Investissement et balance commerciale, le cercle non-vertueux

Par Fabien Piliu  |   |  789  mots
Les biens d'équipements et les machines-outils que les entreprises acquièrent viennent d'Allemagne, du Japon, de Corée du sud ou de Chine.
L'industrie française des biens d'équipements ne pouvant combler les besoins des entreprises, celles-ci sont obligées d'importer leurs nouvelles machines. Par ailleurs, comme l'explique l'OFCE, la bonne tenue de l'investissement n'éloigne pas la menace de décrochage de l'industrie tricolore.

Tout se paie. Un jour ou l'autre. Conséquence d'un sous-investissement chronique, que l'assureur-crédit Euler-Hermès estime à 83 milliards d'euros sur la période 2008-2015, l'économie française est incapable d'afficher une croissance équilibrée.

La consommation des ménages ? Elle est résiliente. L'investissement des entreprises ? Il repart, soutenu surtout par la politique monétaire de la Banque centrale européenne et en petite partie par la politique de l'offre mise en place en en 2014 et dont les mesures phares sont le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), les allègements de charges prévus par le Pacte de responsabilité et le prolongement de la mesure de suramortissement décidée en avril. Reste le commerce extérieur...

Le commerce extérieur dans l'impasse

En septembre, le déficit commercial s'est élevé à 4,8 milliards d'euros, soit 600 millions de plus qu'en août selon les services statistiques des Douanes. Au troisième trimestre, c'est un déséquilibre supérieur à 17 milliards d'euros que la France affiche. Les statistiques sont pour le moins désespérantes. Selon l'Insee, le commerce extérieur devrait retirer 0,6 point de PIB à la croissance. C'est deux fois plus qu'en 2015...

Arrêtons-nous un instant sur les statistiques du troisième trimestre dévoilées la semaine dernière par les Douanes. Au cours de cette période, les importations ont progressé de 2,6% par rapport au deuxième trimestre pour s'élever à 127,5 milliards d'euros quand les exportations augmentaient de seulement 0,8% à 110,1 milliards d'euros.

A elle seules, les importations de matériels de transport, automobiles et aéronautique compris, se sont élevées à 21,3 milliards d'euros. Représentant près de 17% des importations totales, les importations de ce secteur sont les plus importantes observées par les Douanes, après celles réalisées par le secteur des transports.

Les profits et les emplois pour les autres

En cause, la déliquescence passée du secteur des machines-outils et des biens d'équipement. Lorsque les entreprises tricolores investissent aujourd'hui, elles font les emplois et les profits de nos concurrents... aujourd'hui pour parodier l'adage du chancelier Helmut Schmidt qui déclara en 1974 : "Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain". Actuellement, les biens d'équipements et les machines-outils que s'offrent les entreprises françaises viennent le plus souvent d'Allemagne, voire du Japon, de Corée du sud de de Chine. Selon le Syndicat des machines et technologies de production (Symop), la France était en 2015 le huitième constructeur européen du secteur, avec une part de marché de 2,4% de la production. Elle était notamment devancée, dans l'ordre, par l'Allemagne (46,2% de la production !), l'Italie (19,3%), la Suisse (12%), et l'Espagne (4%). Elle était septième un an plus tôt.

L'investissement stable en 2017

La situation actuelle risque de ne pas se prolonger. Parce que le secteur de la machine-outil français a retrouvé sa grandeur passé ? Ce serait formidable. Malheureusement, ce cas de figure est hautement improbable. Reconstruire une filière industrielle prend du temps, même si l'avènement du numérique peut permettre d'effacer une partie du retard perdu.

Les importations devraient décélérer en 2017 car l'investissement des entreprises pourrait s'essouffler. Selon l'enquête de conjoncture réalisée dans l'industrie par l'Insee et publiée mardi, l'investissement devrait se stabiliser l'année prochaine après avoir augmenté de 5% en 2016. "L'investissement resterait dynamique dans la fabrication de biens d'équipements (+9 %). En revanche, il se replierait nettement dans la fabrication de matériels de transports (-10 %)", anticipe l'Insee.

Si c'est une bonne nouvelle - comptable - pour le commerce extérieur, c'est une très mauvaise nouvelle pour l'économie française toute entière.

De quel investissement parle-t-on ?

Ces dernières années, les prévisions des chefs d'entreprises étaient le plus souvent très volontaristes, avant d'être révisées à la baisse en cours d'exercice. Faut-il rappeler qu'en juillet les industriels visaient une augmentation de 10% de leurs investissements cette année ? La morosité de leurs prévisions n'invite pas à l'optimisme.

Soulevé dans une note de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) publiée la semaine dernière, d'autres facteurs suscitent l'inquiétude. Parce que le coût du travail dans les services marchands est plus élevé en France que chez ses concurrents immédiats, parce que l'investissement des entreprises est trop fléché vers l'immobilier et pas assez vers les équipements, parce que le soutien public à l'innovation ne se traduit pas par une montée en gamme du made in France qui pourrait lui permettre de s'affranchir de la concurrence par les prix et parce que l'appareil productif peine à se renouveler en raison de l'absence de processus concurrentiels, le tissu productif tricolore est menacé de décrochage.