Bercy a identifié « au moins 10 milliards d'euros d'économies » pour redresser les finances publiques françaises

Par latribune.fr  |   |  1255  mots
Le gouvernement entend maintenant réaffirmer son sérieux budgétaire à l'occasion des assises des finances publiques organisées à Bercy. (Crédits : BENOIT TESSIER)
Le gouvernement organise ce lundi des assises des finances publiques qui mettront en exergue les milliards d'euros d'économies nécessaires pour permettre à la France de redresser des comptes dégradés par les crises successives. D'après Bruno Le Maire, ces économies devront être trouvées notamment dans la santé et le travail. Les présidents des associations des maires et des Régions de France, David Lisnard et Carole Delga, ont décliné l'invitation. Ils ont notamment dénoncé dimanche le « jeu de dupes » et « l'incohérence » de l'exécutif.

Le quoi qu'il en coûte semble déjà appartenir à l'histoire. Après avoir été soulagé de ne pas avoir vu sa note dégradé par l'agence S&P Global, le gouvernement entend maintenant réaffirmer son sérieux budgétaire à l'occasion des assises des finances publiques organisées à Bercy à l'initiative du ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire et de son collègue chargé des Comptes publics Gabriel Attal. Le tout en présence de la Première ministre Elisabeth Borne.

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Ce matin, en ouvrant les Assises, Bruno Le Maire a annoncé avoir identifié « au moins 10 milliards d'euros d'économies » pour permettre un redressement des comptes publics d'ici 2027. D'après le ministre de l'Economie, ces milliards devront être trouvés sur la santé, les aides au logement et à l'emploi ainsi que la fin progressive des avantages fiscaux pour les énergies fossiles.

Réduire à 108,3% du PIB en 2027 le lourd endettement du pays

L'enjeu de ces économies : contribuer à accélérer le redressement financier de la France, selon une trajectoire présentée en avril par le gouvernement. Il s'agit de réduire à 108,3% du PIB en 2027 le lourd endettement du pays (contre 111,6% fin 2022), qui le range du côté des mauvais élèves européens, et de ramener sous l'objectif européen de 3% le déficit public (4,7% fin 2022).

Pour revenir dans les clous, le gouvernement entend réduire la dépense publique à 53,5% du PIB en 2027, contre 57,5% en 2022.  Il table sur la fin du bouclier énergétique, les gains des réformes comme celles des retraites ou de l'assurance-chômage, le plein-emploi ou encore une croissance de l'économie qu'il anticipe plus dynamique, après un coup de frein en 2023.

Des marges de manœuvre étroites

Ces mesures sont jugées d'autant plus nécessaires que l'environnement économique se durcit. Suspendues durant le Covid, les règles budgétaires européennes s'appliqueront en effet à nouveau l'an prochain et la forte remontée des taux d'intérêt alourdit significativement la charge de la dette, qui pourrait devenir le premier poste de dépenses de l'Etat, dans un contexte de ralentissement de la croissance. Déjà, l'exécutif occupe le terrain sur le front des annonces. Chiffré à 2 milliards d'euros annuels, un coup de rabot est porté au soutien public pour le secteur immobilier, jugé inefficace et trop coûteux. L'exécutif a aussi gelé 1% supplémentaire des crédits du budget 2023 et demandé aux ministères de dégager 5% en 2024 notamment pour financer la transition énergétique. Il souhaite également supprimer des avantages fiscaux sur les énergies fossiles et évoque une réduction des aides à l'emploi.

Mais entre refus d'augmenter les impôts et tension sociale, avec le pouvoir d'achat au centre des préoccupations face à une inflation élevée, les marges de manœuvre sont étroites, estiment des économistes. « On peut toujours trouver plein d'économies à faire », mais « politiquement et socialement, cela sera très difficile », souligne François Ecalle, président du site spécialisé Fipeco. La récente promesse d'une réduction d'impôts de 2 milliards d'euros pour les classes moyennes et la nouvelle revalorisation du traitement des fonctionnaires témoignent de la difficulté de serrer la vis.

