Présidentielle 2017 : Hollande, déjà en campagne, cogne sur la droite

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1043  mots
Se posant en défenseur de "l'Etat de droit" contre l"état d'exception" et en gardien de l'Etat social", François Hollande, dans un long discours, a à peine caché ses intentions de briguer un second mandat, même s'il est actuellement laminé dans les sondages.
Dans un long discours sur le thème "la démocratie contre le terrorisme", François Hollande a rôdé ses principaux axes pour une nouvelle campagne électorale: défense de l'Etat de droit contre des mesures d'exception, défense du modèle social contre "ceux qui veulent le liquider", nécessaires futures réformes institutionnelles. Un discours qui lève le moindre doute sur sa volonté "d'y aller".

Chahuté par sa gauche, laminé dans les sondages, bousculé par Emmanuel Macron, François Hollande voulait montrer qu'il était debout, aux commandes, et, pourquoi pas, bientôt candidat pour un second mandat comme président de la République. C'était tout le sens de son long discours tenu ce jeudi 8 septembre salle Wagram à Paris sur le thème « la démocratie face au terrorisme ».

Fixer les axes de sa future campagne

Une belle occasion pour le locataire de l'Elysée de fixer les axes de sa future campagne, quand il se décidera à y aller, sans doute en décembre. Un discours très régalien où la notion "d'Etat" lui a servi de fil conducteur : "Etat de droit", "état d'urgence", "état d'exception", "Etat social", toutes ces expressions lui ont servi à étayer son long discours centré essentiellement sur la lutte contre le terrorisme et la défense de la laïcité. D'entrée de jeu, dans un propos général, il s'est dit assuré que la France gagerait la bataille contre le terrorisme car "la démocratie sera toujours plus forte que la barbarie". Puis rapidement, les allusions politiques à peine voilées ont débuté. Ainsi, quand il explique que, face à la menace terroriste, il faut "du sang-froid pour ne pas se laisser emporter par la déraison et continuer à vivre comme nous le voulons (....). Nous devons vaincre et rester nous-même".

Un message adressé à ceux qui, au sein de la droite, multiplient les effets de menton, prônent un état d'exception et la remise en cause de certaines libertés. Et de moquer ceux qui souhaitent la détention sans jugement de tous les "fichiers S", la remise en cause du droit du sol, la limitation du regroupement familial... On reconnaît les suggestions avancées notamment par Nicolas Sarkozy et ses lieutenants.

A tout cela, François Hollande s'oppose car "ce serait autant de renoncements sans assurer la sécurité des Français". Et de prendre l'exemple des Etats-Unis "où le Patriot Act et Guantanamo n'ont pas protégé le pays du terrorisme".

Tacler Nicolas Sarkozy

Et de tacler une nouvelle fois Nicolas Sarkozy sans jamais le nommer en lançant que "les principes constitutionnels, comme la liberté d'expression, la liberté du culte, la liberté d'aller et venir, ne sont pas des arguties juridiques". Une expression utilisée par Nicolas Sarkozy pour imposer ses solutions dans la lutte contre le terrorisme. Et, très mordant, François Hollande d'ajouter : "Arguties juridiques, la présomption d'innocence ? Pourtant, bien commode à brandir lorsqu'il s'agit de plaider pour son propre compte". Encore une fois, la pique est adressée à Nicolas Sarkozy et ses lieutenants qui ne manquent pas d'avancer la "présomption d'innocence" de l'ancien chef de l'Etat dans l'affaire Bygmalion. On voit bien qui est le meilleur ennemi du président...

Pour François Hollande, il y a une alternative à cet "état d'exception", c'est "l'Etat de droit". Une occasion de rappeler ce que tous ses gouvernements successifs ont entrepris pour lutter contre le terrorisme et l'insécurité : la création de 9.000 postes de policiers quand son prédécesseur à l'Elysée en avait supprimé 13.000 ; une loi de programmation militaire avec des ressource revues à la hausse, notamment pour financer les opérations extérieures de la France ; le vote de 3 lois anti-terroristes et d'une loi sur le renseignement...

Et que l'on ne compte pas sur lui pour faire voter "des lois circonstances", contre le port du burkini par exemple. Là aussi, on voit qui est visé...

Défenseur du modèle social contre la droite "qui veut le liquider"

Le président de la République a aussi profité de son discours pour défendre "l'Etat social", l'occasion d'envoyer de nouvelles piques aux candidats de la primaire de la droite, accusés de "se livrer à une course pour liquider le modèle social". Lui, au contraire, avance qu'un "pays solide est une nation solidaire". François Hollande s'est alors livré à son propre panégyrique en dressant le catalogue des grande réformes sociales entreprises depuis 2012 : les régimes de retraites sauvegardées avec une prise en compte de la pénibilité; des compte sociaux qui reviennent à l'équilibre ; le tiers payant et l'acquisition d'une mutuelle généralisés... Mais il s'est bien gardé d'évoquer la fameuse courbe du chômage.

Si ce ne sont pas à des arguments de campagne électorale, ça y ressemble très fort.

Limitation du cumul des mandats dans le temps

De même quand François Hollande évoque l'avenir et les futures réformes institutionnelles nécessaires. S'il souhaite des modifications dans le processus d'élaboration des lois, notamment pour l'accélérer, il se refuse à vouloir banaliser la pratique du referendum ou du recours aux ordonnances, souhaitant que le Parlement garde le contrôle de l'exécutif. Encore une fois, là aussi, l'allusion aux candidats de la primaire de droite est claire. François Fillon, par exemple, prône le recours aux ordonnances pour exécuter son programme s'il était élu...

François Hollande aussi rodé d'autres propositions en souhaitant "davantage de consultations locales sur les grands équipements" ou "l'organisation d'états généraux sur les grands thèmes de société". Surtout, il veut aussi limiter dans le temps le cumul d'un même mandat politique. Proposition astucieuse car il sait que les Français ne supportent plus les "politiciens à vie".

Enfin, pour ceux qui n'auraient toujours pas compris, François Hollande a conclu ainsi son discours :

"J'ai ressenti plus qu'aucun autre cette exigence d'être uni, a continué le président. Je ne laisserai pas la France être abîmée, réduite, voir ses libertés mises en cause, son état de droit contesté, son éducation réduite et sa culture amputée. C'est le combat d'une vie."

Il ne faut vraiment pas être grand clerc pour comprendre que François Hollande a déjà mis un pied dans la campagne électorale. Son discours lui a permis de lancer la machine et de "tester" des thèmes : ceux de l'unité et du respect des valeurs qui fondent la France.

Gageons que dans les semaines qui viennent François Hollande réitèrera le même exercice sur les questions économiques et sociales...