef de guerre inattendu !

Par Michel Cabirol  |   |  1155  mots
Hollande en visite à Tombouctou au Mali, trois semaines après le début de l'intervention militaire française.
[ SÉRIE : Horizon 2017 pour Hollande 7/9 ] Ces trois dernières années, le président a engagé l'armée française dans des opérations extérieures très exigeantes. Avec succès. Et cette réussite, il la doit en grande partie à un homme, Jean-Yves Le Drian.

Si l'on devait retenir une seule image symbolisant la réussite de François Hollande en tant que chef des armées, c'est bien son incroyable bain de foule dans les rues de Tombouctou, une des villes maliennes libérées par l'armée française en février 2013 face à des islamistes radicaux tout près de dicter leur loi à l'État malien alors en perdition. Tout comme d'ailleurs François Hollande dans les sondages d'alors en France.

Car, incontestablement, François Hollande, depuis son arrivée à l'Élysée, s'est mué en chef de guerre aussi implacable qu'inattendu. Il a lancé l'armée française, alors à bout de nerfs, dans des opérations extérieures très exigeantes. Avec succès, que ce soit au Mali (opérations Serval, puis Barkhane), en Centrafrique (Sangaris) ou en Irak (Chammal) et maintenant en Syrie, où la France a procédé à des frappes aériennes contre Daesh.

Si François Hollande a beaucoup utilisé le glaive, il a su aussi se servir du bouclier. Il a pris la décision de mettre l'armée dans la rue pour protéger les Français, déboussolés, inquiets et marqués par l'attentat islamiste radical contre le journal Charlie. Il a lancé une opération intérieure de grande envergure et terriblement astreignante pour les armées, l'opération Sentinelle.

Jean-Yves Le Drian à la manœuvre

Cette réussite dans le domaine de la défense, il la doit en grande partie à un homme, qui est un fidèle, Jean-Yves Le Drian. "C'est le meilleur ministre de la Défense depuis très, très longtemps", résume un PDG d'une entreprise de défense. "C'est un ministre qui a des qualités humaines, d'écoute et d'empathie hors norme, explique le PDG de Thales, Patrice Caine. Du coup, ses interlocuteurs l'écoutent et surtout croient ce qu'il promet". Grâce à ces qualités, "il a réussi à mobiliser de façon exceptionnelle "l'équipe de France de défense" sur le budget, la coopération industrielle et l'exportation", précise le PDG de MBDA, Antoine Bouvier.

Bien sûr, tout n'a pas été parfait. Loin de là, notamment dans la préparation de la loi de programmation militaire 2014-2019. François Hollande a été tenté, sous la pression de la conjoncture, de faire des économies à bon compte sur le dos de la défense, sur les conseils de Bercy, parfois poussé par Matignon. Mais finalement, la ténacité de Jean-Yves Le Drian a eu raison de ces économies de court terme exigées par le ministère de l'Économie.

À la veille du 14 juillet 2013, François Hollande a d'ailleurs tranché et rassuré l'armée, très inquiète sur les coupes budgétaires brutales qui lui étaient plus ou moins promises. Ce soir-là, le président déclarait dans les jardins de l'hôtel de Brienne, la forteresse retranchée de Jean-Yves Le Drian, que "les crédits de la défense seront, à la différence de ceux de la plupart des ministères, préservés dans leur intégrité. C'est un effort que la nation fait, non pas pour les armées, mais pour sa propre sécurité". Il mettait ainsi fin à une guerre en coulisse très brutale entre Bercy et Brienne.

Cette déclaration de François Hollande allait s'avérer malheureusement très visionnaire. Quelques mois plus tard, l'attentat de Charlie-Hebdo et les menaces de plus en plus proches des Français réveillaient définitivement les consciences. Et la France se rappelait l'importance des armées pour sa sécurité... D'où la réactualisation de la loi de programmation militaire (LPM), augmentée en mai dernier de 3,8 milliards d'euros et débarrassée de ces encombrantes recettes exceptionnelles transformées en crédits budgétaires (5,2 milliards).

"Ils mouillent leur chemise à l'exportation"

"Jean-Yves le Drian a renforcé la communauté de défense, estime Antoine Bouvier. Il a une vraie compréhension des enjeux industriels". Qu'ils soient de droite ou de gauche, les industriels ne tarissent pas d'éloges sur l'action et le bilan de Jean-Yves Le Drian. Et notamment dans un domaine bien particulier, l'exportation, où le tandem Hollande/Le Drian a réussi à exporter déjà deux fois le Rafale (Égypte et Qatar)... en attendant les Émirats Arabes Unis et l'Inde. Certainement d'ici à la fin de l'année.

"Ils "font le job", ils mouillent leur chemise à l'exportation. Ils nous aident beaucoup. Ce sont de vrais professionnels", souligne le PDG de Safran, Philippe Petitcolin. D'autant que "chacun reste à sa place", précise-t-il. "Je n'ai jamais vu le ministre négocier un prix", confirme Patrice Caine. "Il a su nouer des liens personnels avec les principaux pays partenaires de la France", précise Antoine Bouvier.

Et ça marche. "Après 4,7 milliards d'euros de prises de commande à l'exportation en 2012, puis 6,9 milliards en 2013 et enfin 8,2 milliards en 2014, nous pourrions dépasser les 15 milliards en 2015", explique le ministère de la Défense. Ce qui devrait être un record très difficile, voire impossible, à battre à l'avenir.

Une consolidation industrielle qui reste à faire

Enfin, Jean-Yves Le Drian a également eu une influence sur la consolidation de l'industrie de l'armement française. A dose très homéopathique simplement. Loin, très loin en tout cas des ambitions de François Hollande avant de devenir président quand il voulait redistribuer toutes les cartes de l'industrie de l'armement tricolore. En plein cœur de la campagne présidentielle, très exactement  le 11 mars 2012, François Hollande fustigeait la famille Dassault et son emprise sur l'industrie de défense...

"Nous avons à construire des grands groupes industriels de défense, expliquait alors le candidat Hollande. (...) Je n'entends donc déléguer à quiconque cette responsabilité de tracer l'avenir des grands groupes industriels de défense, et certainement pas à des intérêts privés ou financiers à qui le gouvernement sortant s'est trop souvent plié. Qu'il y ait des fournisseurs, c'est bien légitime. De grands industriels, nous les respectons. Mais attention à la confusion".

Jean-Yves Le Drian a toutefois quelques succès à son tableau. Notamment le rapprochement européen entre Nexter et l'allemand Krauss-Maffei Wegmann dans l'armement terrestre, un très vieux serpent de mer à qui le ministre a tordu le cou. Il suit également avec beaucoup d'attention le projet encore très amont de regrouper les activités de bâtiments de surface des groupes navals Fincantieri et DCNS, dont le site de Lorient est au cœur de cette opération. Un site qui lui est très cher.

Mais il manque encore à François Hollande et à son ministre, qui lui a déjà fait gagner tant de batailles, une opération d'envergure structurante, à l'image de ce qu'aurait pu être une fusion EADS-BAE Systems. Un objectif aujourd'hui compliqué à atteindre...

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