Inflation : Macron prévient que « ça va être dur jusqu'à la fin de l'été » pour les produits alimentaires

Par latribune.fr  |   |  2165  mots
Emmanuel Macron : « Peut-être que l'erreur a été de ne pas être assez présent pour donner une constance et porter cette réforme moi-même » (Crédits : STEPHANIE LECOCQ)
Dans un long échange avec onze lecteurs du Parisien réalisé vendredi à l'Elysée et mis en ligne dimanche soir par le quotidien, le chef de l'Etat a répondu sur tous les thèmes, du bilan de l'exécutif aux chantiers à venir.

Alors qu'il fêtera ce lundi 24 avril le premier anniversaire de sa réélection, Emmanuel Macron tente de rebondir pour la suite de son second quinquennat à l'heure où, en raison de la promulgation de la loi sur la réforme des retraites, perçue par beaucoup comme un passage en force, son impopularité flirte avec ses plus bas niveaux atteints au début de la crise des « gilets jaunes » fin 2018. Lors d'une allocution lundi dernier pour solder trois mois de contestation, le chef de l'Etat a annoncé « cent jours d'apaisement » et « d'action », et donné rendez-vous au 14 juillet pour « un premier bilan ». Dans la foulée, après être resté en retrait depuis le début de l'année, il est retourné sur le terrain « au contact » des Français. En Alsace mercredi, il a été violemment conspué. Une séquence assumée par l'Elysée comme une séance de « catharsis » collective.

« Les 100 jours d'Emmanuel Macron, c'est une manière de dire (...) "il y a eu un raté au démarrage, on ne s'est pas compris, on remet tout à plat, on repart à zéro" », estime Philippe Moreau-Chevolet, professeur de communication politique à Sciences-Po. Selon lui, le président va tenter de « provoquer une nouveauté par jour », en allant sur le terrain, en réinvitant les syndicats en mai, dans une sorte d' « ego trip » à double tranchant.

Se « réengager dans le débat public »

Pour cet anniversaire, le chef de l'Etat a pris la parole dans le Parisien. Dans un échange avec onze lecteurs du quotidien mis en ligne dimanche, il a reconnu qu'il aurait dû se « mouiller » davantage pour défendre la réforme des retraites et annoncé qu'il allait dorénavant se « réengager dans le débat public ».

« Peut-être que l'erreur a été de ne pas être assez présent pour donner une constance et porter cette réforme moi-même », a dit le président de la République, qui affirme toutefois que sa Première ministre Elisabeth Borne a sa « confiance » car « elle fait bien son travail dans un moment difficile pour le pays ».

En attendant qu'Elisabeth Borne précise mercredi la feuille de route du gouvernement, toujours privé de majorité absolue à l'Assemblée nationale, Emmanuel Macron se montre prudent sur ses chantiers. La semaine dernière, il en avait évoqué trois autour « du travail, de la justice et de l'ordre républicain et du progrès ».

Un texte sur l'immigration

Ce dimanche, il a néanmoins annoncé vouloir, sur l'immigration, « un seul texte » à la fois « efficace et juste », pour « durcir nos règles » afin « que ceux qui n'ont pas de raison d'être ici » puissent être plus rapidement « raccompagnés chez eux » tout en améliorant l'intégration. Exit, donc, l'hypothèse d'un projet saucissonné en plusieurs textes pour faciliter son adoption, comme il l'avait lui-même évoquée il y a un mois. Pour autant, il n'a pas dit avec quelle majorité il comptait le faire passer.

« Je ne sais pas vous dire quel sera le chemin. Il faut construire une majorité politique », a-t-il éludé, tout en rappelant que « l'utilisation de l'article 49.3, c'est le ou la Première ministre qui le propose » avant tout. Or Elisabeth Borne a dit ne plus vouloir recourir, hors budget, à cet outil constitutionnel dont l'usage pour les retraites a été vivement dénoncé.

Sur le front social, il est revenu sans plus de précisions la réforme du RSA « pour que jamais une heure de travail ne puisse être moins intéressante » que ce dispositif, ainsi que « la solidarité à la source » pour que tous ceux qui ont droit aux aides les reçoivent et, ainsi, lutter contre la fraude.

