"Le chef de l'Etat n'a pas à se présenter aux primaires"

Par Propos recueillis par Fabien Piliu  |   |  946  mots
"Rien n'est joué. Personne ne sait encore qui sera le meilleur candidat pour représenter le Parti socialiste", indique Dominique Villemot, proche de François Hollande.
Dominique Villemot fait partie de la garde rapprochée de François Hollande. Dans un ouvrage intitulé « Le courage de réformer », il dresse le bilan économique et social du chef de l'Etat. S'il défend le fond de son action, il admet des erreurs sur la forme, symbolisées par une stratégie de communication brouillonne.

La Tribune - Dans votre ouvrage, vous faites un bilan économique et social du quinquennat qui est à contre-courant de celui que font l'opposition et une partie de la majorité.

Dominique Villemot - Il est normal que l'opposition critique ce qui a été fait depuis 2012. Elle a été battue. Elle veut reconquérir le pouvoir. Elle est dans son rôle. Il n'y pas beaucoup de commentaires à faire sur ce point. Quant aux critiques émises par une partie de la majorité - je pense aux Frondeurs -, elles peuvent s'expliquer de deux façons. D'une part, ils n'ont pas compris que la France de 2012 était au pied du mur sur
le plan financier et qu'il y avait des sacrifices à faire. D'autre part, cette fronde s'explique par la déroute du parti socialiste lors des élections locales en 2014. Quand on perd son mandat électoral, l'incompréhension puis la colère conduisent à des raidissements. C'est assez compréhensible.

Vous évoquez des sacrifices. Lors de la campagne présidentielle, François Hollande n'aurait-il pas dû être plus clair sur ses intentions. La réduction de la dépense publique et l'augmentation de la pression fiscale n'étaient pas des mesures contenues dans son programme ...

La réduction du déficit budgétaire l'était. Mais tant qu'il n'était pas au pouvoir, il ne pouvait avoir une vision claire de la situation économique et financière de la France. L'erreur de diagnostic a ensuite été avouée très rapidement.

Beaucoup lui ont reproché la mise en place de l'austérité.

C'est une autre erreur que l'on peut mettre au débit de l'exécutif. En 2014, le Fonds monétaire international révise ses calculs et révèle au monde que l'austérité budgétaire a un effet plus dépressif que prévu que l'activité. La France, comme d'autres, s'était engagée sur une voie trop dure. Depuis 2014, cette erreur a été corrigée. Une véritable politique de l'offre a été menée. Les entreprises ont vu leur pression fiscale baisser de 40 milliards d'euros. Ce n'est pas rien. De leur côté, les ménages les plus modestes et une partie des classes moyennes ont vu leur pouvoir d'achat augmenter grâce à la diminution de l'imposition sur le revenu.

Dominique Villemot

Selon vous, le bilan économique est donc plutôt encourageant ?

La reprise est une réalité, sauf si l'on doute des statistiques. La consommation des ménages résiste, l'investissement repart grâce à la remontée du taux de marge permise par la politique de l'offre du gouvernement et la courbe du chômage s'est inversée à la mi-2015. Quant aux finances publiques, leur redressement est spectaculaire.

Ce retournement de la courbe du chômage était attendu fin 2013...

C'est exact. Mais je le répète, l'exécutif a fait une erreur de stratégie économique qui a entraîné des erreurs de communication et brouillé le message de François Hollande.

La réforme du droit du travail est-elle une réussite ?

Elle participe à la modernisation de la société et de l'économie française et sert l'intérêt général.

Pourquoi a-t-elle été autant critiquée ?

Plus que le fond, c'est surtout la méthode qui a été pointée du doigt. Je pense que la méthode de François Hollande consistant à laisser la place au dialogue social a dérouté les Français. Plusieurs études, plusieurs sondages témoignent de la volonté des citoyens d'être conduits par un chef, une autorité qui impose et qui s'impose. Ce n'est pas la méthode employée par le chef de l'Etat. Lorsqu'il laisse le débat s'installer sur le mariage pour tous, sur la loi Macron, sur la loi El-Khomri avant de trancher, il déroute les Français. Il donne l'impression que le bateau navigue sans capitaine. Peut-être que les critiques à l'égard de sa politique auraient été moins vives s'il avait réformé par ordonnances... S'il avait procédé ainsi, il aurait été juste de lui reprocher de ne pas avoir annoncé la couleur lors de la campagne de 2012. Il a toujours dit qu'il réformerait dans le dialogue. On le lui reproche aujourd'hui.

En dépit de cette politique de l'offre, les chefs d'entreprises ne sont pas très amènes avec le président de la République...

Les entreprises ne votent pas ! Si les chefs d'entreprises saluent globalement l'action du gouvernement qui s'est traduite par une remontée de leurs marges, ils lui reprochent une augmentation de la fiscalité sur les tranches les plus élevées de l'impôt sur le revenu, au nom de la justice sociale. C'est ainsi.

Simultanément à la publication de votre livre, un autre ouvrage défraie la chronique. Que pensez-vous de la multiplication des livres qui reprennent les confidences du chef de l'Etat ?

Rien ne me choque vraiment. Ces confidences peuvent illustrer la pédagogie du chef de l'Etat. Une seule chose me dérange, ce sont les petites phrases qui peuvent être facilement sorties de leur contexte et qui déclenchent des polémiques qui ne servent pas la grandeur de la fonction présidentielle. Un droit de relecture aurait dû être imposé.

Une fois que les polémiques auront cessé, François Hollande peut-il encore se présenter à sa propre succession ?

Rien n'est joué. Personne ne sait encore qui sera le meilleur candidat pour représenter le Parti socialiste.

Doit-il se présenter aux primaires de gauche ?

De mon point de vue, le chef de l'Etat sortant n'a pas à se présenter aux primaires.

« François Hollande, le courage de réformer », Dominique Villemot, Editions Privat, 2016.