
C'est exactement comme pour les particuliers. Après des années d'argent magique, emprunter devient coûteux. Les taux d'emprunt à dix ans auxquels la France se finance sont remontés bien plus vite que ne le prévoyait le gouvernement. Ils ont dépassé les 3% en fin d'année dernière. Et aujourd'hui encore, ils oscillent autour de 3%. Bercy table sur un taux qui se rapproche de 3,4% dans la seconde partie de l'année.
Il n'empêche, cette progression amène le gouvernement à revoir ses prévisions. Le ministère de l'Economie tablait dans sa dernière loi de programmation des finances publiques, sur une charge de la dette estimée à 60,6 milliards d'euros, fin 2027. Ses nouvelles estimations seraient plutôt au-delà de 70 milliards d'euros à la même échéance... Soit un delta supplémentaire d'au moins 10 milliards d'euros. Voire plus.
L'envolée des taux d'emprunt
« C'est simple : un point d'intérêt en plus sur la dette française, à horizon 2027, c'est quinze milliards d'euros de charge supplémentaire sur la dette publique », a expliqué, ce matin, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie.
Surtout, ces nouveaux taux d'intérêt alourdissent la facture à mesure que l'ancienne dette, - qui ne coûtait presque rien-, est remboursée, et remplacée par une dette contractée à des conditions très onéreuses.
Résultat : la charge de la dette, selon la comptabilité de Maastricht, devrait passer de presque 42 milliards d'euros l'an dernier à 70 milliards à horizon 2027. Soit 30 milliards d'euros de dépenses en plus pour l'Etat.
Le contexte inflationniste, qui augmente par ailleurs les rentrées fiscales, ne suffira pas à compenser. Même les économies occasionnées par la toute récente réforme des retraites - autour de 13 milliards d'euros d'ici 2030 - qui devrait entrer en vigueur, si le calendrier est respecté, dès septembre prochain, seraient vite effacées.
Des marges de manœuvre réduites
Les marges de manœuvre du gouvernement se réduisent donc comme peau de chagrin. Et le casse-tête est tout autant économique que politique. Comment dans ces conditions financer les chantiers annoncés par le Président en matière de santé, d'éducation, de justice, pas plus tard que lundi soir. Comment payer l'embauche de magistrats ? Le remplacement des enseignants ? La fin des attentes aux urgences ? Où trouver l'argent pour rendre ces promesses élyséennes effectives ?
Jusqu'à présent, le gouvernement tablait sur un endettement à 110,9 % du produit intérieur brut, en 2027, soit peu ou prou le niveau de 2022. Comment réussir à tenir cette trajectoire avec cette nouvelle donne ? Comment faire pour revenir à un déficit public qui repasserait sous la limite européenne de 3% du PIB ? Le programme de stabilité concocté par Bercy devrait toutefois réaffirmer la volonté du gouvernement de réduire les dépenses.
Inquiétude au sommet de l'Etat
Aussi, Bruno Le Maire veut-il accélérer le désendettement de la France. Certes, la clause d'exemption à la procédure de déficit excessif de l'Europe est encore en vigueur jusqu'à la fin de l'année. Mais cette parenthèse va bientôt se refermer.
De fait, cette hausse des taux est comme une épée de Damoclès qui plane sur la France. « Claquer de l'argent pour la charge de la dette uniquement parce que les taux d'intérêt ont augmenté, je trouve que c'est autant d'argent qui pourrait aller vers les collèges, les écoles, les crèches, la décarbonation de notre économie » a regretté le ministre de l'Economie.
Au plus haut de l'exécutif, l'inquiétude se ressent. La France n'a pas de mal à trouver des investisseurs qui achètent sa dette, car le pays bénéficie d'une bonne image. « Mais le risque d'un scénario à la Grecque est toujours possible. Si on se dit que l'on se fiche des réformes, ça peut nous arriver », assure l'entourage de la Première ministre. Et d'ajouter : « C'est d'ailleurs un des éléments qui a nous conduit à tenir sur cette réforme des retraites ».
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