La France peine à attirer des talents selon l'OCDE

Par Grégoire Normand  |   |  922  mots
En 2016, en France, environ 28.000 premiers titres ont été octroyés pour motif économique, dont environ 6.000 régularisations et 13.000 changements de statut, principalement des étudiants.
L'institution internationale met en exergue les complexités administratives pour expliquer la manque d'attractivité de la France pour les personnes très qualifiées. Afin de renforcer l'attrait de l'Hexagone, l'organisation préconise de mettre en place une politique interministérielle coordonnée et une communication plus active auprès des employeurs et des talents étrangers.

La France manque d'attractivité. Selon un rapport de l'OCDE publié ce 20 novembre,  la France devrait "moderniser et renforcer le pilotage de l'immigration professionnelle pour attirer les talents étrangers et mieux répondre aux besoins du marché du travail". Le document souligne que malgré une hausse récente, l'immigration professionnelle de ressortissants non-européens "reste faible en France en comparaison internationale et minoritaire dans les flux d'étrangers admis à s'installer durablement (16% en 2016)."

Alors que le gouvernement d'Edouard Philippe envisage "une refondation complète" de la politique migratoire française, les orientations définies par Emmanuel Macron devant les préfets pour attirer les jeunes talents en septembre dernier devraient être scrutées avec attention dans les mois à venir. En effet, le texte prévoit des dispositions "en faveur de l'attractivité et de l'accueil des talents et compétences", pour faciliter le séjour des étudiants cherchant un emploi.

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Le poids de l'immigration non économique

Pour illustrer les difficultés de l'immigration professionnelle à s'insérer sur le marché du travail en France, l'instance internationale souligne que "l'immigration familiale contribue au moins deux fois plus au marché du travail que l'immigration économique". Par ailleurs, même si près d'un tiers des étudiants étrangers se maintiennent sur le territoire chaque année, "les ressortissants de pays tiers, diplômés en France sont sous-représentés dans les professions en difficulté de recrutement et leur insertion sur le marché du travail à moyen terme n'est pas toujours aussi favorable qu'escompté".

"Un déficit d'attractivité"

La France semble avoir des difficultés à attirer certaines catégories de travailleurs hautement qualifiés selon les experts de l'OCDE. Parmi les complexités identifiées par l'organisation internationale, les procédures administratives sont particulièrement visées.

"L'examen des procédures d'octroi d'autorisation de travail assorties dans certains cas d'un examen de la situation de l'emploi révèle de plusieurs insuffisances. Tout d'abord l'opacité du parcours administratif génère une grande incertitude quant à la décision finale et contribue à décourager les employeurs potentiels, surtout les petites et moyennes entreprises."

Le rapport indique également que les outils statistiques transmis aux services départementaux de la main d'oeuvre étrangère sont "imprécis" et leur usage peut conduire à "rejeter des demandes en dépit des besoins de main d'oeuvre avérés". L'autre point soulevé par les économistes du Château de la Muette concerne l'obsolescence des listes de métiers dits "en tension" créées sous Nicolas Sarkozy en 2008 pour faciliter l'immigration choisie. En réalité, cette liste n'a pas fait l'objet de mise à jour depuis sa mise en place. Ce qui rend leur usage "inapproprié".

"Seuls 15% des métiers inscrits sur la liste seraient encore en tension sur l'ensemble du territoire en 2015."

Le rapport s'inquiète également du "traitement excessivement discrétionnaire" des demandes d'autorisation de travail, aboutissant à une "grande hétérogénéité" selon les régions, notamment pour l'immigration saisonnière.

Il en résulte que les migrants qualifiés privilégient d'autres destinations. "Sur la période 2007-2013, la France deuxième destination citée par l'ensemble des migrants potentiels dans le monde, n'est qu'à la huitième place parmi les migrants potentiels les plus diplômés [...] En effet, les migrants potentiels qui privilégient la France comme destination ont souvent un niveau d'éducation faible."

Enfin, le coût de la vie et en particulier du logement ou la faiblesse des salaires sont également évoquées pour expliquer les difficultés de la France en matière d'immigration professionnelle.

Des dispositifs sous-évalués

Pour pallier ce déficit d'attractivité, la France a adopté des dispositifs souffrant d'un manque d'évaluation. Le "passeport talent" adopté en 2016 et censé faciliter l'immigration professionnelle des plus qualifiés "autorise des séjours plus longs, réduit les passages en préfecture, lève l'opposabilité de la situation de l'emploi et crée de nouvelles catégories pour les investisseurs et les projets innovants (startups)". Mais l'impact réel de cette nouvelle disposition "est difficile à évaluer". Elle pourrait en théorie s'appliquer à 220.000 ressortissants de pays tiers, diplômés du supérieur en France au cours des dix dernières années "dans l'hypothèse où ces derniers trouveraient un emploi en France remplissant les critères définis par la loi".

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Des recommandations à suivre

Face aux problèmes rencontrés, l'OCDE présente quelques recommandations comme le lancement de campagnes d'information pour promouvoir le "passeport talent" auprès des employeurs ciblés et des principaux pays d'origine. L'institution propose également de renforcer les dispositifs d'accueil et d'orientation des étudiants étrangers au sein des établissements d'enseignement supérieur. Cela pourrait permettre de "maximiser les chances d'une bonne insertion sur le marché du travail, que ce soit en France ou dans leur pays d'origine".

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La publication de l'OCDE recommande également de repenser la relation avec les pays d'origine dans la gestion concertée des migrations de travail. Les accords bilatéraux de gestion concertée (AGC), instaurés en 2006, sont remis en question aujourd'hui. "L'impact a été négligeable sur les flux de travailleurs en provenance des pays signataires notamment du fait que l'immigration soit limitée à des postes figurant sur des listes de métiers figées."

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