Le code du travail va être entièrement réécrit

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  999  mots
La ministre du Travail Myriam El Khomri (ici avec Pierre Gattaz, président du Medef, avant une réunion, le 9 septembre dernier),a remis ses premières pistes pour réformer le Code du travail qui va être entièrement réécrit.
La ministre du Travail a remis ses premières pistes pour une réforme du code du travail. A ce stade, il s'agit plutôt d'annonces sur la méthode suivie que sur le fond de la réforme. Une commission va être chargée de réécrire le code sur deux ans..

Ceux qui attendaient le « grand soir » du code du travail vont être déçus. En réalité, ils l'étaient déjà depuis que le président de la République et le Premier ministre avaient annoncé en septembre qu'il n'était pas question de réformer le contrat de travail, le Smic ou encore la durée légale du temps de travail. Mais ceux qui s'attendaient à des annonces, même a minima, sur le fond, vont aussi être déçus. De fait, à ce stade, les premières pistes de la réforme du code du travail présentées ce mercredi 4 novembre au Premier ministre par la ministre du Travail Myriam El Khomri, tiennent davantage du discours de la méthode. Il s'agit plutôt d'annoncer « comment on va faire » que « ce que l'on va faire ».

Encourager  la dynamique de la négociation

Myriam El Khomri développe longuement les enjeux de la future réforme qui fera l'objet d'un premier projet de loi début 2016. Il s'agit d'adapter le droit du travail à la nouvelle économie numérique mais aussi de le rendre plus lisible, moins complexe. De même la ministre reconnaît que « le dialogue social est la meilleure voie pour concilier les besoins des entreprises et des salariés au niveau de la branche et de l'entreprise ». Soit exactement le même constat que celui dressé le 9 septembre au moment de la remise du  rapport Combrexelle" sur la place à accorder à la négociation collective dans l'élaboration des normes en droit du travail.

Mais, non sans raison, la ministre explique qu'avant de refonder le code du travail, il s'agit d'abord de dynamiser la négociation collective, afin d'instituer une « vraie » culture de la négociation, moins formalisée qu'aujourd'hui.
Elle propose donc de « systématiser » des clauses de revoyure dans les accords d'entreprise et de branche et d'obliger les accords à fixer leur durée de vie. Ainsi, les accords pourront être renégociés pour davantage coller à un contexte changeant.
De même, il s'agira de simplifier les règles de dénonciation et de révision des accords et, notamment, de mieux définir ce que l'on appelle les « droits individuels acquis - un sujet qui donne lieu à un important contentieux. Pour ce faire, une mission est confiée au professeur de droit Social Jean-François Cesaro (Paris II).

Une nouvelle architecture du Code du travail

Pour le reste, la ministre est d'accord avec les conclusions du rapport Combrexelle sur le besoin de bâtir une nouvelle architecture du code du travail. Elle imagine trois niveaux :
- Celui de l'ordre public social auquel aucun accord ne peut déroger (Smic, durée légale du travail, etc.) ;
- Celui constitué par le domaine ouvert à la négociation et définissant l'articulation entre la branche et l'entreprise ; la loi déterminant le champ de l'ordre public conventionnel de branche.
- Celui constitué par les dispositions applicables en l'absence d'accord d'entreprise et de branche ; ce que l'on appelle les dispositions supplétives.
Etant entendu que pour la ministre, il n'est pas question d'inverser la hiérarchie des normes mais seulement de « traiter le sujet au niveau le plus adapté ».
En revanche, la ministre estime qu'il « conviendra d'étendre le principe de l'accord majoritaire ». Actuellement, sauf opposition, un accord conclu par des syndicats ayant obtenu 30 % des suffrages aux élections professionnelles est considéré comme valable. Il s'agirait de porter ce seuil à 50 %.

Le Code du travail va être réécrit

Une mission de sages, présidée par Robert Badinter et composée des « plus hautes autorités » des juridictions administratives et judiciaires (Cour de cassation et Conseil d'Etat), sera dès ce mois de novembre chargée de définir des « principes fondamentaux du droit du travail ». Ces principes seront intégrés dans le projet de loi qui interviendra en janvier. Ces principes fondamentaux guideront également les travaux de réécriture du code du travail qui auront lieu sur deux ans et qui seront confiés à une mission élargie à des personnalités qualifiées (juriste, universitaires, etc.).

Cependant, la ministre a annoncé une exception à ce long travail de réécriture étalé sur deux ans. En effet, sans attendre, dès le projet de loi de janvier, la partie essentielle « du code du travail consacrée à la durée du travail, au repos et aux congés » sera réécrite. Il s'agit de rendre plus claires les dispositions sur les durées hebdomadaires et quotidiennes du travail, l'aménagement sur l'année, etc. Il faut reconnaître pour les non spécialistes, l'ensemble des règles en vigueur est un véritable maquis, composé de différentes strates successives (loi Aubry de 1998, loi Fillon de 2003, loi Bertrand de 2007, etc.).

Pour le reste, rien de très innovant. Comme ses prédécesseurs, Myriam El Khomri veut réduire drastiquement le nombre des branches professionnelles de 700 actuellement à 200 dans trois ans et à 100 à terme. Elle laisse pour ce faire agir les partenaires sociaux, avant, éventuellement, d'intervenir si rien n'avance.
Par ailleurs, elle veut prendre en compte les particularités des TPE/PME en prônant l'élaboration au niveau des branches d'un contrat de travail type et d'accords d'entreprises-types spécifiques s'appliquant aux petites entreprises.

On le voit, les premières pistes dévoilées par la ministre tiennent davantage de la méthode. A ce stade, elles ne devraient pas fâcher grand monde. Mais, politiquement parlant, il n'était pas question d'ouvrir une nouvelle polémique, alors que les échéances des élections régionales se rapprochent. Cependant, potentiellement, les pistes avancées peuvent conduire à de sérieuses remises en cause: quels seront les droits fondamentaux ? quid des règles supplétives en l'absence d'accord ? que va devenir ce que les juristes appellent le "principe de faveur"?

Sur le fond, il est évident que le chantier de la réforme du droit du travail ne peut être que de longue haleine et doit rencontrer un certain consensus.