Faut-il soutenir aveuglément l'immobilier ?

Soutenir massivement le secteur de l'immobilier serait l'un des derniers moyens pour retrouver les niveaux de croissance d'antan. Mais cela risque de provoquer de nouvelles crises financières.
Mathias Thépot
La stagnation séculaire guette. Soutenir l'immobilier serait-il le seul moyen d'y échapper ?

« Quand le bâtiment va, tout va ! ». L'adage préféré des férus d'immobilier serait plus que jamais d'actualité en cette période de faible reprise économique où, plus globalement, la stagnation séculaire guette. Selon Thomas Grjebine, économiste au Cepii, une reprise de l'immobilier serait ainsi le seul moyen de retrouver les niveaux de croissance d'antan, tant le poids de ce secteur est fort dans un grand nombre d'économies développées et émergentes. Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Chine, en Espagne ou dans une moindre mesure en France -des pays où la culture de la pierre est forte- l'investissement résidentiel et la construction ont souvent tiré la croissance et l'emploi vers le haut. Par exemple « en Espagne, en 2005, 23% des personnes employés travaillaient directement ou indirectement pour le secteur du bâtiment, et 11% en France », rappelle Thomas Grjebine. Encore plus significatif, « les variations de l'emploi dans la construction représentent près de la moitié des variations de l'emploi dans l'OCDE sur la période 1970-2010 », ajoute-t-il. Un gouvernement qui souhaite faire baisser le chômage et relancer la croissance à court terme a donc tout intérêt à miser sur le secteur de l'immobilier par le biais de politiques économiques accommodantes.

La hausse des prix de l'immobilier synonyme de croissance ?

Le Royaume-Uni a récemment pris cette direction en lançant en 2013 le programme « Help to buy », qui vise à aider les particuliers à acheter un bien immobilier, ancien ou neuf, avec un apport personnel de 5% seulement. Grâce à ce plan, « il est possible de souscrire un emprunt pour 75 % du prix du bien et d'emprunter à l'État les 20 % restants sans échéance de remboursement avant cinq ans », détaille Thomas Grjebine. Résultat, en mai 2014, les prix de l'immobilier au Royaume Uni ont atteint un niveau record après une hausse annuelle de 11 %. Incontestablement, la hausse de l'immobilier a massivement contribué à la reprise économique outre-manche. D'autant qu'elle permet aussi indirectement de relancer l'investissement. Aux États-Unis notamment, « une hausse des prix de l'immobilier de 10 % permettrait d'obtenir une augmentation de l'investissement de l'ordre de 1,2 point de PIB grâce à l'utilisation des biens immobiliers comme collatéral par les firmes contraintes financièrement. Ce résultat est généralisable aux autres pays de l'OCDE », ajoute Thomas Grjebine.

Mais à quel prix ?

Prendre des mesures en faveur de l'immobilier serait donc le seul moyen de remettre les économies dans le droit chemin. Dont acte. Mais à quel prix ? Celui, élevé, de la montée de l'instabilité financière. Car s'ils tirent la croissance vers le haut, les booms immobiliers sont souvent à l'origine des crises. Et celles-ci, depuis la dérèglementation financière du début des années 1980, se propagent dans les économies mondiales à la vitesse de l'éclair.

C'est pourquoi il convient de porter un regard critique sur la reprise de la hausse des prix de l'immobilier dans les pays de OCDE : + 38 % au Canada depuis 2008 ; + 8 % au Royaume-Uni, + 15 % à Londres et + 14 % aux États-Unis en 2013. Le programme « Help to buy » au Royaume-Uni est notamment très critiqué. Conscient des risques, l'OCDE a demandé au gouvernement de David Cameron de limiter son périmètre pour « garantir le retour à un marché de l'immobilier équilibré ». Mais « Help to buy » étant au cœur de la stratégie économique du premier ministre britannique, rien n'a pour l'instant été fait dans ce sens.

Faut-il réguler le crédit ?

Dès lors, comment faire pour trouver le chemin de la croissance sans pour autant entraîner un risque financier systémique ? La réponse se trouve vraisemblablement dans une politique de régulation prenant en compte les risques dans leur globalité, qu'on appelle aussi politique macroprudentielle. « Contrairement à la politique monétaire, elle permet en effet de cibler un objectif précis, avec moins de risques de dommages collatéraux d'une hausse des taux d'intérêt », explique Thomas Grjebine. L'économiste prend l'exemple de la Chine qui, au gré des mouvements sur son marché de l'immobilier, assouplit ou durcit sa politique d'octroi de crédits  afin de limiter les risques de bulle, sans pour autant nuire à la croissance économique. Mais au final, « l'exemple chinois semble montrer que si les politiques macroprudentielles peuvent être efficaces pour ralentir la hausse des prix, elles ne permettent pas véritablement de sortir du dilemme croissance versus stabilité financière », constate Thomas Grjebine.

Mieux réguler les marchés financiers

Pour plus d'efficacité, plutôt que de cibler uniquement la régulation des marchés immobiliers, il faudrait aussi s'atteler à limiter les risques spéculatifs sur les marchés financiers. Ce, dans le but d'empêcher que les crises systémiques -souvent déclenchées par un krach immobilier- ne se propagent.

