La Cour des Comptes s'attaque à Pôle Emploi... qui se défend

Par Nabil Bourassi, avec Jean-Christophe Chanut  |   |  710  mots
"Dispersion de moyens", "coûts croissants"... Les griefs de la Cour des comptes contre Pôle Emploi sont nombreux.
Dans un rapport, la Cour des comptes juge que l'organisme d'aide au retour à l'emploi a vu ses coûts augmenter sans pour autant avoir gagné en efficacité. La direction de Pôle Emploi réfute les conclusions de ce rapport et répond à la Cour des comptes.

| Article publié le 1.07.2015 à 8:58, mis à jour le 2.07.2015 à 14:17

Manque d'accompagnement des chômeurs les plus vulnérables, perte de contact avec les entreprises, coûts croissants: la Cour des comptes a livré un nouveau rapport au vitriol contre Pôle emploi, dont le contenu avait déjà été en partie révélé par le quotidien Le Parisien.

Une connaissance insuffisante des entreprises

La Cour des comptes estime que Pôle emploi (53.000 agents, 32 milliards d'allocations versées par an) connaît:

"des résultats contrastés, avec des coûts croissants". "Confronté au chômage de masse, il a redéfini profondément sa stratégie en 2012, mais continue de connaître des difficultés opérationnelles, en dépit de l'engagement de ses personnels".

Circonstance atténuante: entre 2009 et 2015, le nombre de personnes inscrites sur les listes du plus gros opérateur de l'Etat, né en 2008 de la fusion à marche forcée entre l'Assedic (indemnisation) et l'ANPE (accompagnement), est passé de 3,9 millions à 6,2 millions, soit +58%, relèvent les Sages de la rue de Cambon.

Dans leur viseur, le manque de contacts avec les chômeurs de longue durée et des demandeurs d'emploi les plus éloignés du marché du travail, la baisse du nombre d'offres d'emploi collectées ou encore le peu de temps consacré aux entreprises.

La Cour pointe "des coûts croissants", une "dispersion des moyens", une "mission d'intermédiaire entre offre et demande qui n'est plus prioritaire" ainsi qu'une "connaissance insuffisante des besoins des demandeurs d'emploi et des entreprises".

"Les moyens humains sont dispersés", est-il également noté. "La part trop importante du temps de travail des conseillers consacrée à des activités de gestion et de management (22%)" aboutit à ce que celle de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, "pourtant une priorité", est en définitive inférieure à 30%.

Pis, "Pôle emploi ne serait à l'origine directe de la reprise d'emploi que dans 12,6% des cas".

Pôle emploi dément et répond aux attaques de la Cour

A Pôle Emploi, qu'il s'agisse de la direction générale ou des syndicats, le moins que l'on puisse dire est que le rapport de la Cour des comptes est très mal perçu.

Dans une lettre envoyée à Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, le directeur général de Pôle emploi, Jean Bassères, s'emploie à démonter point par point les reproches. "Interprétation erronée", "vision dépassée du service public de l'emploi et de Pôle emploi", analyse qui s'appuie sur "des indicateurs contestables": il dénonce un rapport "exclusivement à charge" qui ne "prend pas en compte l'évolution de notre environnement et notamment l'impact du numérique sur l'évolution du marché du travail".

Il évoque l'agrégation sur le site de Pôle emploi d'offres d'emploi de partenaires du privé, qui ont permis à l'opérateur de "doubler par rapport à 2012" le nombre d'offres en ligne:  300.000 accessibles, dont 180.000 issues des partenaires privés.

Les résultats de l'opérateur sont "perfectibles", mais "progressent de façon incontestable", selon Jean Bassères, qui cite à l'appui des données chiffrées relatives au retour à l'emploi et à la satisfaction des demandeurs d'emploi et des entreprises.

"En isolant l'effet de la conjoncture, l'efficacité de Pôle emploi s'est significativement accrue au cours des dernières années", se défend-il.

Le directeur général pointe aussi du doigt que les recommandations formulées par la Cour "sont pour la plupart déjà engagées" (dématérialisation de l'inscription et de la demande d'allocations, démarrage plus rapide de l'accompagnement, augmentation du nombre d'agents délivrant des services...)

La Cour des comptes dit en revanche approuver "pleinement" le principe de la réforme stratégique de Pôle emploi engagée en 2012, qui vise à "différencier les services rendus" en fonction du degré d'éloignement du marché du travail, et juge "satisfaisante" l'indemnisation des demandeurs d'emploi.

Dans un communiqué, le Snu Pôle emploi dénonce un "énième rapport à charge". "Oui les offres d'emploi diminuent et le chômage augmente, mais Pôle emploi n'en est en rien responsable", estime le syndicat. Les agents de Pôle emploi "font leur boulot", rétorque pour sa part la CFDT dans un communiqué.

(Avec AFP)