Inégalités  : faut-il encore détruire des HLM  ?

Par Mathias Thépot  |   |  637  mots
La loi Borloo de 2003 prévoyait 250.000 démolitions de logements dans les zones défavorisées.
Plus de 10 ans après le premier plan national de rénovation urbaine, la démolition des logements sociaux dans les zones défavorisées reste un sujet d'actualité, tant les inégalités territoriales restent fortes.

Depuis le début du siècle, la démolition de logements sociaux dans les quartiers défavorisés n'est plus un sujet tabou en France. La loi Borloo de 2003 prévoyait notamment la démolition de 250.000 logements pour la période 2004-2011. Une politique de masse censée régler les problèmes hérités des politiques d'urbanisme menées dans les années 1960 et 1970, c'est à dire l'émergence de zones à forts pourcentages de logements très sociaux parfois insalubres, éloignés des centres-villes et des banlieues résidentielles des classes moyennes et riches.

Mais malgré le plan Borloo, le constat reste aujourd'hui similaire. Ainsi l'idée d'un nouveau plan de démolition-reconstruction de HLM refait surface. Ce sont d'ailleurs les bailleurs sociaux qui le demandent. « Renoncer à démolir dans un certain nombre de quartiers massivement et à reconstruire en compensation, là où il y a peu de logements sociaux, reviendrait à abandonner la mixité urbaine et sociale en tant que composante centrale du pacte républicain ! », invective l'Union social pour l'habitat, qui rassemble les grandes fédérations du logement social. Environ 50.000 démolitions de logements seraient encore nécessaires.

Les reconstructions en question

Mais au-delà d'un nombre de démolitions, c'est aussi la politique de reconstructions qui fonctionne mal. En Île-de-France notamment, « on a probablement trop reconstruit de logements sociaux dans les quartiers où l'on avait démoli », concède Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), lors d'un séminaire organisé mardi par la Société nationale immobilière. Ce qui a maintenu, voire renforcé les déséquilibres sociaux sur les territoires.

Pour faire changer la donne, le nouveau plan de rénovation urbaine (NPNRU) prévoit bien 6 milliards d'euros pour soutenir le développement de ces quartiers. Environ 7.000 démolitions ont d'ores et déjà été validé au niveau national, note Nicolas Grivel. Mais de l'avis de nombreux experts, c'est bien la politique de démolition-reconstruction qui devra être revue. Elle ne pourra être pensée à l'échelle du seul quartier. « Contrairement au plan Borloo, il faudra prévoir des solutions de relogement des familles dans d'autres villes et d'autres villages », suggère François Garay, le maire des Mureaux dans les Yvelines, une ville concernée par ces problématiques. « Il faudra reconstruire autrement, quitte à mettre des quartiers en jachère ! », ajoute-t-il.

Prendre en compte l'avis des habitants

L'USH propose également « une politique de vacance assumée en ne réattribuant pas les logements sociaux vides dans les quartiers défavorisés, afin d'abaisser mécaniquement la part des populations fragiles dans ces zones ».

Reste un obstacle de taille à prendre absolument en compte : le sentiment des habitants qui préfèrent parfois rester dans le quartier où ils ont passé trente ou quarante de leur vie. « Lorsque l'on démolit des logements, il est toujours compliqué d'accompagner les habitants qui abandonnent une partie de leur histoire » constate François Garay. Une prise en main efficace des problèmes de ghettoïsation nécessiterait en fait de s'attaquer au « chômage, à l'insécurité, à la pauvreté, au communautarisme, à la précarité des situations familiales et à la faiblesse des services publics », reconnaît l'USH. Et donc de mobiliser des moyens bien supérieurs au 6 milliards d'euros du NPNRU.

Perte de conscience publique

Bref, sans un effort plus substantiel en matière d'investissement dans ces quartiers, « les classes moyennes n'iront bien entendu pas y vivre », confirmait il y a quelques semaines Frédéric Paul, délégué générale de l'USH, laissant ainsi les populations fragiles vivre entre elles. Ce serait aussi une forme de résignation de la part des pouvoirs publics, qui dénoterait une perte de conscience politique par rapport à la nécessité de traiter les phénomènes d'exclusion par les territoires.