Le "big bang" de Pénicaud sur la réforme de la formation professionnelle

Par latribune.fr  |   |  734  mots
Chaque année, les salariés devraient disposer de 500 euros dans leur compte personnel de formation, plafonnés à 5.000 euros. (Crédits : CC0 Creative Commons/Pexel.)
Muriel Pénicaud a présenté, ce lundi, les arbitrages très attendus du gouvernement sur la réforme de la formation professionnelle. Les droits à la formation figurant sur le compte personnel de formation (CPF), actuellement comptabilisés en heures, seront convertis en euros pour limiter les abus, et la collecte des fonds passera désormais par les Urssaf. Le texte conclu par les partenaires sociaux le 22 février n'a donc pas été repris dans sa totalité.

Muriel Pénicaud a promis un "big bang". La ministre du Travail a dévoilé, ce lundi, ses arbitrages sur la réforme de la formation professionnelle, censée donner plus de droits aux salariés, mais aussi simplifier drastiquement le système, au risque de fâcher (encore un peu plus) les partenaires sociaux. De fait, l'annonce de la ministre du travail est un camouflet pour les syndicats comme pour le patronat.

En effet, mais il fallait s'y attendre, Muriel Pénicaud a décidé de ne pas retenir l'intégralité du texte conclu le 22 février par les syndicats et le patronat, après trois mois de négociation. Monétisation du compte personnel de formation (CPF), remise à plat de son mode de financement, création d'une agence nationale pour réguler les prix des formations... Toute la "tuyauterie" du système de formation professionnelle est remise à neuf, comme promis.

Sur le plateau de LCI, le délégué général de LREM Christophe Castaner assume les contre-annonces de la ministre, "pas pour casser, mais là encore, pour changer ce qui doit être changé".

"Les partenaires sociaux ont fait des propositions qui, à notre sens, ne vont pas assez loin, la ministre va porter (...) une réforme plus courageuse. Il y a le dialogue social, mais il y aussi un pouvoir politique qui a été élu par les Français pour faire les choses", a-t-il ajouté.

Lire aussi : Formation professionnelle : que contient l'accord quasi finalisé ?

Le CPF crédité de 500 euros par an

Depuis le 5 janvier 2015, chacun dispose d'un compte personnel de formation (CPF) qui le suit tout au long de sa carrière, même en période de chômage. L'accord conclu par les partenaires sociaux prévoyait un renforcement du CPF en permettant aux salariés de cumuler 35 heures de formation par an (au lieu de 24), dans la limite de 400 heures (au lieu de 150). Le gouvernement a retenu l'idée d'une augmentation des droits, mais prévoit d'apporter une modification importante : le CPF va passer en euros.

Jusqu'à présent, les heures de formation étaient facturées à des prix différents, en fonction des organismes ou des régions. Cela générait de gros abus. L'exécutif semble vouloir y mettre un terme. Avec la réforme, les salariés devraient donc disposer dans leur tirelire de 500 euros par an, plafonnés à 5.000 euros. Les personnes sans qualification auront 800 euros, avec un plafonnement à 8.000 euros.

Les syndicats et le patronat estiment, eux, qu'une comptabilisation en euros entraînera une inflation des coûts de formation et de facto, une baisse des droits pour les salariés.

Maintenant, c'est l'Urssaf qui gère la caisse

Sur la question du mode de financement du CPF, l'État reprend la main. Les sommes destinées à la formation seront désormais gérées et collectées par les Urssaf. Il s'agit d'une contribution totale (obligatoire) de 1% pour les entreprises de plus de 11 salariés et de 0,55% pour celles de moins de 10 salariés. Les Urssaf transféreront ensuite ces sommes à la Caisse des dépôts.

Actuellement, la collecte est réalisée par les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca). Il y a actuellement 18 Opca de branches et deux Opca interprofessionnels. Ces Opca, gérés paritairement, seront transformés en "Opérateurs de compétences", des structures qui seront chargées, notamment, de financer les centres de formation d'apprentis (CFA). Dans leur accord, syndicats et patronat souhaitaient que les Opca continuent de collecter les fonds, dans un souci "d'efficacité et de visibilité".

Une agence nationale, baptisée "France compétences", sera créée et gérée par l'État, les organisations patronales et syndicales, et les Régions. Parmi ses missions, la régulation des prix des formations, afin que les coûts "ne dérivent pas".

Et c'est quoi la suite ?

Ce volet "formation professionnelle" qui s'inspire donc de l'accord des partenaires sociaux s'inscrit dans un projet de loi plus global destiné à apporter plus de sécurité aux salariés, qui contiendra aussi des volets "apprentissage" et "assurance chômage".

Le texte, qui devrait être présenté mi-avril en Conseil des ministres, complétera les ordonnances réformant le code du Travail, entrées en vigueur fin 2017 et qui donnaient plus de souplesse aux entreprises.

Lire aussi : Assurance chômage : Pénicaud "en phase" avec l'accord syndicats-patronat

(Avec AFP)