
[Article publié le vendredi 10 mars 2023 à 8:0, mis à jour à 15:52]
La Cour des comptes a lancé un avertissement sévère à l'exécutif. En pleine réforme des retraites, les magistrats ont dressé un tableau jugé préoccupant sur la situation des finances publiques en France. Dans son rapport public annuel dévoilé ce vendredi 10 mars, le président de l'institution Pierre Moscovici a tiré à boulets rouges sur la politique budgétaire de l'exécutif. « Le redressement des finances publiques doit être une priorité nationale. Cela doit passer par un renforcement de la qualité de nos dépenses publiques », a-t-il déclaré lors d'un point presse.
Après plusieurs années de dépenses pour protéger les ménages et les entreprises face aux conséquences désastreuses de la crise sanitaire, les magistrats estiment qu'il faut sortir du « quoi qu'il en coûte ».
Ce message de discipline budgétaire adressé depuis le mois de janvier au gouvernement intervient dans un contexte économique et social hautement inflammable. L'indice des prix à la consommation propulsé par les prix de l'alimentation est loin d'être retombé en février, à 6,2% contre 6% en janvier. La croissance du produit intérieur brut (PIB) peine à rebondir en début d'année. La Banque de France table désormais sur un maigre 0,1% de croissance au premier trimestre selon sa dernière enquête mensuelle de conjoncture dévoilée cette semaine. Au Parlement, le gouvernement espère faire voter sa réforme décriée des retraites ce week-end par le Sénat dominé par la droite. Pressé par les syndicats, Emmanuel Macron a pour l'instant refusé de les recevoir à l'Elysée et attend le vote de la réforme pour s'exprimer.
Malgré le débranchement des mesures d'urgence, des déficits élevés en 2022 et 2023
Après deux années de pandémie, le gouvernement avait annoncé un débranchement progressif des mesures d'urgence (fonds de solidarité, chômage partiel, PGE) mis en œuvre au printemps 2020. Mais l'éclatement du conflit en Ukraine en février 2022 a changé la donne. L'exécutif a dû déployer de nombreux dispositifs pour tenter d'amortir le choc sur les ménages et les entreprises (bouclier tarifaire, ristourne sur le carburant, chèque alimentaire, chèque énergie).
Résultat, le déficit public rapporté au produit intérieur brut devrait rester élevé à 5% en 2022 et 2023 après avoir plongé à 6,5% en 2021. « Une trajectoire de retour du déficit sous 3% en 2027 est optimiste », a averti Pierre Moscovici. De son côté, la dette publique devrait atteindre 111,4% du PIB en 2023, « soit près de 14 points au dessus de son niveau d'avant crise », précisent les magistrats.
Finances publiques : la France, mauvaise élève de la zone euro
A l'échelle de l'Union monétaire, l'Hexagone fait figure de mauvaise élève en matière de finances publiques. « La situation des finances publiques de la France restera ainsi en 2023 parmi les plus dégradées de la zone euro, alors que la Commission européenne juge que les risques sont élevés sur la soutenabilité de la dette publique française à moyen terme », soulignent les fonctionnaires. Ils pointent la divergence entre les groupes de pays qui est un facteur de risque.
Ils estiment également une convergence nécessaire au moment où la Banque centrale européenne (BCE) durcit sa politique monétaire. Depuis l'été 2022, les banquiers centraux ont décidé de serrer la vis monétaire en relevant les taux et en mettant fin au programme d'assouplissement monétaire (Quantitative easing ou rachat d'actifs). En zone euro, l'indice général des prix a commencé à marquer le pas en moyenne mais il existe de fortes disparités entre pays rendant la tâche de la BCE encore plus complexe.
La réduction des déficits doit passer par la croissance selon Pierre Moscovici
Lors de son intervention, le premier président de la Cour des comptes a évoqué plusieurs pistes pour réduire le déficit public tricolore. Sans surprise, il a d'abord préconisé un retour de l'activité économique. « Il faut muscler la croissance », a-t-il insisté. Au regard du fort ralentissement de l'activité en fin d'année 2022 et au premier trimestre 2023, il juge les prévisions du gouvernement « optimistes » pour 2023 (1%).
Le rapport souligne d'ailleurs que ce chiffre est bien supérieur aux prévisions du consensus des économistes qui table désormais sur une croissance de 0,4% cette année. De même que l'inflation projetée par le gouvernement (4,2% en 2023) est également plus favorable que le consensus des économistes (4,8% en 2023).
Sortie du « quoi qu'il en coûte » par une maîtrise des dépenses
Enfin, l'autre principale préconisation avancée par Pierre Moscovici doit passer par le levier de la dépense publique. « Il faut maîtriser la dépense par une sortie du 'quoi qu'il en coûte' », a-t-il affirmé. De son côté, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé une revue annuelle des dépenses publiques lors de ses vœux en janvier. Ce qui a été salué par Pierre Moscovici.
En revanche, le premier magistrat de la Cour n'a pas été précis sur les conséquences budgétaires de la réforme des retraites et de l'assurance-chômage. Interrogé par La Tribune, il a renvoyé la balle à un autre représentant de la Cour. Dans sa réponse aux rapporteurs, le gouvernement a mis en avant la réforme de l'assurance-chômage et celle des retraites actuellement en débat au Sénat.
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