Emmanuel Macron à nouveau défié par les "gilets jaunes"

Par latribune.fr  |   |  1245  mots
Le président Emmanuel Macron. (Crédits : YVES HERMAN)
Le mouvement des "gilets jaunes" poursuit sa mobilisation. Alors que le ministre de la Transition écologique François de Rugy a annoncé que la hausse prévue de la taxe carbone sera maintenue, des manifestation sont prévues ce samedi dans toute la France, dont un rassemblement à hauts risques à Paris. Inquiet, le chef de l'Etat fera mardi de nouvelles annonces pour calmer la grogne et rendre la transition écologique "acceptable".

Trouver un second souffle. C'est ce à quoi va s'atteler le mouvement  des "gilets jaunes" à l'occasion des manifestations organisées ce samedi dans toute la France notamment à Paris, au Champs-de-Mars, près de la Tour Eiffel, où, selon une note du renseignement, 30.000 gilets jaunes sont attendus pour un rassemblement considéré à haut risque. L'enjeu est lourd pour l'avenir du mouvement, qui semble marquer le pas au sixième jour de la mobilisation.

Pour cause, après plusieurs jours de blocages et d'actions à travers le pays, il s'agit de relancer la machine alors que le nombre de participants connaît un début d'érosion. De 290.000 manifestants dans toute la France le samedi 17 novembre, les décomptes du ministère de l'Intérieur sont passés à quelques milliers en cette fin de semaine. La Réunion, secouée en début de semaine par une flambée de violences, a connu hier sa deuxième nuit relativement calme.

Pour autant, les pouvoirs publics restent sur leurs gardes, car si dans un souci de sécurité le ministère de l'Intérieur a préconisé que les manifestants se réunissent samedi sur l'esplanade du Champ-de-Mars, près de la Tour Eiffel, certains manifestants pourraient être tentés de passer outre et de tenter de rallier le centre de la capitale. Aussi, 3.000 forces de l'ordre sont attendues pour encadrer la manifestation parisienne.

Macron souhaite fixer un nouveau cap

La situation s'avère délicate pour le gouvernement qui a, de surcroît, annoncé, vendredi, par l'intermédiaire du ministre de la Transition écologique François de Rugy, que la hausse prévue de la taxe carbone sera maintenue. "Parce que les Français, que ce soient des particuliers ou des entreprises, seraient les premiers à nous reprocher de changer de pied tous les ans", a précisé François de Rugy sur RTL. "Il faut que la fiscalité soit prévisible"

"Mercredi en Conseil des ministres, le président Emmanuel Macron nous a dit 'on continue, on maintient le cap sur la transition du pays en matière écologique. Et en même temps, nous sommes à l'écoute des Français et donc il faut savoir bouger sur le fait qu'il y a une demande (...) dans le pays, qu'il faut savoir lui répondre, créer de nouveaux cadres'.

"C'est ce que nous allons faire avec des débats qui seront dans les régions, dans les départements, très territorialisés, qui associeront des forces économiques, des forces sociales comme la CFDT qui a demandé à avoir ce débat. Nous entendons, nous saisissons cette main tendue de la CFDT. Dans ces moments, c'est l'occasion d'écouter les propositions des uns et autres", a affirmé le ministre.

Inquiet par la tournure des événements, Emmanuel Macron s'efforce toutefois de reprendre l'initiative et doit annoncer, mardi, devant les membres du Conseil national de la transition écologique (CNTE), composé d'élus, de syndicats, d'ONG et d'associations, un nouveau cap pour la transition écologique pour la rendre "acceptable" et "démocratique", en réponse aux inquiétudes exprimées par les "Gilets jaunes", avait indiqué l'Élysée jeudi soir. Concrètement, le président devrait dévoiler de nouvelles mesures d'aide, l'ouverture de négociations, y compris éventuellement sur les taxes écologiques, ainsi qu'une méthode, un "pacte social" et des négociations territoriales.