Emmanuel Macron a, par ailleurs, affiché une certaine prudence sur la généralisation du service national universel (SNU). « Je ne vais pas vous dire que la rentrée prochaine le SNU sera obligatoire. C'est une question de montée en charge progressive. Quelques départements, puis un peu plus », a-t-il dit. Sur la santé, il réaffirme vouloir « accélérer la délégation d'actes (prescription de certains médicaments ouverte aux pharmaciens, vérification de la vue par des opticiens, etc) », mais déplore sans prendre de pincettes : « je me tape les corporatismes ».

Inflation : la situation difficile durera jusqu'à l'été

Alors que la hausse des prix continue avec une inflation en mars de 5,7% sur un an, le chef de l'Etat a prévenu que la situation serait difficile « jusqu'à la fin de l'été » concernant les prix des produits alimentaires, qui constituent le principal moteur actuel de l'inflation en France.

« Je vais être honnête, les prix alimentaires, ça va être dur jusqu'à la fin de l'été », a-t-il averti, alors que sur un an, les prix de l'alimentation ont continué d'accélérer, grimpant de 15,9% en mars (après 14,8% en février). Tant les produits frais, comme les fruits et légumes, que les produits non frais tels que le pain, les céréales, la viande, le fromage, le chocolat ou les boissons, sont concernés par cette tendance. Fin mars, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau avait souligné l'existence d'une « période de prix alimentaires élevés très sensible » pour les Français. Selon les projections 2023-2025 de la Banque de France, l'inflation alimentaire a pris le relais de l'inflation énergétique comme principal moteur de la hausse des prix, elle devrait atteindre son pic « vers la fin du premier semestre ».

Ensuite, les prix augmenteraient plus lentement mais « on ne prévoit pas de baisse des prix de l'alimentation à l'horizon de notre projection », c'est-à-dire 2025, avait avertit Matthieu Lemoine, un des auteurs de ces projections. « Cette hausse va durer au moins jusqu'à l'été. A la rentrée, ça devrait se calmer. Mais, ne rêvons pas, la période a changé : même si la situation s'améliore, l'inflation que nous voyons est devenue structurelle », précisait la semaine dernière à La Tribune, Dominique Schelcher, le PDG de Système U. Une analyse confirmée par

Lire aussi« L'inflation sur les produits alimentaires est devenue structurelle » (Dominique Schelcher, Système U)

Hausse des salaires

Face à ces envolées, le chef de l'Etat a plaidé pour que « le travail paye mieux », renvoyant la balle aux « employeurs » et au « dialogue social ».

« Le Smic continue d'augmenter, les autres salaires doivent suivre, et cela fait partie des sujets que l'on a mis à la négociation », a ajouté Emmanuel Macron.

Interrogé dimanche midi par LCI, RTL et Le Figaro, le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a affirmé que son organisation patronale n'était pas prête à discuter des salaires au niveau national.

« Il y a une inflation forte et légitimement les salariés demandent des augmentations de salaires », a-t-il reconnu. Mais « ça se discute au niveau des branches et au niveau des entreprises », a-t-il ajouté en réponse à une question sur les discussions qui pourraient être entamées avec les organisations syndicales après la promulgation de la réforme des retraites.

Restauration écologique

Alors qu'un lecteur lui reproche de ne pas assez parler d'écologie, le chef de l'Etat confirme a confirmé son souhait de lancer « un grand projet de restauration écologique » des écoles, promettant des « financements » aux communes pour lutter contre les « passoires thermiques ».

« Il y a trop d'écoles qui sont des passoires thermiques, où les enfants se les gèlent puis ont trop chaud. On va les rénover », a-t-il assuré.

« On va lancer un grand projet de restauration écologique de nos écoles. On va mettre le financement là-dessus pour accompagner les communes qui ne le peuvent pas seules », a-t-il ajouté, sans pour autant détailler d'enveloppe ni de calendrier précis.

« C'est un formidable chantier public. Cela va donner du boulot au BTP, cela va aider les communes car on va les accompagner, cela va réduire nos émissions de gaz à effet de serre et nos enfants travailleront dans de bonnes conditions », a ajouté Emmanuel Macron, alors que le secteur de bâtiment est fragilisé par la crise de la construction de logements.

Le chef de l'Etat a également souhaité accélérer « la végétalisation des cours d'écoles », y voyant « un moyen formidable pour avoir des puits de fraîcheur et au cœur de nos villes et pour éduquer nos enfants dès le début à l'environnement ».

