Les dépenses énergétiques des ménages français pourraient s'envoler de 400 euros cette année, pour atteindre 2.800 euros

Par latribune.fr  |   |  1737  mots
(Crédits : Reuters)
Avec la guerre en Ukraine, les prix du gaz, du pétrole et des métaux comme l'aluminium ou le nickel s'envolent, obligeant le gouvernement à sortir le carnet de chèques. Pour les ménages l'addition pourrait aussi être salée, en particulier sur les prix des carburants. Leurs dépenses énergétiques pourraient s'envoler de 400 euros cette année, pour atteindre 2.800 euros, selon une évaluation de l'assureur-crédit Euler Hermes. Selon ce dernier, les Etats n'auront d'autre choix que d'appliquer des mesures publiques de soutien aux ménages pour limiter l'impact de la crise ukrainienne sur leur croissance économique. L'enveloppe nécessaire pour la France est évaluée à 17 milliards d'euros.

Avec la guerre en Ukraine, les prix du gaz, du pétrole et des métaux comme l'aluminium ou le nickel s'envolent. Et la facture ne sera pas « indolore » pour les Français a d'ores et déjà prévenu la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili vendredi sur France Info. Et pour cause, la crainte de perturbation des exportations russes, qui fournissent 40% des importations de gaz européen, a fait grimper vendredi le TTF néerlandais (la référence du marché européen,) à un nouveau record, 213,895 euros le mégawattheure (MWh), tandis que le gaz britannique pour livraison le mois prochain a lui aussi atteint un nouveau sommet historique à 508,80 pence par thermie (une unité de quantité de chaleur).

"A notre avis, le marché prend désormais pour acquis qu'un gazoduc très important qui passe à travers l'Ukraine, va être endommagé par les combats", estime Ole Hvalbye, analyste chez SEB.

De leur côté, les cours du pétrole s'envolent également. Même si les sanctions occidentales ne concernent pas le secteur russe de l'énergie, les acheteurs se sont détournés de cette source de brut, craignant un nouveau tour de vis. Vendredi, à 115 dollars, le prix du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai se rapproche du plus haut depuis 2012 atteint la veille à 119,84 dollars. À New York, le baril de West Texas Intermediate (WTI) pour livraison en avril prenait 5,45% à 113,54 dollars, grimpant vers le sommet depuis 2008 atteint jeudi à 116,57 dollars.

L'espoir des barils iraniens

 Présenté depuis plus d'une semaine comme imminent, un accord sur le nucléaire iranien et l'ajout de capacités de l'Iran sur le marché pourrait calmer la hausse des prix. Il signifierait en effet que les sanctions américaines seraient levées, permettant aux exportations iraniennes de compenser en partie le brut russe. Encore faut-il le signer. Ce samedi, la Russie a réclamé à Washington la garantie que les sanctions la visant à cause de l'Ukraine ne concerneront pas sa coopération avec l'Iran, avant de relancer l'accord sur le nucléaire iranien, a indiqué samedi le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.

Lire aussi 6 mnPétrole russe : pourquoi s'en passer sera une véritable gageure

Une chose est sûre, les conséquences sur les ménages et les entreprises de cette flambée des cours des matières et de l'énergie a de quoi inquiéter les gouvernements, alors que l'inflation grimpait déjà en flèche avant l'offensive russe en Ukraine, à cause des conséquences de la pandémie de Covid-19 et d'une crise de logistique mondiale.

 "On atteint des niveaux où les industries qui consomment le plus d'électricité vont commencer à diminuer leur demande" en cessant leurs activités, "ce qui va conduire à une croissance diminuée alors même que l'inflation augmente", s'inquiète Ole Hansen, analyste chez Saxo Bank.

Le gouvernement français va sortir le carnet de chèques

En France, le gouvernement est de nouveau contraint de sortir le carnet de chèque pour soutenir entreprises et ménages face aux répercussions déjà palpables et encore à venir du conflit en Ukraine. Mercredi, Emmanuel Macron a demandé au Premier ministre d'élaborer "un plan de résilience économique et social" pour répondre aux difficultés qui découlent du conflit, notamment la hausse des prix de l'énergie et des matières premières, qui auront "des conséquences sur notre pouvoir d'achat demain".

Déjà, le "bouclier tarifaire" sur le prix du gaz est prolongé jusqu'à fin 2022, a annoncé vendredi sur France Info, Barbara Pompili Décidé en octobre, le blocage des tarifs du gaz pour les particuliers devait en principe prendre fin en juin 2022. . Pour quel coût? Jusqu'ici, le budget 2020 mobilise 1,2 milliard d'euros pour compenser ce gel auprès des fournisseurs de gaz. Une enveloppe qui s'alourdira donc nécessairement.

Lire aussi 4 mnLa flambée du prix du gaz pousse l'Etat à prolonger le bouclier tarifaire de six mois

"Tous ceux qui vont être touchés par cette hausse des prix, que ce soit les automobilistes, mais je pense aussi à certaines entreprises, nous sommes en train de mettre en place un dispositif pour les protéger", a déclaré la ministre de la Transition écologique, rappelant que le Premier ministre Jean Castex préciserait ces mesures la semaine prochaine, notamment concernant les carburants.

