L'objectif "plein emploi" en 2025 de Macron, un concept (encore) pertinent ?

Par Fabrice Randoux, AFP  |   |  637  mots
(Crédits : Reuters/Philippe Wojazer)
Le rendez-vous social prévu lundi à Matignon vise notamment à réfléchir à la manière d'"atteindre les objectifs ambitieux en matière de retour au plein emploi", un but fixé pour 2025 par Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse et qui a surpris.

La notion de "plein emploi" n'a "pas une définition technique extrêmement précise", a admis la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Cela peut évoquer la situation où il n'existe pas de difficulté particulière à trouver un emploi, comme dans les pays développés pendant les Trente Glorieuses.

Les économistes associent généralement le plein emploi au taux de chômage "incompressible" correspondant aux périodes inévitables d'inactivité entre deux emplois et au délai pour trouver un travail à la fin des études.

Eric Heyer (OFCE) évalue "ce chômage frictionnel à environ 4,5% en France", un niveau qui n'a plus été atteint depuis... 1978. Pour cela, il additionne "les 800.000 jeunes sortant chaque année du système scolaire et mettant six mois en moyenne à trouver un travail" et "les périodes de carence entre les CDD" (85% des contrats signés).

A l'aune du taux de chômage, calculé selon les normes du Bureau international du travail (BIT), l'Allemagne (3,2%), les Pays-Bas (3,6%), les Etats-Unis (4%) ou le Royaume-Uni (4%) pourraient ainsi être en plein emploi.

Le sous-emploi, face cachée du plein emploi

Pour Andrea Garnero (OCDE), "c'est assez discutable" de baser le plein emploi sur le seul taux de chômage car on ne tient pas compte du "sous-emploi", c'est-à-dire des personnes qui voudraient travailler davantage (temps partiel subi), ni de celles qui ont renoncé temporairement à chercher un emploi ("halo du chômage").

"Au Royaume-Uni, le sous-emploi est significatif", souligne-t-il, avec notamment le développement de contrats comme les contrats zéro heure. Selon l'Insee en 2017, le Royaume-Uni était ainsi 5e dans l'UE sur le taux de chômage mais reculait à la 10e place au niveau de "la sous-utilisation de la main-d'oeuvre".

"Les pays qui sont arrivés au plein emploi l'ont généralement fait avec une qualité de l'emploi pas très bonne, une faible durée de travail", renchérit M. Heyer.

A l'exception de l'Allemagne, ces pays au plein emploi ne connaissent pas de hausse des salaires comme le voudrait la théorie économique. Pour M. Garnero, cela pourrait être la conséquence "du développement des formes d'emploi atypiques" (contrats très courts, temps partiel, travail indépendant) et "d'une modification du fonctionnement du marché du travail, dans lequel les travailleurs ont perdu leur pouvoir de négociation".

Et en France, où en est-on avec l'emploi ?

En dépit d'une baisse tendancielle du chômage depuis la mi-2015, conjuguée à une hausse du taux d'emploi (part de la population 15-64 ans en emploi), la France est encore loin du plein emploi avec un chômage de 8,8% (8,5% en métropole). En plus des 2,5 millions de chômeurs, l'Insee compte 1,5 million de personnes en "sous-emploi" et 1,5 million dans le "halo du chômage".

L'objectif chiffré par le gouvernement est d'arriver à 7% à la fin du quinquennat.

"On a toujours l'ambition en 2022 d'arriver autour de 7%. Ce qu'on dit, c'est qu'il ne faudra pas s'arrêter là", a commenté Mme Pénicaud après l'annonce d'Emmanuel Macron.

Pour s'attaquer au noyau dur du chômage (jeunes non qualifiés, seniors, chômeurs de longue durée) l'exécutif compte sur ses réformes "structurelles": code du travail, formation professionnelle, assurance chômage...

Sans nier les difficultés de recrutement des entreprises qui disent être confrontées à un manque de main-d'oeuvre compétente, Eric Heyer estime qu'il reste "autour d'un point de chômage conjoncturel, des entreprises qui ne recrutent pas faute de carnets de commandes".

Du fait du vieillissement, le gouvernement va aussi bénéficier d'une moindre progression de la population active, de + 150.000 par an entre 2005 et 2015 à + 60.000 entre 2015 et 2025. Une projection faite cependant en l'absence de réforme des retraites.

L'horizon 2025 pour un retour au plein emploi parait cependant "un peu irréaliste" à M. Heyer, dont l'institut prévoit un taux de chômage de 8,4% fin 2021.