Les associations d'élus locaux boudent la réunion

Outre des discours ministériels, des tables rondes figurent au programme lundi avec une intervention de Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes qui rappelle régulièrement l'exécutif à l'ordre en matière de finances publiques.

Les trois principales associations d'élus locaux, en désaccord avec l'analyse de la situation, ont décidé de bouder l'événement. Les présidents des associations des maires et des Régions de France, David Lisnard et Carole Delga, ont notamment dénoncé dimanche le « jeu de dupes » et « l'incohérence » de l'exécutif. « Notre participation aurait été incohérente vis-à-vis des communes et des habitants, voire insincère. (...) », a expliqué au JDD.fr David Lisnard, maire (LR) de Cannes.

« Je ne voulais pas me prêter à ce jeu de dupes où chacun a trois minutes de temps de parole, avec des passages en revue inefficaces », a souligné Carlole Delga, présidente (PS) de la Région Occitanie. « Bercy nous demande de diminuer d'un tiers la dette locale. Comment ? », s'interroge le maire de Cannes observant « qu'en quinze ans, on nous a supprimé trois fiscalités locales (la taxe professionnelle, la taxe d'habitation et la CVAE) ». Les deux élus affirment être victime d'une forme d'effet ciseau, avec des dépenses en hausse, et des recettes qui ne progressent même pas au rythme de l'inflation : « il n'y a pas une journée sans une séquence de com' du pouvoir avec une dépense qui doit être assumée par les autres. Le plan eau ? Le plan vélo ? C'est à nous d'assumer », critique ainsi David Lisnard. « Cette incohérence de l'exécutif alimente la crise civique. Nous n'y comprenons plus rien et les habitants non plus ».

Les deux exhortent donc l'exécutif à « restaurer les libertés locales », « avec un nouvel élan de décentralisation qui ne soit pas du vent ». Carole Delga appelle à « sortir d'un système vertical et descendant pour un système transversal, qui part du terrain ». Bercy a toutefois assuré que la porte du dialogue restait « ouverte ».

La Collectivité européenne d'Alsace clôture l'exercice 2022 avec un excédent budgétaire qui suscite des interrogations

La Collectivité européenne d'Alsace (CEA) a clôturé l'exercice 2022 avec un excédent budgétaire de 261,9 millions d'euros, qui suscite des critiques mais témoigne surtout de la prudence des départements face au manque de maîtrise de leurs ressources financières. Cette manne inédite, particulièrement en période d'inflation et d'explosion des coûts énergétiques, va lui permettre de réduire son endettement pour la troisième année consécutive et de ne pas avoir recours au crédit en 2023. Cet argent disponible irrite l'opposition, qui estime que le département, en charge des politiques sociales (exclusion, pauvreté, personnes âgées, enfance, handicap), aurait dû l'utiliser pour renforcer l'accompagnement des plus fragiles. « On a 15.000 personnes sans ressources en Alsace, pour lesquelles le département ne déploie pas d'action particulière, notamment contre le non-recours au RSA », déplore Florian Kobryn, président du groupe Alsace écologiste, citoyenne et solidaire au Conseil départemental. Face à cette manne et considérant l'inflation, les syndicats réclament eux des hausses de salaires pour les 6.000 agents de la CEA. « On avait demandé une compensation pour les oubliés du Ségur, par exemple les secrétaires médico-sociales, ça a été refusé », regrette Nathalie Reynard, déléguée CFDT.

« Plutôt fourmi que cigale », Frédéric Bierry, président (LR) du Conseil départemental, insiste sur l'importance d'être « prudent » alors qu'il anticipe une hausse prochaine des dépenses sociales et une baisse des recettes. Pour Robert Hertzog, président honoraire de la Société Française de Finances Publiques, cette situation révèle surtout les « défauts du système » de financement des départements qui « assurent des dépenses sociales qu'ils maîtrisent peu, elles dépendent par exemple du nombre de personnes qui réclament le RSA, selon la conjoncture ». Conséquence : « Ils ont donc besoin de pouvoir ajuster leurs ressources en fonction des circonstances, mais ils n'ont pas cette maîtrise. Alors ils constituent des matelas de réserve, au cas où ».

 (Avec AFP)