Le déficit commercial se creuse à nouveau

Par Grégoire Normand  |   |  943  mots
Ces moindres performances du commerce extérieur s'expliquent par un rebond des importations après un repli en juillet. (Crédits : Reuters/Benoit Tessier)
Le déficit commercial de la France s'est creusé à 5,63 milliards d'euros en août sous l'effet d'un rebond des importations et d'une forte baisse des ventes d'Airbus par rapport à leur niveau exceptionnel de juillet.

Le commerce extérieur plonge à nouveau. Selon les derniers chiffres communiqués par les douanes ce vendredi 5 octobre, le déficit commercial s'est nettement creusé au mois d'août pour s'établir à 5,6 milliards après s'être réduit au mois de juillet à 3,4 milliards d'euros. Ces moindres performances s'expliquent par un rebond des importations après un repli en juillet. Du côté des exportations, "elles se maintiennent à un niveau élevé" malgré des performances moins bonnes dans l'industrie aéronautique. Le déficit cumulé sur les 12 derniers mois atteint 61,9 milliards d'euros contre 63,8 milliards pour l'année 2017.

Cette dégradation du commerce extérieur français est "extrêmement décevante", a expliqué à l'AFP Alain Bentéjac, président des Conseillers du commerce extérieur (CCE), en marge du cinquième mondial de cette institution qui se tient à Paris depuis jeudi. "Beaucoup d'efforts ont été faits par les entreprises et par les autorités qui ont mis en place depuis plusieurs années des mesures pour renforcer la compétitivité de nos entreprises", a-t-il ajouté, convaincu que ces mesures donneront des résultats à long terme.

Moindres performances pour l'aéronautique

L'industrie aéronautique connaît un net ralentissement de ses exportations. Selon le communiqué de l'administration des douanes, le déficit s'est creusé considérablement en août après un mois de juillet exceptionnel. Les livraisons d'Airbus ont été moins importantes en août. D'après les douanes, le montant des exportations atteint 1,5 milliard d'euros pour 17 appareils. "La performance du mois s'inscrit en très net retrait par rapport à celle de juillet, exceptionnelle avec 37 appareils livrés (dont un A380) pour un montant de 2,842 milliards d'euros." Les derniers résultats indiquent que les  livraisons seraient plus faibles que celles des mois d'août des trois dernières années dont les montants étaient compris entre 1,8 et 2 milliards d'euros.

En ce qui concerne le secteur des énergies, le solde est également défavorable. Les importations en pétrole raffiné ont rebondi après avoir reculé en juillet. "En baisse le mois dernier, les prix sont à nouveau plus élevés, ce qui accentue l'évolution du volume des approvisionnements." Les importations d'hydrocarbures naturels sont quant à elles restées à un niveau élevé. Le déficit se creuse également "nettement pour les métaux, du fait d'une poussée des achats". D'autre part, les excédents se sont réduits pour les produits pharmaceutiques et les produits agricoles, en raison d'un rebond des achats.

Quelques améliorations sont tout de même visibles du côté de l'industrie automobile. Les exportations, qui étaient en retrait ces derniers mois, rebondissent avec une progression des ventes de véhicules à destination de la Belgique, de l'Espagne et dans une moindre mesure de l'Europe hors UE "qui rebondissent ce mois-ci, après avoir chuté en juillet."

Détérioration du déficit avec l'Union européenne

Par zone géographique, le solde commercial de la France avec l'Union européenne s'est replié en août, à cause d'une hausse des importations supérieure à celle des exportations. La balance s'est détériorée avec l'Espagne notamment, "sous l'effet d'une baisse marquée des ventes et d'une hausse des achats."

Les échanges commerciaux sont également défavorables avec l'Italie, l'Allemagne et la Belgique, "en raison principalement de la croissance des importations depuis ces trois pays." Dans l'Europe hors UE, le solde se dégrade sensiblement avec la Turquie, la Suisse et la Norvège.

Des perspectives encourageantes

Le solde commercial est souvent considéré comme un point noir de l'économie française. La contribution du commerce extérieur au PIB tricolore est régulièrement négative. Mais depuis 2017, cette composante est légèrement favorable au PIB (0,1 point de PIB) et elle pourrait s'améliorer en 2018 (0,5 point de PIB) selon les dernières projections de l'Insee publiées ce jeudi 4 octobre.

Les économistes de l'institut de statistiques anticipent une vive progression des exportations sur la fin d'année.

"À partir du troisième trimestre, les livraisons aéronautiques rattraperaient leur retard pris en début d'année et les exportations se redresseraient nettement (+0,8 % puis +1,8 %). Les importations, qui ont rebondi au deuxième trimestre (+0,7 %), tirées par les achats de produits manufacturés, croîtraient plus modérément au troisième trimestre (+0,5 %) avant d'accélérer à nouveau en fin d'année (+1,6 %)."

Dans un contexte de montée des tensions protectionnistes, le commerce mondial a ralenti au premier semestre 2018. La demande adressée à la France a nettement ralenti. Selon les derniers chiffres, elle n'a augmenté que de 0,5% entre janvier et mars, puis 0,7% au second trimestre contre une moyenne de 1,5% l'année dernière par trimestre. En dépit des tensions, l'organisme de statistiques anticipe un rebond du commerce mondial pour la fin de l'année, sans retrouver les niveaux observés en 2017.

Dégradation des services

Dans un rapport parlementaire dédié à la diplomatie économique publié ce mercredi 3 octobre, le député de La République en marche Denis Masséglia dresse un constat inquiétant :

"Le commerce extérieur des biens a été constamment déficitaire depuis 2004. Celui des services, qui a longtemps apporté un excédent régulier, connaît également une évolution décevante."

Pendant longtemps, les échanges de services ont dégagé un excédent grâce notamment à l'accueil des visiteurs étrangers. L'excédent oscillait entre 15 et 25 milliards d'euros permettant de compenser en partie le déficit de biens. Mais les attentats des années 2015 et 2016 ont pesé sur le tourisme et ont contribué à détériorer la balance commerciale des services. Avec le retour des touristes étrangers sur le territoire français, cette balance pourrait retrouver des couleurs.