La pédagogie, solution miracle de la Banque de France

Par Fabien Piliu  |   |  904  mots
" Il est essentiel pour la crédibilité de notre pays en Europe de ne rien relâcher de notre discipline budgétaire et de passer nettement sous les 3% de déficit en 2017 ", explique François Villeroy de Galhau.
Pour permettre au gouvernement de mener à bien les réformes, le gouverneur de la Banque de France recommande au président de la République de porter le fer sur la pédagogie.

Bête comme chou ! Dans sa traditionnelle Lettre au président de la République, qui accompagne le rapport annuel de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la banque centrale a eu le conseil suivant : faire de la pédagogie. " Réformer notre pays n'est pas une tâche aisée. Il y a à l'évidence une pédagogie indispensable pour convaincre que cette nécessité peut se transformer en action ". Il fallait y penser...

Avec cette idée, le gouvernement tient assurément la martingale pour apaiser les débats liés à la loi El-Khomri et à son passage en force via l'article 49.3 de la constitution.

Des réformes structurelles à mener

Pour le reste de la lettre adressée à François Hollande, le gouverneur de la Banque de France est resté plus consensuel. S'inspirant des dizaines de rapports déjà publiés sur le thème de la compétitivité, François Villeroy de Galhau invite l'exécutif à " amplifier les réformes structurelles " afin de " retrouver une croissance économique plus forte et créatrice d'emplois ".

Quelle est sa méthode ? Le gouverneur de la Banque de France demande au gouvernement d'agir sur quatre axes, axes déjà identifiés par l'OCDE, la Commission européenne ou la Cour des Comptes, c'est-à-dire : les entreprises, l'emploi, l'éducation et l'Etat. Soit les "quatre E". Quand la Banque de France fait du marketing...

Pour soutenir le développement des entreprises, François Villeroy de Galhau recommande de lutter contre les " rigidités sur les marchés des biens et services ", en supprimant certaines " barrières à l'entrée " et en facilitant " l'accès au financement par les fonds propres ".

Des solutions pour l'emploi

Dans le domaine de l'emploi, il réclame appelle à mettre fin aux " rigidités " qui freinent, selon lui, " l'adaptation des entreprises " et " dissuadent l'embauche ". Sachant que 90% des contrats de travail sont actuellement à durée déterminée, le manque de flexibilité du marché du travail doit être relativisée.

"Le dialogue social doit être rénové au niveau de l'entreprise, au plus près de la réalité économique et humaine ", a également écrit François Villeroy de Galhau. Les syndicats, vent debout contre l'inversion des normes que prévoit le projet de loi El-Khomri, apprécieront.

La Banque de France concernée par les réformes ?

Pour améliorer le système éducatif, il préconise de mieux adapter la formation des jeunes aux besoins des entreprises et de poursuivre la réforme de l'Etat, en faisant " de vrais choix de missions ". Des choix de missions qui toucheraient également la Banque de France ? La lettre ne le précise pas. Selon une étude l'Institut de recherches économiques et fiscales (IREF) publiée en 2014, le coût de la fabrication des billets est 34 % de plus élevés que celui affiché par les autres banques centrales de la zone euro, les frais de personnel de la Banque de France étaient deux fois plus élevés qu'à la Bundesbank, qui comptait alors 4.000 salariés de plus. Quant aux salaires à la Banque de France, ils sont 24 % plus élevés qu'à la Bundesbank ...

" Dans un environnement économique plus favorable en 2015, des progrès ont été accomplis ", reconnait toutefois l'ancien directeur général délégué de BNP Paribas.

"Pour autant, le chemin à parcourir reste très significatif ", a-t-il poursuivi, évoquant des " faiblesses économiques et sociales persistantes ", comme le chômage des jeunes (24%) et un déficit plus élevé que ses voisins européens. Pour mémoire, le PIB tricolore a progressé de 0,5%, une croissance légèrement supérieur aux attentes. Toutefois, en 2015, la France a été à la traîne de la zone euro, avec une croissance annuelle de 1,2%, contre 1,5% en moyenne.

Toujours fermement opposé à la moindre dérive budgétaire, le gouverneur de la Banque de France prône encore et toujours les mêmes solutions. Outre la " maîtrise des dépenses publiques ", non détaillée, il plaide pour des " redéploiements " en augmentant " les taxes sur les énergies fossiles ", dont les cours sont bas, pour " alléger celles sur le travail ". Très bien ! Mais cette proposition soulève une question : et si le cours des énergies fossiles remonte ? Par ailleurs, cette solution n'est-elle pas de nature à casser le semblant de reprise, sachant que c'est la baisse des prix de l'énergie qui a permis de soutenir la consommation et favoriser la reprise de l'investissement ?

" Il est essentiel pour la crédibilité de notre pays en Europe de ne rien relâcher de notre discipline budgétaire et de passer nettement sous les 3% de déficit en 2017 ", explique-t-il, expliquant que ces objectifs pouvaient être atteints simultanément sans remettre en cause notre modèle social qui prend pour exemple l'Allemagne des années 2000 et l'Espagne des années 2010.

Ces pays " ont su mener des réformes d'envergure, pleinement compatibles avec notre modèle social commun ", invitant à " un nouveau débat national à l'occasion de la préparation des prochaines échéances " électorales. En mars, en Espagne, le taux de chômage s'élevait à 20,4% de la population active. Le taux de chômage des jeunes atteignait 45,5%... En Allemagne, selon les derniers chiffres d'Eurostat, le taux de risque de pauvreté - le risque de pauvreté correspond à 60% du revenu médian, aides sociales comprises - .en Allemagne est de 17%, comme au Royaume Uni, contre un peu plus de 13% pour la France.