"On est déjà en train de protéger les Français, on les protège sur l'électricité, on les protège sur le gaz et on va prolonger le bouclier gaz jusqu'à la fin de l'année", a-t-elle ajouté. Mais "attention, cette guerre ne va pas être indolore" malgré ces dispositifs, a mis en garde la ministre. "On va faire en sorte de protéger (les Français) mais nous ne sommes pas dans un vase clos, des conséquences existent"

Les entreprises demandent des aides

Reçu jeudi soir par le ministre le président de la CPME François Asselin, expliqué à l'AFP avoir notamment demandé pour les PME "des mesures d'accompagnement comme le chômage partiel de longue durée", un geste pour soulager les trésoreries (décalage de certains paiements, etc.), et surtout qu'"on oublie pas" les sous-traitants des grands groupes présents en Russie.

Outre l'envolée des factures d'électricité qui "commencent à manger toute la marge", la crise touche aussi les PME qui exportaient jusqu'ici en Russie et qui risquent un arrêt brutal de leur activité, a expliqué François Asselin.

Hausse des dépenses énergétiques de 400 euros pour les ménages en 2022

Pour les ménages l'addition pourrait aussi être salée, en particulier sur les prix des carburants. Leurs dépenses énergétiques pourraient s'envoler de 400 euros cette année, pour atteindre 2.800 euros, selon une évaluation de l'assureur-crédit Euler Hermes, citée par l'AFP.

"S'ils veulent limiter l'impact de la crise ukrainienne sur leur croissance économique, les Etats n'auront d'autre choix que d'appliquer des mesures publiques de soutien aux ménages", estime Ana Boata, directrice de la recherche économique d'Euler Hermes, qui évalue à 17 milliards d'euros l'enveloppe nécessaire pour la France.

"On a déjà fait de très gros efforts", a rappelé jeudi le Premier ministre Jean Castex, avec 15 milliards d'euros mis sur la table depuis l'automne (chèque énergie, indemnité inflation, etc). Mais "s'il faut poursuivre nous poursuivrons", a-t-il assuré.

En attendant, les automobilistes voient la facture carburant. Et ce n'est que le début. Le président de Système U, Dominique Schelcher, s'attend à une "hausse brutale du carburant dans les jours à venir" en France en raison de l'invasion russe en Ukraine, a-t-il indiqué jeudi sur RMC et RMC Story.

Flambée des prix du carburant

"La conséquence la plus forte ce (jeudi) matin de ce conflit en Ukraine, c'est la hausse brutale du carburant dans les jours à venir", a-t-il déclaré. "L'euro est en train de s'affaiblir face au dollar, et donc le carburant qu'on (les commerçants, ndlr) achète ce matin coûte au moins une dizaine de centimes de plus par litre", a-t-il ajouté. Mercredi, c'est l'Union française des industries pétrolières (Ufip) qui avait alerté sur un probable risque d'augmentation des prix à la pompe "de quelques centimes par litre", alors qu'"on était déjà dans des plus hauts historiques".

La flambée des prix des carburants, qui atteignent de nouveaux records depuis des semaines, a été alimentée par la reprise économique mondiale et une offre toujours limitée des grands pays producteurs de pétrole. Cette tendance a été exacerbée depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie la semaine dernière.

Interrogé sur un risque de grogne sociale ou de résurgence du mouvement des "Gilets jaunes", Dominique Schelcher a assuré que l'ambiance n'était aujourd'hui "pas du tout la même". "Je parlerais plus de résignation face à une réalité qui s'impose à tous, tout le monde a compris qu'il y a une dimension internationale" à cette hausse, a-t-il estimé.

Les pêcheurs demandent des aides, les agriculteurs aussi

Les pêcheurs eux aussi sont impactés par la hausse du prix du gasoil Le comité régional des pêches des Hauts-de-France et le président (LR) du conseil régional Xavier Bertrand ont demandé vendredi au gouvernement de se mobiliser pour aider une filière étranglée par la hausse "historique" des prix du gasoil dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine.

"Faute de pouvoir assurer un salaire aux équipages, les navires risquent fort de rester à quai dans les jours à venir", affectant ainsi toute la filière régionale, préviennent les pêcheurs des Hauts-de-France dans un communiqué, au lendemain d'un cri d'alerte similaire lancé par les comités des pêches de Bretagne.

"La part du gasoil atteint à présent 40% du chiffre d'affaires du bateau", soulignent-ils, calculant que "les plus gros chalutiers vont subir une augmentation de la charge annuelle de carburant de plus de 100.000 euros si rien n'est fait".

Rappelant qu'ils ont déjà subi la crise sanitaire et le Brexit, "dont les effets se font toujours ressentir" sur les trésoreries des entreprises de pêche, ils demandent des "mesures fortes et rapides" aux pouvoirs publics.

Dans une lettre adressée jeudi au Premier ministre Jean Castex, Xavier Bertrand avait également demandé des mesures en urgence pour soutenir la filière halieutique. Abritant le premier port de pêche français, Boulogne-sur-Mer, la région concentre 6.500 emplois directs liés à cette filière, rappelle-t-il.

La Coordination rurale, deuxième syndicat agricole français, a appelé vendredi à la "mise en place rapide d'un fonds d'aide d'urgence" et "la suppression des procédures administratives pour l'exonération des taxes sur les carburants, comme pour les marins", alors que le coût des engrais et des céréales pour les éleveurs flambent.

Les aides viseront d'une part à soutenir les entreprises directement pénalisées par la flambée des prix de l'énergie. "Il faut qu'on ait la liste de toutes ces entreprises dans lesquelles la consommation de gaz peut représenter 20%, 30%, 40% du coût de production", a indiqué Bruno Le Maire, après un échange avec des fédérations agricoles.

Jeudi, des organisations de transporteurs routiers avaient eux aussi appelé les pouvoirs publics à prendre des mesures d'urgence pour les soutenir face à la flambée des prix du gazole et du gaz naturel.