Grèves à la SNCF : le gouvernement sous la pression des syndicats

Par Fanny Guinochet  |   |  1073  mots
(Crédits : © VINCENT ISORE/IP3/MAXPPP)
Alors que le mouvement social des chefs de bord se termine ce lundi matin, Sud-Rail a déposé un autre préavis de grève pour le week-end prochain. Cette fois, ce sont les aiguilleurs qui sont à la manœuvre avec des les mêmes revendications. De quoi mettre sous pression la direction de la SNCF mais aussi le gouvernement. Certains parlementaires appellent au durcissement du service minimum dans les transports.

La grève des contrôleurs de la SNCF vient à peine de se terminer qu'un autre mouvement social se profile avec le préavis de grève déposé par Sud-Rail pour vendredi et samedi prochains. Cette fois ce sont les aiguilleurs, qui comme leur nom l'indique, orientent les rames des trains et sont essentiels à la circulation, qui menacent de cesser le travail au moment où les trois zones sont en vacances scolaires.

Sud-Rail à la manœuvre

« Le week-end prochain, on sera en grève si la direction ne vient pas vers nous », menace Vincent Pinot, secrétaire fédéral de Sud-Rail, deuxième force chez les 9.000 aiguilleurs de SNCF Réseau, qui a déposé un préavis de grève allant de vendredi 11 heures à samedi 23 heures. Comme les chefs de bord, cette catégorie de cheminots revendique trois choses : une meilleure rémunération, de meilleures conditions de travail et des embauches.

Pour le week-end prochain, seul Sud-Rail (21% des dernières élections professionnels au niveau du groupe) est à la manœuvre, mais la CGT, première organisation chez les cheminots avec 36 % des suffrages, pourrait suivre, pour ne pas être dépassée par le mouvement social, alors que les collectifs fleurissent ici ou là, grâce à des pages Facebook, « challengent » les organisations syndicales traditionnelles. En décembre 2022, lors des vacances de Noël, c'est par ce biais que la grève des contrôleurs et chefs de bord avait été lancée. Le mouvement avait alors été très fortement suivi.

Désarroi de la direction

Face à ces revendications, la direction de la SNCF tente de gérer comme elle peut les perturbations. Pour l'heure, elle n'a pas prévu de nouvelles discussions.

Ce week-end, alors que le mouvement a été très suivi par trois chefs de bord sur quatre, elle s'est targuée d'avoir limité la casse. Près d'un TGV sur deux était en circulation. Des agents-cadres ont été appelés en renfort, mais 150.000 voyageurs sur le million prévu, sont restés sur le carreau. Des remboursements de billets et des compensations aux voyageurs pénalisés sont promises, mais pour l'heure la direction n'avance pas de chiffrage du coût de cette grève.

Quant aux demandes des agents, la direction assure qu'elle a déjà beaucoup fait. Par exemple, en juin 2023, elle a annoncé la création d'une indemnité opérationnelle circulation de 60 euros par mois (soit 720 euros par an) pour les salariés occupant des postes opérationnels. Elle met aussi en avant également, les engagements pris en matière de recrutements.

Surtout, elle ne prévoit pas de négocier catégorie par catégorie. La stratégie est de s'adresser au collectif. Preuve en est, Jean-Pierre Farandou le PDG de la SNCF a d'ailleurs versé aux 150.000 agents une prime de 400 euros en décembre dernier et prévoit le versement d'une autre prime, toujours de 400 euros, le 1er mars. Une façon, selon lui, de partager les fruits de la croissance, puisque les résultats du groupe, qui seront annoncés le 28 février prochain, doivent afficher près de 2 milliards d'euros de bénéfices cette année. Reste qu'au-delà de ces très bons résultats - dus en partie à une forte fréquentation des trains en 2023 - le groupe reste endetté à hauteur de 24 milliards d'euros et doit faire face à d'importants investissements, notamment pour gérer la transition écologique.

Vers un service minimum ?

 « Il me semble qu'on a besoin de travailler sur un service minimum », a estimé dimanche le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau sur France Inter, tout en rappelant qu'« il n'est pas question de remettre en cause » la grève, un droit constitutionnel. Une déclaration qui fait suite aux propos du premier ministre, Gabriel Attal, qui avait la semaine dernière rappelé « le droit de travailler », regrettant « une habitude de la grève pendant les vacances ». Il avait aussi « salué les cheminots qui ne rentrent pas dans ce mouvement de grève ».

Mais de là, à légiférer sur le service minimum, il y a un pas que le gouvernement n'est pas prêt à franchir. « On n'a pas prévu d'aller dans ce sens, même si nous regardons les propositions de loi (PPL) déposées à ce sujet », confirme une source proche de Matignon. Et de faire référence à la PPL du sénateur centriste Hervé Marseille.

« Mon idée est toute simple : faire comme en Italie, où certains jours dans l'année, comme pendant les fêtes de Noël, de Pâques etc .., il est interdit de faire grève », explique-t-il à la Tribune.

Pour le parlementaire, il n'y aurait pas remise en cause du droit fondamental de faire grève, mais de rééquilibrer les choses, avec d'autres droits tout aussi fondamentaux, comme le droit de circuler, de travailler, d'entreprendre. « Car on parle des vacances mais ces conflits sociaux pénalisent l'activité économique », précise-t-il. Hervé Marseille espère faire passer son texte rapidement - au Sénat majoritairement à droite, mais aussi à l'Assemblée nationale où il ne doute pas d'avoir une majorité. « Car les députés voient bien que les Français en ont ras le bol ».

Il pourra en tout cas compter sur le soutien du député LR, Jean-Louis Thiériot, qui a déposé également une proposition de loi en mars 2023, « visant à limiter les nuisances causées par l'usage abusif du droit de grève dans les transports en commun. » Son objectif : interdire tout simplement la grève les week-ends de vacances.

La proximité des JO, terrain propice aux revendications

En attendant, les syndicats n'entendent pas relâcher la pression d'ici les Jeux olympiques prévus entre le 26 juillet et le 11 août. Plusieurs centrales des transports ( à la SNCF mais aussi à la RATP ) évoquent la possibilité de débrayer d'ici cet été, pour obtenir gain de cause. Surtout que le calendrier s'y prête, de nombreux « ponts » sont prévus en mai et juin. Les voyageurs, qui ont planifié des déplacements lors de ces occasions, pourraient bien voir leurs plans perturbés.

C'est aussi cette proximité des JO qui amène le gouvernement à être si prudent. « On ne va pas prendre le risque de tendre une situation sociale déjà tendue avec un texte de loi sur le service minimum qui pourrait en plus être retoqué ensuite par le conseil constitutionnel  », explique un conseiller ministériel.