L'investissement est-il en train de repartir ?

Par Fabien Piliu  |   |  665  mots
La numérisation, priorité du gouvernement . Et des entreprises ?
Le 8 avril, Manuel Valls, le Premier ministre annonçait la mise en place de la mesure de suramortissement. Qu'en pensent les chefs d'entreprises ?

Votée le 16 avril par le Sénat dans le cadre de l'examen sur le projet de loi sur la croissance et l'activité, la mesure de surmortissement tient-elle ses promesses ?
Pour mémoire, cette mesure annoncée le 8 avril par Manuel Valls, le Premier ministre en Conseil des ministres concerne les investissements productifs privés des entreprises réalisés entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016. L'instruction fiscale est d'ores et déjà parue au Bulletin officiel des finances publiques. Concrètement, les règles de calcul et les modalités de mise en œuvre de la déduction sont les suivantes : les entreprises peuvent amortir les biens à hauteur de 140% de leur valeur, ce qui leur apporte un double avantage, en termes de trésorerie et en termes de rendement. Ainsi, pour un investissement de 100.000 euros, l'économie d'impôt, s'ajoutant à l'amortissement classique, sera, pour un taux normal d'impôt sur les sociétés, d'environ 13.000 euros. Le coût pour l'Etat s'élève à 2,5 milliards d'euro sur cinq ans.

Innover ? Pas une priorité

Pour l'instant, le démarrage est plutôt poussif, en témoignent les résultats des récentes enquêtes de conjoncture. Lorsqu'ils se disent à la recherche de crédits d'investissements, 66 % des chefs d'entreprise ont l'intention de solliciter ces financements pour le remplacement ou l'entretien de leurs matériels et locaux, un score en hausse de six points depuis le mois de mars et de 12 points depuis janvier, mais équivalent à celui enregistré en mai 2014 (65 %). A contrario, une diminution des demandes liées aux investissements d'équipement (38 %, -6 points en deux mois), d'innovation (22 %, -2 points) et de développement (18 %, -4 points) peut être constatée », indiquent les résultats de la 25ème édition du baromètre de KPMG et de la CGPME sur le financement et l'accès au crédit des PME publiée ce lundi.

" Cette répartition des intentions d'investissement souligne que l'accent est beaucoup plus mis sur le maintien ou la pérennité que sur l'innovation ou la conquête de nouveaux marchés " commente Jacky Lintignat, le directeur général de KPMG.

Déjà, quelques jours après l'annonce de la mesure de suramortissement, les chefs d'entreprises étaient dubitatifs quant à l'impact de cette mesure.

En effet, sur le millier de chefs d'entreprises interrogé début avril par Opinion Way pour CCI France/La Tribune/ Europe 1 dans le cadre de " La grande consultation ",  47% estimaient que cet outil pouvait en effet stimuler l'investissement. Mais ils étaient 42% à penser le contraire ! Plus grave, ils étaient 71% à ne pas avoir l'intention d'utiliser ce dispositif et ce, pour une raison simple : 31% d'entre eux avaient alors déclaré à avoir déjà investi. Enfin, pour 28% d'entre eux, leur carnet de commandes était trop peu étoffé pour investir.

Ces résultats n'étaient guère surprenants. D'une part, le dispositif venait d'être à peine lancé. D'autre part, la reprise, indispensable préalable avant un investissement ou une embauche, tardait à se concrétiser dans les statistiques.

La donne a un peu changé

Depuis, la donne a un peu changé. Les indicateurs macroéconomiques témoignent d'un redémarrage progressif de l'activité. Le 13 mai, l'Insee indiquait que le PIB avait augmenté de 0,6% au premier trimestre, le repli de l'investissement étant très largement compensé par la résistance de la consommation. Déjà, avant l'annonce de cette mesure par Matignon, les industriels interrogés par l'Insee indiquaient anticiper en moyenne une augmentation de 7% de leurs investissements.

Dans ce contexte l'objectif de croissance annuelle, fixé à 1% par le gouvernement est considéré par la plupart des experts comme largement atteignable. Sera-t-il dépassé, comme certains l'anticipent ? Tout dépendra de la vigueur de l'investissement, et notamment de sa nature. Annoncé le 18 mai par Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie et doté d'une enveloppe de 3,4 milliards d'euros, le plan pour « l'industrie du futur » a pour objectif d'inciter les entreprises à moderniser leurs outils de production, via notamment la numérisation, pour leur permettre de mieux affronter la concurrence. Les paris sont ouverts.