L'exécutif peut-il relancer l'immobilier... et la croissance ?

Par Mathias Thépot  |   |  802  mots
Manuel Valls annoncera-t-il des mesures pour retourner les anticipations des ménages en matière de prix de l’immobilier ?
Pour relancer la croissance à court terme, une solution est de relancer le marché de l'immobilier résidentiel. Mais pour ce faire, il faut un message politique fort de l’exécutif visant les acquéreurs de logements, disent certains. Même si une telle politique entraîne des effets pervers...

Jamais lors des cinq dernières années, les ménages français n'ont aussi peu anticipé de hausses des prix de l'immobilier résidentiel. Selon une étude de logic-immo.com, ils étaient seulement 9 % en avril 2015 à prévoir une hausse des prix dans les six prochains mois, contre... 52 % en janvier 2011, moment où les prix de l'immobilier ont atteint un point haut. Depuis, la part des ménages anticipant une hausse s'est donc effondrée, tout comme les transactions dans l'ancien et la construction de logements neufs. Preuve que les anticipations des ménages revêtent une importance fondamentale sur ce marché où la culture de la propriété domine en France.

« Le marché immobilier repose sur les anticipations des ménages. S'ils anticipent une baisse des prix, ils ne vont pas se précipiter pour acheter de peur de faire une moins-value à terme », explique Thomas Grjebine, économiste au Cepii. Le marché immobilier français a donc entamé fin 2011 une phase de régression lente des prix (2,2 % en 2014 après 1,7 % en 2013 et 2012) qui connait toutefois quelques coups d'arrêts dus au niveau historiquement bas des taux d'intérêt nominaux de crédits immobiliers. La correction devrait selon plusieurs experts durer au moins jusqu'en 2017.

Pour une reprise plus rapide des prix ?

Certains prônent toutefois une reprise plus rapide des prix pour relancer le marché, nonobstant le poids élevé du coût du logement dans le budget des ménages. Mais pour ce faire, il faudra « que tous les ménages soient persuadés que les prix vont augmenter », explique Thomas Grjebine. Il n'y aura donc pas de reprise sans « un message politique fort jouant sur les anticipations des potentiels acquéreurs de logements ». Comme par exemple un élargissement à l'ancien du prêt à taux zéro.

Contraint budgétairement, le gouvernement n'a pour l'instant pas donné de signaux allant dans ce sens. Il n'a pas lancé de grand plan de soutien à l'accession, comme l'avait fait en 2009 l'exécutif précédent. En fait, la seule qui a dernièrement réussi a envoyé un message politique fort aux acteurs de l'immobilier, qu'ils soient ménages ou professionnels, est l'ancienne ministre du Logement Cécile Duflot. Mais « elle prônait une baisse des prix, ce qui a eu un effet négatif sur les comportements à l'achat », regrette Thomas Grjebine. Et selon l'économiste, « il est impossible d'expliquer aux ménages que les prix doivent diminuer et en même temps espérer par exemple une relance de la construction du fait des anticipations de prix à la baisse que cela engendre ».

Plus facile de relancer le logement à court terme...

L'ancienne ministre du Logement se trompait-elle en allant à l'encontre du vieil adage « Quand le bâtiment va, tout va ! » qui fait foi au sein des professionnels de l'immobilier ? Ce qui est certain, c'est qu'elle n'a pas choisi la solution de facilité pour regagner des points de croissance et faire baisser le taux de chômage à court terme. Car le secteur du bâtiment, à l'activité très cyclique, peut à lui seul, du haut de ses 1,5 million d'emplois, redonner de l'air à un gouvernement en quête de chiffres positifs sur l'emploi et la croissance.

« Pour les décideurs publics, il est toujours plus facile d'agir à court terme sur la relance du logement, plutôt que de mettre un œuvre un plan de relance massif de l'Economie », explique Thomas Grjebine. Dans la quasi-totalité des pays de l'OCDE, la relance de l'immobilier est souvent synonyme de relance de l'économie.

... mais à quel prix ?

Prendre des mesures en faveur de l'immobilier serait donc le seul moyen de remettre l'économie française dans le droit chemin avant les prochaines élections présidentielles. Dont acte. Mais à quel prix ? Ceux, élevés à terme, de la montée de l'instabilité financière d'une part. Car s'ils tirent la croissance vers le haut, les booms immobiliers sont souvent à l'origine des crises.

Et d'autre part, d'une perte de compétitivité du pays. La forte croissance des prix de l'immobilier a en effet été désignée par des experts économistes et hauts fonctionnaires comme l'une des causes des maux de l'économie française. Que ce soit à cause de la pression sur les salaires nominaux qui en découle, de l'augmentation des prix des loyers pour les entreprises, de l'éloignement des salariés de leur lieu de travail, ou même de l'impossibilité pour les ménages de dégager des marges de manœuvre financières pour consommer ou épargner autre chose que de l'immobilier.

Sans oublier enfin, le risque latent du creusement des inégalités entre les propriétaires qui profitent des effets richesses liés à la hausse des prix de l'immobilier, et des locataires aux revenus modestes dont le coût pour se loger restera proéminent par rapport à leurs revenus.