Les effets du CICE ne sont pas vraiment spectaculaires

Par Fabien Piliu  |   |  1021  mots
Si le CICE a permis au taux de marge des entreprises de remonter, les effet sur l'emploi, l'investissement et les salaires sont délicats à appréhender
Le Comité de suivi du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) fait un point sur les effets de ce dispositif sur l'emploi, l'investissement et les salaires. En dépit d'une montée en puissance, le CICE peine à remplir les objectifs fixés.

Les entreprises connaissent-elles le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ? Ce dispositif est-il efficace sur l'emploi et l'investissement ? Dans un troisième rapport d'étape, le Comité de suivi du CICE encadré par France Stratégie, le think tank du gouvernement dédié à la prospective fait un point d'étape, le troisième, sur ces questions.

Créé par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2012, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est en vigueur depuis janvier 2013. Petit rappel, le CICE est un crédit d'impôt qui porte sur la masse salariale des salariés dont les rémunérations brutes au sens du code de la sécurité sociale n'excèdent pas 2,5 fois le montant annuel du Smic. Son taux est uniforme pour tous les salaires compris dans l'assiette. Il s'élevait à 4 % en 2013 et est passé à 6 % depuis 2014 en France métropolitaine. Les établissements localisés dans les DOM bénéficient d'un taux majoré à 9 % depuis 2015.

Difficile de mesurer son coût exact

Quels sont les premiers enseignements de ce rapport ? Le CICE a coûté moins cher que prévu en 2013. " Dans le rapport 2014, le comité de suivi indiquait que la créance de CICE au titre de 2013 pourrait être inférieure à la créance cible estimée par l'Acoss. La créance CICE 2013 est désormais quasiment stabilisée et les écarts à la cible persistent mais se sont réduits. Au 31 juillet 2015, la créance CICE 2013 s'élevait à 11,2 milliards d'euros, soit 0,8 milliard de moins que la cible ", précise le comité de suivi.

Ensuite, la montée en charge de ce dispositif qui sera transformé en allègements de charges en 2017 se confirme. En effet, le taux de couverture en nombre d'entreprises, c'est-à-dire la part d'entreprises déclarant une assiette CICE aux Urssaf a progressé en 2014, passant de 78% à 81% entre 2013 et 2014.

Quelle est le coût de cette dépense fiscale - la plus onéreuse pour le budget de l'Etat, devant le crédit impôt recherche - pour les finances publiques ? " Si les données fiscales ne permettent pas de mesurer à ce jour la créance totale au titre des salaires de 2014, les déclarations sociales d'assiette CICE faites mensuellement ou trimestriellement aux Urssaf et à la MSA par les entreprises permettent d'estimer le montant cible de cette créance », comme le précise le Comité de suivi, la créance 2014 de CICE calculée sur les salaires versés en 2014 représenterait un montant de créance calculé de 18,2 milliards, soit la créance anticipée par Bercy.

Un surcoût en 2015

Cette montée en puissance se confirme en 2015. Le passage du taux de 6% à 9% et une meilleure connaissance du dispositif - le taux de recours augmente - obligent le ministère du Budget à réviser à la hausse, de 900 millions d'euros exactement, sa prévision de dépense fiscale.

" Contrairement aux deux premières années, la connaissance du CICE ne semble plus poser de difficultés. Si certaines très petites entreprises l'ignorent encore, par exemple celles qui gèrent leur comptabilité de façon autonome sans recourir à un expert-comptable, ces cas sont aujourd'hui très marginaux. Certaines entreprises bénéficient peut-être du CICE sans réellement le savoir : leurs experts-comptables peuvent l'avoir déclaré sans que le dirigeant en ait pleinement conscience. Des témoignages vont dans ce sens, le dirigeant interrogé ne confirmant par exemple qu'après vérification auprès de son service comptable que son entreprise en bénéficie ; d'autres pouvant le confondre avec le crédit d'impôt recherche (CIR) ", constate le rapport.

Quels sont les motifs de non-recours ? Selon le Comité de suivi, certains dirigeants redouteraient un contrôle social ou estimeraient marginal le gain tiré du dispositif. Mais le non-recours est jugé anecdotique.

Au total, le coût budgétaire, c'est-à-dire le montant de CICE consommé en 2015 tous millésimes confondus, s'élèverait à 12,5 milliards d'euros. Selon les prévisions de Bercy, la créance de CICE devrait atteindre 20 milliards au titre de 2017.

Des effets difficiles à cerner sur l'emploi, l'investissement et les salaires

Quels sont ses effets concrets ? Selon le Comité, le CICE améliore le taux de marge des sociétés non financières de l'ordre de 0,9 point en 2014 d'après l'Insee. " Il a donc permis de compenser partiellement en 2014 l'effet négatif sur le taux de marge d'une progression des rémunérations plus rapide que celle de la valeur ajoutée observée en comptabilité nationale ", estime France Stratégie.

Cette remontée du taux de marge a-t-elle favorisé l'emploi et l'investissement ? Il est trop tôt pour le dire. Par ailleurs, le CICE semble affecter différemment les décisions des entreprises selon la taille et la structuration de l'entreprise. " Dans les grands groupes ce dispositif a généralement été anticipé, pleinement intégré dans le processus comptable de l'entreprise et perçu comme un « bon signal ». Il n'est en revanche pas toujours d'une ampleur suffisamment importante pour être un élément déterminant dans les décisions d'investissement. Dans les plus petites entreprises, le CICE est mieux connu que l'an passé même si des doutes subsistent quant à son calcul et sa pérennité. De ce fait, le CICE apparaît parfois plus comme une bonne surprise venant améliorer le résultat en fin d'année que comme une baisse du coût du travail ", avance le Comité de suivi. Et ?
Certes, les opinions des chefs d'entreprises recensées dans les enquêtes privilégient toujours un effet sur l'emploi et l'investissement mais les effets seraient mineurs sur un an. Les statistiques de Pole emploi sur le nombre de demandeurs d'emplois et celles de l'Insee sur l'investissement ne disent pas autre chose...

Existe-t-il un effet sur les salaires? Là encore, le Comité de suivi est évasif. " En matière d'effet sur les salaires, les éléments disponibles produisent des signaux contradictoires. Il est difficile d'établir un lien général entre le CICE et la dynamique des salaires observée depuis 2013 », estime le rapport.