Concrètement, afin d'instaurer davantage de stabilité financière, des réformes concernant la structure des banques (séparation des activités), le renforcement des mécanismes de résolutions bancaires en cas de faillite, la limitation les produits financiers spéculatifs (taxe sur les transactions de produits dérivés), ou l'intégration d'échanges financiers opaques dans le champ de la régulation (lutte contre les paradis fiscaux et le shadow banking) sont nécessaires.

Beaucoup d'entre elles ont toutefois été engagées depuis la crise financière de 2008, mais elles sont encore largement insuffisantes. Le risque d'instabilité financière liée à l'éclatement d'une bulle immobilière reste donc toujours prégnant. Privilégier une stratégie de croissance forte par le biais de l'immobilier peut toujours s'avérer périlleux.

Mathias Thépot

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Commentaires 33
à écrit le 13/05/2015 à 11:12
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Il me semble - et je ne suis pas spécialiste - que le marché de l'immobilier a beaucoup changé ces dernières années en raison des nouvelles réalités du marché du travail. l'obligation d'être mobile associée aux délais de revente sans perdre de son ap...

à écrit le 12/05/2015 à 23:40
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Acheter avec un apport de 5% seulement, c'est du délire. S'engager sur 25 ans dans un monde où la mobilité est la règle c'est suicidaire. La vraie solution pour l'immobilier, c'est la destruction en masse de l'existant. La guerre est une bonne form...

à écrit le 12/05/2015 à 20:08
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N'oublions pas que la hausse des prix de l'immobilier comme leur chute dépend de l'offre et de la demande. Pour éviter la flambée des prix il faut donc construire plus là où la demande est forte et pour moins cher en retirant des contraintes réglemen...

le 12/05/2015 à 22:20
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"nous devons aider l'accession dans l'ancien des primo-accédants" : Non. Je ne veux pas que mes impôts m'aide à acheter plus cher en subventionnant tous les participants d'un enchère. Soyons libéraux : Arrêtons les perfusions, les prix suivront la d...

à écrit le 12/05/2015 à 15:10
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Tout çà, c'est bien gentil, mais : - on n'est plus dans les 30 glorieuses, quand il fallait reconstruire un parc de logements vétustes ou détruits par la guerre. - le bâtiment ne crée pas d'emplois durables : quand un immeuble est fini, il faut en ...

à écrit le 12/05/2015 à 14:03
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Il faut avant tout assainir ce milieu et solder les affaires en cours. L'escroquerie en Bande organisée #affaireapollonia en est l'exemple le plus emblématique. 1000 victimes / 1 milliard € de préjudice. La justice a du mal à avancer.

à écrit le 12/05/2015 à 11:14
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Contre-sens total sur le dicton. Quand un pays est prospère ses agents économiques peuvent et veulent investir dans les infrastructures qui deviennent nécessaires, donc dans l'immobilier. La prospérité est alors visible par la présence de grues et de...

à écrit le 12/05/2015 à 9:56
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Une bonne partie de l'inflation des prix vient également des ponctions états, agents immobilier et banques qui font que lors de chaque revente les vendeurs ne veulent pas perdre ce qu'ils ont déboursé. Pour un appart à 159 000 euros net vendeur, l'a...

le 12/05/2015 à 11:17
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Pourquoi les gens veulent a tout prix ne pas perdre d argent et habiter gratuit. quand vous achetez une voiture, vous savez que vous la revendrez moins cher (idem pour n importe quel bien d usage). Pourquoi l immobilier devraot faire exception ? S...

le 12/05/2015 à 13:55
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Plutôt d'accord avec vous, mais la réalité est toute autre. La durée de vie d'une voiture ou d'une télé est sans commune mesure avec celle d'une maison. Et la différence c'est que les évolutions technologiques ont aussi un plus grand impact sur la va...

le 12/05/2015 à 15:06
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On pourrait tout a fait mettre a niveau une voiture comme une maison. On ne le fait pas pour une raison de cout (acheter une autre voiture est moins cher) mais ca se fait sans probleme pour les bateaux ou avions. Et la encore un acheteur de bateau ne...

le 12/05/2015 à 19:21
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Le prix n'est pas fonction des désirs des vendeurs, mais de ce que les acheteurs peuvent ou veulent payer... Même sans taxe sur les PV immobilière, si un vendeur peut vendre 200 000 euros sa daube achetée 70 000 euros il y a 15 ans : Il vendra 200 00...

le 13/05/2015 à 6:54
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@@jo : votre raisonnement est faux ! S il a acheté un studio 70 000 il y a 10 ans et que ce studio vaut 200 000 , s il vend il ne peut qu acheter le même studio ! Et s il est frappé de PV ( soit environ 40 000 avec surtaxe) il ne ne peut pas acheter ...

le 13/05/2015 à 10:07
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@malcomprenant Votre exemple est excellent. Vous mettez sans le vouloir le doigt sur le problème : Un studio acheté 70 000 il y a 10 ans était accessible à 85% de la population (avec un salaire de 1200€ par mois sur 18 ans, on peut emprunter cet...