(Avec AFP)

Les dates-clés du second mandat 

Un an après sa réélection, Emmanuel Macron affronte un climat de fièvre politique et sociale exacerbée par la promulgation de son impopulaire réforme des retraites. Voici les événements marquants des douze premiers mois de son second mandat.

- Perte de la majorité absolue à l'Assemblée

Le 24 avril 2022, Emmanuel Macron est réélu avec 58,5% des suffrages. Le « front républicain », destiné à faire barrage à l'extrême droite, a perdu de sa vigueur: la candidate du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, engrange un score inédit (41,6%) et l'abstention atteint un niveau record (28%).

La nomination, laborieuse, de la Première ministre Elisabeth Borne, arrive le 16 mai.

A l'issue des législatives de juin, marquées par une abstention historique (52,4%) et une double percée de la gauche et du RN, les macronistes ne conservent que 250 sièges (dont 172 du groupe Renaissance, ex-LREM) sur 577, à 39 voix de la majorité absolue.

C'est une gifle pour le président, qui perd également deux précieux relais à l'Assemblée, Richard Ferrand et Christophe Castaner. Trois nouveaux ministres sont battus. Yaël Braun-Pivet devient la première présidente de l'Assemblée nationale.

- Plan de sobriété, grèves et premières pénuries

Faute de majorité, Mme Borne dégaine dix "49.3" et déjoue douze motions de censure pour faire voter les budgets 2023 de l'Etat et de la Sécurité sociale. En octobre, elle entame les impopulaires réformes des retraites et de l'assurance-chômage sur fonds de grèves (enseignants, soignants, transports). Le gouvernement présente un plan de « sobriété » énergétique pour éviter les coupures l'hiver. Sur fond de guerre en Ukraine, il lance une renationalisation d'EDF et un vaste programme nucléaire.

Une grève de plus de 35 jours pour les salaires dans les raffineries et dépôts de carburants, entamée fin septembre par la CGT, provoque des pénuries et s'étend aux centrales nucléaires.

Outre une ristourne gouvernementale sur les carburants et un bouclier contre la hausse des prix énergétiques, des mesures d'aide au pouvoir d'achat sont décidées.

- Des proches mis en cause par la justice

Le 23 septembre, le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler est mis en examen pour « prise illégale d'intérêts » dans une enquête en lien avec l'armateur italo-suisse MSC.

Le 3 octobre, le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti est renvoyé en procès pour « prise illégale d'intérêts » dans une affaire de contentieux avec des magistrats.

Leur maintien en poste est vivement critiqué.

- Bras de fer sur les retraites

Elisabeth Borne dévoile le 10 janvier la réforme pour reporter l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans à l'horizon 2030.

Le 19 janvier, une première mobilisation intersyndicale réunit plus de deux millions de manifestants (selon la CGT), 1,12 million (selon la police). Plus d'une dizaine de journées de mobilisation suivront.

L'examen en première lecture, entamé sous haute tension à l'Assemblée le 6 février, s'achève le 17, sans débat ni vote sur la mesure-phare du report à 64 ans. En cause : le véhicule législatif choisi par le gouvernement pour faire passer sa loi, qui restreint la durée des débats, et les milliers d'amendements déposés notamment par La France insoumise. Des grèves affectent transports, dépôts de carburant/raffineries, l'électricité/gaz, l'éducation. Les images de poubelles qui s'accumulent dans la capitale font le tour du monde, un peu plus d'un an avant les JO de Paris.

Le 11 mars, le Sénat adopte le texte

Faute de certitude sur le vote de certains Républicains (LR), l'exécutif décide le 16 mars une adoption du texte sans vote, selon l'article 49.3. Deux motions de censure contre le gouvernement sont rejetées le 20, dont une, transpartisane, écartée de justesse. Blocages et grèves s'intensifient dans les raffineries, transports et ports. La première visite officielle du roi Charles III est reportée. Le 14 avril, le président promulgue sa réforme quelques heures après la validation du Conseil constitutionnel.

Indignés, les syndicats refusent l'invitation de l'Elysée du 18 avril.

- Cent jours

Après trois mois de silence médiatique, Emmanuel Macron s'exprime brièvement à la télévision le 17 avril : attentif à la « colère » des Français, il se donne « cent jours d'apaisement, d'unité, d'ambition et d'action au service de la France ». Des milliers d'opposants répondent par des concerts de casseroles à travers le pays.

(AFP)