Un contre feu à la manifestation de samedi des "Gilets jaunes".

L'amélioration énergétique des bâtiments et les nouvelles mobilités devraient être particulièrement concernées. Les mesures décidées au terme de cette vaste concertation pourront être intégrées dans la loi sur les mobilités, en février au parlement, ou dans la PPE.

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"Nous avons reçu le message des citoyens. Il nous invite à aller plus loin. Pour qu'elle ne soit pas socialement inacceptable, il faut que la transition écologique, qui est nécessaire, soit juste, équitable et démocratique. Nous devons donc mobiliser tous ceux qui la rendront acceptable, pour ne laisser personne de côté", ont indiqué les conseillers de l'Élysée, sans vouloir déflorer les annonces de mardi.

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Le Premier ministre Édouard Philippe avait écarté dimanche dernier l'idée d'une réunion avec les corps intermédiaires pour construire un "pacte social de la conversion écologique", comme réclamé la veille par le numéro un de la CFDT Laurent Berger, estimant que ce n'est pas ce que "demandent les Gilets jaunes."

"Il ne faut pas rester figé dans la vie politique", a souligné de Rugy. Une des qualités d'Emmanuel Macron, "c'est de savoir faire mouvement".

Interrogé sur les critiques de son prédécesseur Nicolas Hulot, qui a estimé jeudi sur France 2 que la crise des "Gilets jaunes" était "évitable", François de Rugy a trouvé que c'était "un peu facile" de dire cela "alors que l'on sait très bien que tout cela est né de la hausse du prix du pétrole sur les marchés mondiaux, que personne ne peut prévoir".

Les "Gilets jaunes" ont besoin de réponses concrètes

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a estimé vendredi, en réaction au mouvement des "Gilets jaunes", qu'"on a besoin de réponses concrètes" et que "notre société a besoin d'apaisement et de dialogue constructif".

"Je crois que c'est compatible de lutter contre la fin du monde et contre les fins de mois difficiles", a déclaré le secrétaire général sur RMC/BFMTV.

"Je souhaite qu'il y ait des associations environnementales, les organisations syndicales, les organisations patronales, des élus de la République, des élus locaux, des représentants pourquoi pas des 'Gilets jaunes', mais aussi des associations qui sont investies sur le terrain social, sociétal, comme la lutte contre les exclusions, la consommation, etc.", a détaillé Berger.

La colère qui s'exprime "est légitime, on peut (la) comprendre" et "on peut faire du mieux pour tout le monde avec une transition écologique et de la justice sociale", a-t-il jugé. "La lutte pour l'humanité, c'est la transition écologique", mais "nous avons aussi à nous préoccuper des fractures sociales et des fractures territoriales", a-t-il souligné.

"Maintenant, on a besoin de réponses concrètes et ça se fera avec les acteurs", avec "tous les acteurs même s'ils sont en contradiction les uns avec les autres", a considéré Berger.

Il faudra "regarder en termes de pouvoir d'achat, de mobilité, d'investissement dans la transition écologique, d'emploi, de services publics, ce qu'on fait face au malaise, à la colère qui s'expriment aujourd'hui", a-t-il expliqué, en plaidant pour des concertations dans les régions "pas pour parler simplement, mais pour trouver des solutions".

Ce qui se passe avec les "Gilets jaunes", c'est l'illustration de fractures sociales profondes dans notre pays" et de "fractures territoriales" avec "des citoyens, des travailleurs qui ont le sentiment d'être abandonnés par les services publics", a-t-il noté.

Le responsable de la CFDT a souhaité que "des solutions" soient trouvées "en termes de mobilité", de "développement du transport propre", de "mesures pour la rénovation thermique des logements", de "mesures d'accompagnement des personnes dans la conversion écologique", comme "des prêts plus favorables" pour "changer une chaudière ou un véhicule".

(avec agences)