Les collectivités locales risquent-elles un nouveau crédit crunch ?

Par Mathias Thépot  |   |  697  mots
Les collectivités manqueront-elles de crédits en cas de reprise ?
L'afflux de liquidités et le manque d’appétence pour l'investissement des collectivités locales les protègent d'une crise du crédit à court terme. En revanche, si une reprise subvenait, il se pourrait que les acteurs privés ne soient plus là pour répondre à leurs demandes...

Il y a de cela quatre ans, les collectivités locales craignaient de manquer de crédits pour financer leurs investissements. Ce « crédit crunch » annoncé n'a, au final, pas eu lieu grâce aux milliards mis sur la table par la Caisse des dépôts (CDC) et à la montée en puissance de la Banque Postale qui a repris une part des activités de la défunte Dexia, leader historique du crédit aux collectivités publiques françaises.

Ce temps est révolu, les élus locaux sont désormais beaucoup plus préoccupés par la cure d'austérité que leur impose l'Etat. Celui-ci a notamment réduit de 12,5 milliards d'euros en quatre ans (2014-2017) ses dotations globales de fonctionnement (DGF) aux collectivités, ce qui les pousse à réduire leurs dépenses, principalement d'investissement. Ainsi en 2015 « le montant des dépenses d'investissement repasserait, pour la première fois depuis 2006, sous la barre des 50 milliards d'euros (48,9 milliards d'euros) », prédit la Banque Postale. En quatre ans seulement, le marché du crédit aux acteurs publics locaux s'est donc complétement retourné. Dont acte.

Poser les fondations d'une crise future ?

Mais la situation actuelle pourrait avoir des effets néfastes pour l'avenir, dans le cas où les collectivités retrouveraient des marges de manœuvre pour investir. Autrement dit, on est peut-être aujourd'hui en train de poser les fondations d'une crise future. Ce, en faisant fuir les banques privées de ce marché. En effet dans cet environnement contraint, les collectivités locales seraient en train de renouer avec des mauvaises habitudes, c'est à dire une optique de court terme qui consiste à ne solliciter des crédits que pour équilibrer leurs comptes, tout en se focalisant sur la négociation du meilleur taux d'intérêt possible.

Pourtant en priorité, « les collectivités locales doivent s'assurer de sécuriser la couverture de leurs besoins de « liquidité » à l'horizon - si possible du plan de mandat , en signant des contrats d'emprunt mobilisables au fil du temps, et garder la maitrise des taux d'intérêt de ces emprunts », conseille Bernard Andrieu, président d'Orféor, cabinet de conseil financier pour les acteurs publics, plus particulièrement spécialisé en gestion de la dette et du financement de projets.

Or, désormais les investissements pluriannuels qui nécessitent une vraie vision de long terme se font par exemple plus rares, même si l'offre de prêts à disposition des collectivités locales est très large : « les banques proposent des crédits à court terme pour leur trésorerie, des financements à moyen terme pour le fonds de compensation de la TVA et les subventions. Et deux types d'emprunts à long terme, l'un pour garantir l'équilibre des comptes administratifs, et l'autre pour financer des projets à plus long terme, avec une mobilisation progressive des fonds », détaille Bernard Andrieu.

Les collectivités de moins en moins attractives pour les banques

Cette palette de financement est donc loin d'être intégralement sollicitée par les collectivités. Ce qui rend le marché moins attractif pour les banques. D'autant que les collectivités locales sont par nature des clients peu attractifs pour les banques privées car elles ne sont pas bancarisées et immobilisent leurs dépôts auprès du Trésor ; et que le marché se concentre désormais sur des acteurs publics (Sfil, Banque Postale, Caisse des dépôts). « La Société de financement local occupera notamment une place importante en 2015, sur le marché, en octroyant une masse significative de crédits nouveaux pour accompagner la désensibilisation des crédits structurés », constate le président d'Orféor.

Bref, « il y a un risque réel dans les prochaines années que le volume de prêts consentis par les banques privées aux collectivités publiques tende à se réduire », craint Bernard Andrieu. Le Crédit Agricole serait notamment déjà en train de réduire significativement ces encours de prêts. Si d'autres suivaient, une telle situation pourrait poser problème en cas de reprise de la demande d'investissement. Les établissements bancaires publics devraient alors répondre seuls aux besoins des collectivités.