le 13/05/2015 à 16:19
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@@malcomprenant : je suis d accord avec vous sur le fait qu il faut régler le problème d une hausse exagérée des prix ( non pas depuis 10 ans mais entre 2000 et 2010) et j affirme qu il faut revoir de fond en comble toute la fiscalité immobiliere en...

le 13/05/2015 à 17:41
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"Et s il est frappé de PV ( soit environ 40 000 avec surtaxe) il ne ne peut pas acheter l équivalent . " : Donc il ne contribue pas à faire monter les studios à 200 000 euros avec ses PV immobilière, donc les prix de l'immobilier restent corrélé aux ...

à écrit le 12/05/2015 à 9:24
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Créer une mesure comme le royaume uni, provoquerai une crise immobilière sur le long terme et un endettement de l'état grave, sachant qu'il est bien endetté. Une bonne mesure serai la libéralisation du marché de l'immobilier et ne plus avoir une inte...

à écrit le 12/05/2015 à 9:09
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Article completement delirant. C est sur que si on subventionne a fond un secteur, il va y avoir effet d entrainement sur la societe. Va t on sponsoriser l alcool car ca donne du travail au viticuleurs (et aussi aux hopitaux et aux constructeurs auto...

le 12/05/2015 à 10:06
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Une bonne partie de la réponse réside dans l'augmentation des prix de l'énergie qui est et sera inéluctable et un soutien accru vers la rénovation thermique des bâtiments existants. Chantier considérable qui ne créé pas de bulle, créé de l'emploi et ...

le 12/05/2015 à 10:16
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"pour gagner moins que celui qui porte des parpaings" si c'est si facile, fais-le , ne te gêne surtout pas

le 12/05/2015 à 11:13
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Vu comment sont fait des diagnostiques energetiques, je doute de l efficacite d une telle mesure. On risque plutot d avoir soit du cosmetique soit carrement de la magouille (je te done tant et tu classe mon appart dans la bonne categorie). Sinon ...

le 12/05/2015 à 13:47
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@@jo Il ya une nécessité d'avoir des diagnostiques beaucoup efficaces et professionnels, quitte à ce qu'ils soient effectués par des officiers d'états en statut de profession libérale comme les notaires. Je suis d'accord que l'augmentation des coûts...

le 12/05/2015 à 15:09
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Le marché immobilier est déjà surévalué en France, de 20 % par rapport à l’Allemagne, je crois ? On a vu ce qu'ont donné les programmes de défiscalisation : beaucoup de logement construits aux mauvais endroits et des problèmes de pénurie de logement...

le 12/05/2015 à 17:15
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Effectivement il est difficile d'avoir un retour sur investissement dans la rénovation. Le coût est énorme et le gain minime. Nous avons fait de gros travaux: changement de fenêtres en double vitrage, porte d'entrée, isolation de la toiture, salle de...

le 13/05/2015 à 9:15
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Beaucoup de betise et de melange, a la fois dans l'article (c'est a dessein) et dans les commentaires. C'est pour cela que le gouvernement detruit l'education, pour, rendre le peuple bete et apte a gober les apparentes verites deblaterees par, l'olig...

à écrit le 12/05/2015 à 9:00
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L'immobilier est une bulle financière crée par les niches fiscales, in finé qui ont été accordées par l'endettement de l'Etat Français. Il doit être mis fin à toutes ces niches fiscales il reste tellement de vacant à remettre à niveau et sur le ma...

le 12/05/2015 à 9:13
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taxer l immobilier va a l encontre des interets de la classe la plus importante des electeurs : les vieux. et regardez ce que possedent nos politiciens : pas d actions, que du beton ! Sinon bien qu excessif, votre proposition serait benefique. Une...

le 12/05/2015 à 12:37
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Rajoutons à la liste de Niches lors d'une succession les héritiers directs n'ont -chacun- que le choix de conserver un appartement et une résidence secondaire. Le reste revient sur le marché sans autre forme par vente aux enchères ouvertes aux primo ...

le 12/05/2015 à 18:02
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@quick Merci pour votre commentaire. Mais le Pays de l'escargot lancé au galop contre le mur politico-économique n'est-il déjà pas le dernier pays communiste de la planète… Avec la CORÉE du NORD ?

à écrit le 12/05/2015 à 8:24
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d'un produit financier en hausse perpétuelle maintenue par l'interventionnisme de l'état...

le 12/05/2015 à 15:12
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Les actions de banques ?

à écrit le 12/05/2015 à 8:23
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C'est là le problème, les aides diverses et variées créent des emplois certes, mais elles font aussi exploser les prix...et ce dans tous les secteurs. Les grands gagnants sont en finale ceux qui se remplissent les poches et pas l'ensemble de la socié...

à écrit le 12/05/2015 à 8:21
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des prix artificiels qui ne profitent qu à une categorie deja privilegiée grace à la defiscalisation.....et des locataires qui ne peuvent plus se loger

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