Les cotisations des mutuelles vont s'envoler en 2024

Par latribune.fr  |   |  765  mots
« les dépenses de santé augmentent plus vite que la richesse produite » depuis des années, souligne Eric Chenut, le président de la Mutualité. (Crédits : Reuters)
Une enquête de la Mutualité française, publiée ce mardi, montre que les sommes que vont devoir dépenser les Français pour leur mutuelle va augmenter de 8,1% en moyenne en 2024. Une hausse bien plus forte que celle de 4,7% de 2023 et qui inquiète le gouvernement qui qualifie même certaines hausses d'« inacceptables ».

Les Français vont devoir payer davantage pour se soigner. Voilà la conclusion d'une enquête de la Mutualité française parue ce mardi, portant sur 38 mutuelles, qui protègent 18,7 millions de personnes au total. En moyenne, les complémentaires santé à statut mutualiste prévoient une hausse moyenne de 8,1% de leurs cotisations en 2024. La hausse sera de 7,3% en moyenne pour les contrats individuels, et de 9,9% en moyenne pour les contrats collectifs obligatoires (souscrits par les entreprises pour leurs salariés), selon les chiffres de la Mutualité, qui fédère les mutuelles françaises.

Lire aussiComplémentaires santé : des augmentations inacceptables pour le ministre de la Santé

Ce chiffre est étonnant puisqu'il montre une augmentation inédite des cotisations, pas vue depuis des années. Pour rappel, en 2023, les cotisations ont augmenté en moyenne de 4,7%. Pourtant, déjà, la hausse de 2023 était vue comme nettement plus forte que celles annoncées en 2022 (+3,4%), en 2021 (+2,6%) et en 2020 (+2,4%).

Hausse des dépenses de santé

Mais alors, pourquoi une telle hausse? « Les dépenses de santé ont été extrêmement dynamiques en 2023 », explique Eric Chenut, le président de la Mutualité française, avant d'ajouter que « la hausse a été de +6% alors qu'on s'attendait plutôt à +3 ou +4% ».

Selon l'enquête, cette évolution est notamment alimentée par la revalorisation des salaires et tarifs des soignants, une plus forte consommation de soins, mais aussi par la diminution du remboursement des soins dentaires par la Sécu. L'État vient de transférer aux complémentaires santé 500 millions d'euros de dépenses dentaires supplémentaires par an, en baissant à 60% le remboursement de ces dépenses par l'Assurance maladie, contre 70% auparavant. Une décision qui découle de la réforme du 100% Santé. Elle a ainsi renforcé la part des complémentaires dans la prise en charge des dépenses d'optique, dentaire et audiologie. À charge donc pour les mutuelles, assureurs et institutions de prévoyance de compenser ce déremboursement. Au total, les dépenses des complémentaires santé devraient donc augmenter de 1,5 milliard d'euros en 2024, sur une enveloppe globale d'une trentaine de milliards d'euros.

Lire aussiRéindustralisation : la réforme 100% santé pénalise la production de lunettes en France, dénoncent les industriels

Mais, de façon plus structurelle, « les dépenses de santé augmentent plus vite que la richesse produite » depuis des années, souligne Eric Chenut. Selon le président de la Mutualité, l'une des solutions pour tenter d'éviter des hausses de cotisations trop fortes pourrait être de revoir le panier de soins de référence, le « contrat responsable et solidaire ». Ce contrat « embarque un très haut niveau de définition des couvertures, et du coup aussi un très haut niveau de coûts », dit-il. Il serait peut-être utile de lui « donner une modularité plus grande » pour « permettre aux gens de se couvrir au niveau qui leur est nécessaire ».

Inquiétudes du gouvernement

En attendant de trouver une solution, le gouvernement a communiqué sur cette progression importante et s'inquiète depuis plusieurs semaines des hausses de cotisations annoncées par les complémentaires santé pour 2024, et du risque d'impact sur le pouvoir d'achat. Et pour cause, les mutuelles sont la famille la plus importante de complémentaires santé (avec 46% des prestations versées), devant les assureurs (près de 35% du marché) et les institutions de prévoyance (un peu moins de 20%).

Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau avait indiqué vendredi que si l'on pouvait « expliquer » des hausses « de 5 à 7% », d'autres augmentations déjà annoncées et allant jusqu'à 12%, étaient « inacceptables ». Dimanche 3 décembre, il avait déjà tapé du poing sur la table. « Je le dis - et je les verrai dans quelques jours - aux mutuelles. Elles ne peuvent pas aujourd'hui faire des patients la variable d'ajustement de leur modèle économique », avait-il prévenu sur France 3.

Mais cette sortie médiatique ne sera pas forcément suivie d'actes. Interrogé sur d'éventuelles sanctions à l'encontre des mutuelles, le ministre avait répondu « Je ne sais pas, on va d'abord avoir la discussion » avec elles. Car le gouvernement ne peut pas encadrer les tarifs des complémentaires santé et ne peut qu'appeler les consommateurs et les entreprises à faire jouer la concurrence. Selon les chiffres fournis par la Mutualité, néanmoins, la moitié au moins des adhérents des mutuelles restent dans le cadre de + 5 à +7% évoqué par le ministre de la Santé. La moitié des titulaires d'un contrat individuel (souscrit par un particulier) ou collectif (souscrits par une entreprise pour ses salariés) auront une hausse inférieure à 6,9%, a-t-elle fait valoir.

(Avec AFP)