Le régime de l'auto-entrepreneur à nouveau modifié ?

Par Fabien Piliu  |   |  901  mots
Le ministre de l'Economie veut redorer le blason du régime de l'auto-entreprise
Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie, envisage plusieurs options pour assouplir un dispositif dont le succès s'étiole. En 2015, les immatriculations d'auto-entreprises ont chuté de 21,2%.

Pour faire grandir les entreprises françaises, transformer les TPE en PME et les PME en grands groupes qui concurrenceront un jour peut-être le Mittelstand allemand, de nombreux rapports ont été commandés par l'exécutif ces dernières décennies. La plupart de ces rapports aboutissaient aux mêmes conclusions, en ligne avec les vœux répétés des dirigeants d'entreprises. Plus qu'une baisse de la pression fiscale, toujours souhaitée bien évidemment, les experts et les entrepreneurs réclament une stabilité des textes, des dispositifs fiscaux et sociaux. Ont-ils été entendus ? L'inflation législative et réglementaire prouve le contraire.

Les allers-retours du gouvernement depuis 2012 sur le sujet de l'auto-entrepreneur illustre parfaitement cette absence totale d'écoute de la part de l'exécutif. Mais à quoi servent les rapports ?

Beaucoup de polémiques

Créé par Hervé Novelli, le ministre des PME de Nicolas Sarkozy, lancé le 1er janvier 2009, le régime de l'auto-entrepreneur a fait l'objet de nombreuses polémiques lors de la première partie du quinquennat actuel. Il a fallu que l'Elysée et Matignon demandent au député PS Laurent Grandguillaume de jouer les médiateurs pour que la loi sur le commerce, l'artisanat et les TPE qui incluait des modifications du régime, ne casse pas un dispositif utilisé par près d'un million de Français. Simple sur le plan administratif, ce dispositif permet par exemple à des demandeurs d'emplois de créer leur propre activité, à des entrepreneurs en herbe de tester une idée et à d'autres de compléter leurs revenus sachant que la protection sociale du régime est celle des indépendants. Le coup est passé près, Sylvia Pinel, alors ministre de l'Artisanat, ayant eu la volonté de brider sérieusement un régime qui, selon les artisans, constituaient une concurrence déloyale.

Une fusion avec le régime de la micro-entreprise

Depuis le 1er janvier 2015, le régime des autoentrepreneurs a fusionné avec celui de la micro-entreprise, via la loi Pinel. Avec cette réforme, dont l'objectif est de réduire la concurrence avec les artisans, les autoentrepreneurs sont, comme ces derniers, obligés de s'immatriculer à la chambre des métiers et de l'artisanat. Cette contrainte, qui ne prend que quelques heures, est légère. Ce n'est pas le cas du stage préalable à l'installation, lui aussi obligatoire, indispensable au lancement de toute activité artisanale. Le problème réside dans le fait que ce stage dure en moyenne cinq jours, qu'il est difficile à effectuer en raison des délais d'attente et qu'il est payant. A quel tarif ? Officiellement, il doit s'élever à 186 euros mais de nombreux écarts existent entre les chambres de métiers. Selon Bercy, certains stages sont facturés 400 euros. Quand les chambres des métiers et de l'artisanat estiment à 85.000 stages le nombre de stages réalisés, Bercy avance le chiffre de 55.000.

Les immatriculations d'auto-entreprises en chute libre

Tous ces épisodes, marqués par" la révolte des Poussins", ces nouvelles contraintes ont en partie cassé la dynamique entrepreneuriale qui était l'un des derniers points forts de l'économie française. En 2015, le nombre de créations d'entreprises a reculé de 4,7% en raison de la chute de 21,2% des immatriculations d'auto-entreprises. Déjà, en 2013, les doutes sur la pérennité du régime avaient provoqué une diminution des créations d'auto-entreprises.

Les seuils de chiffre d'affaires relevés ?

Pour François Hurel, le président de l'Union des Auto-Entrepreneurs (UAE), il faut modifier le régime. " Une évolution d'autant plus nécessaire que l'économie collaborative et numérique fait de plus en plus appel aux travailleurs indépendants ", précise-t-il. Il plaide pour la suppression du risque de requalification de la contrat de mission de l'auto-entrepreneur en CDI et le renforcement de la protection sociale du régime avec une allocation pour la perte subite d'activité.

Chantre de la libéralisation de l'économie, Emmanuel Macron, qui a déclaré lundi devant des apprentis à Bobigny que  " tout le monde n'est pas fait pour être salarié, tout le monde n'est pas fait pour suivre un apprentissage ", a lui aussi l'intention d'inverser cette tendance. Quelles sont les pistes qui pourraient être intégrées au projet de loi Noe, texte qui pourrait par ailleurs être fusionné avec le texte sur le droit du travail ? Le stage pourrait-il être supprimé ? Bercy ne l'envisage pas. En revanche, un assouplissement est possible. Des dispenses pourraient être accordées pour les auto-entrepreneurs qui peuvent justifier d'un certain niveau de diplôme ou d'une expérience conséquente. Pour réduire les délais de stage, le ministre pourrait permettre à l'auto-entrepreneur de commencer son activité, avant que le stage ait été effectué.

Les seuils de chiffre d'affaires pourraient aussi être relevés. Actuellement, ils s'élèvent à 32.900 euros pour les activités de services et les activités libérales et à 82.200 euros dans les activités de commerce. Le seuil de 32.900 euros pourrait être relevé à 80.000 euros. En fonction de son activité, l'entrepreneur pourrait aussi choisir d'être au réel, très avantageux lorsque le montant des charges déductibles est élevé, ou au forfait. A Bercy, on envisage également de revoir à la baisse certaines obligations fiscales et administratives, au moins les premiers mois, pour que la transformation de la micro-entreprise en société commerciale soit moins traumatisante pour la trésorerie. Ce qui permettrait de faire grandir les entreprises.