La tactique Macron ? Faire parler de lui, tous les jours

Par Fabien Piliu  |   |  664  mots
Comme Nicolas Sarkozy avant 2007, Emmanuel Macron mise sur l'omniprésence médiatique.
Donné sur le départ, le ministre de l'Economie a fait une déclaration d'amour au chef de l'Etat. Par sincérité ? Peut-être. Comme chaque jour, ou presque, Emmanuel Macron saisit l'occasion d'animer l'actualité.

Il est où ? Il est partout ! A Londres avec des chefs d'entreprises, à Chartres avec François Hollande, à Las Vegas avec les start-up, dans les pages de papier glacé de Paris Match avec son épouse et son chien Figaro, Emmanuel Macron anime l'actualité. Qu'on le veuille ou non. Qu'il agace ou non. Sa technique est simple. Le "carpet bombing" médiatique, c'est à dire l'omniprésence dans les médias. Un temps, Nicolas Sarkozy en fut un adepte forcené.

Lors de ses déplacements, le ministre de l'Economie ne se contente pas de charmer les foules, de proposer ses plus jolis sourires à chacun et chacune. Il fait également l'inventaire des réformes qu'il conviendrait de mener pour redresser la France, omettant de préciser que c'est pourtant à lui de les imposer, de les mener.

Une passe d'armes avec Manuel Valls

On l'a vu donc poser la question de l'avenir du statut des fonctionnaires, des 35 heures. Cette semaine, c'est sur l'ISF que le ministre s'est exprimé, déclenchant l'ire de Manuel Valls, le Premier ministre déjà très remonté contre celui qui est devenu son rival.

Au cours de ce dernier épisode, Emmanuel Macron a fait coup double. D'une part, sa proposition a fait grand bruit, renforçant son image de réformateur. D'autre part, en se faisant reprendre de volée par le Premier ministre, il est devenu une victime, victime que le sentiment naturel invite à protéger. On l'aura compris, Manuel Valls est le perdant de l'histoire. L'histoire se répète. Lorsque le Premier ministre avait rabroué le ministre de l'Economie sur la question des 35 heures, c'est Emmanuel Macron qui était sorti vainqueur aux yeux de l'opinion.

La défense du chef de l'Etat

Ce vendredi, afin de couper court aux rumeurs qui le voient quitter le gouvernement, pour actes d'insubordination répétés, le ministre de l'Economie a fait une jolie déclaration d'amour au chef de l'Etat. Là encore, il se pose en victime

" Certains et certaines voudraient utiliser le moindre mot, la moindre initiative pour fragiliser le président de la République. Ça m'est insupportable et je considère que notre pays n'a pas besoin de cela. Que celles et ceux qui considèrent que prendre la moindre initiative, proposer pour le pays, porter ses idées, rassembler sur des idées d'intérêt général, essayer précisément de coaguler les bonnes volontés, serait une forfaiture, ceux-là ont une conception disciplinaire de la vie politique qui n'est pas la mienne ", a déclaré Emmanuel Macron aux journalistes à Varsovie où il est venu à l'occasion d'une réunion ministérielle européenne des "Amis de l'Industrie", portant notamment sur la protection de la sidérurgie européenne face à la concurrence chinoise.

"Je continuerai à agir en liberté sur tous les sujets d'intérêt général du pays puisque c'est l'intérêt commun. En responsabilité, en liberté. Qu'on commente, qu'on observe, mais de grâce, qu'on n'affaiblisse pas le président de la République, qu'on ne m'utilise pas pour l'attaquer, c'est indigne", a-t-il poursuivi.

Seul dans le désert

Est-il sincère ? Peut-être. Ces déclarations sont-elles stratégiques ? Assurément. Détesté par la plupart des poids lourds du gouvernement, et notamment à Bercy, qui s'agacent que ce ministre de 38 ans leur fasse de l'ombre, sans soutien au Parti socialiste, Emmanuel Macron doit gagner du temps.

Lancé il y a deux semaines, son mouvement "En marche!", qualifié "ni de droite ni de gauche" est trop jeune, trop faible pour être une base de repli solide au cas où le ministre serait poussé vers la sortie. Il suffit de voir dans quel désert politique erre Arnaud Montebourg, le troisième homme de la primaire socialiste en 2011. S'il devait sortir rapidement du gouvernement, que ferait Emmanuel Macron ? "Rester assis sans rien faire", comme il le propose sur le site d'En marche", à ceux qui ne veulent pas rejoindre son mouvement ? Les paris sont ouverts.