Le gouvernement veut montrer qu'il veut serrer la vis sur les dépenses publiques. Contesté sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron est pressé de tourner la page de ce printemps houleux et agité dans la rue et les bancs du Parlement. L'exécutif a prévu de dévoiler ce lundi 19 juin lors des assises des finances publiques les principales coupes envisagées dans chaque ministère pour la préparation du budget 2024. Organisées à Bercy sous l'égide du ministre de l'Economie Bruno Le Maire et celui des Comptes publics Gabriel Attal, ces assises viennent conclure un cycle de réunions consacrées à la revue annuelle des dépenses annoncées cet hiver.
L'objectif est de parvenir aux objectifs présentés dans le programme de stabilité envoyé à Bruxelles en avril. La dette publique en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) devrait passer de 111,6% à 108,3% entre 2022 et 2027 alors qu'il anticipait une hausse de 111,9% à 112,5% sur la même période lors du précédent programme de stabilité présenté à l'été 2022.
Le gouvernement a certes déjà taillé dans les dépenses sociales par les réformes de l'assurance-chômage de 2021 et 2023 (3,3 milliards d'euros entre 2022 et 2025 selon l'Unédic) et celle des retraites avec un gain espéré de 17 milliards d'euros selon Bercy. Mais Matignon ne compte pas en rester là.
Des coupes de 5% à prévoir dans les ministères
Au programme, la Première ministre Elisabeth Borne doit clôturer la matinée à Bercy par une intervention en présence des ministres Le Maire et Attal. Quelques semaines plus tôt, la cheffe du gouvernement avait envoyé une lettre de cadrage à toutes les directions ministérielles leur demandant des pistes pour faire 5% d'économies. « Afin de réorienter le budget de l'Etat vers cette priorité [la transition écologique], je vous demande de transmettre à mon directeur de cabinet, en amont des réunions budgétaires annuelles conduites par le ministère chargé des Comptes publics, des propositions pour dégager des marges de manoeuvre financières au sein de vos budgets », a ordonné Matignon dans un document consulté par La Tribune.
Sans apporter de détails, l'entourage du ministre de l'Economie a simplement précisé que les pistes envisagées seront dévoilées lors de deux table-rondes en présence d'élus et d'institutionnels. « Il y a des dépenses que l'on veut sanctuariser et d'autres que l'on veut baisser », a juste résumé un conseiller. La première réunion sera consacrée à la sortie du « quoi qu'il en coûte » et au désendettement. Le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici devrait donner ses recettes pour assainir les finances publiques. Lors de la seconde table-ronde, le rapporteur général de la Commission des finances et député Jean-René Cazeneuve devra faire une intervention sur « la qualité et la pertinence des dépenses publiques ».
L'économie à bout de souffle complique l'équation budgétaire
La fermeture du robinet des dépenses publiques doit intervenir à un moment où le contexte économique s'est particulièrement dégradé. La charge de la dette française a augmenté ces derniers mois sous l'impact de la hausse des taux d'intérêt à 10 ans. Le durcissement de la politique monétaire de la BCE a considérablement réduit les conditions d'emprunt des ménages et des entreprises partout sur le Vieux continent. Résultat, la zone euro est entrée en récession ces derniers mois et la croissance tricolore devrait s'essouffler en 2023 à 0,6% contre 2,5% en 2022, prévoit l'Insee. Enfin, la désinflation annoncée devrait également amorcée une chute des recettes fiscales dans les caisses de l'Etat.
En parallèle, l'Etat va devoir injecter des milliards dans plusieurs missions régaliennes comme la Défense avec la guerre en Ukraine. L'accélération du réchauffement climatique va obliger l'Etat tricolore à financer des enveloppes d'investissement colossales. Dans un récent rapport remis à la Première ministre Elisabeth Borne, l'économiste Jean Pisani-Ferry a chiffré les besoins d'investissements publics entre 27 et 34 milliards d'euros chaque année d'ici 2030. Et ce montant ne prend pas en compte les dégâts du réchauffement climatique sur l'environnement, la santé, l'économie ou l'agriculture.
Des associations d'élus boudent les assises
A quelques jours de ce grand raout, plusieurs associations d'élus et de collectivités ont décidé de bouder l'invitation du gouvernement. L'Association des Maires de France (AMF) a indiqué qu'elle ne participera à cette séance « car elle n'en partage pas les conclusions unilatérales annoncées à ce stade ». Elle considère que les « finances des collectivités n'ont aucune part à l'endettement massif de l'État, qu'au contraire elles contribuent à sa réduction par leurs excédents et que les baisses des dotations n'ont produit aucune amélioration puisque le poids de la dette dans le PIB ne cesse d'augmenter ».
L'association a également taclé la méthode. « La concertation était donc de pure forme ». Interrogés sur ce boycott, les conseillers de Bruno Le Maire reconnaissent qu'il y a eu « de l'incompréhension » au moment des réunions préalables. Et promettent de « ne pas fermer la porte ». « On aura quand même des représentants des régions de France comme Renaud Muselier, des maires. On est pas dans une configuration où il y aurait un boycott plein et entier. On va continuer de s'inscrire dans un esprit de dialogue », poursuit Bercy. Une réaction qui risque une nouvelle fois de faire bondir tous les corps intermédiaires.