Les petites villes s'inquiètent de leurs capacités à investir

Par Mathias Thépot  |   |  887  mots
Les petites villes devraient réduire leurs investissements dans les prochaines années.
La baisse des dotations de l'Etat aux collectivités locales inquiète les petites villes. Celles-ci craignent d'être contraintes de baisser leurs investissements.

La baisse des dotations de l'Etat aux collectivités locales induit de lourds problèmes de ressources pour certaines d'entre elles. Globalement, entre 2014 et 2017, il est prévu que l'Etat réduise la dotation globale de fonctionnement d'environ 12,5 milliards d'euros. Si tous les échelons sont touchés, certaines collectivités à la surface financière moins importante ont plus de mal à faire face à ces baisses de ressources. C'est le cas pour un grand nombre de petites villes (entre 3.000 et 20.000 habitants).

Leur capacité d'autofinancement (épargne brute) s'est ainsi réduite de 7,3 % l'année passée. Elles ne sont pas parvenues à compenser le repli des dotations de l'Etat (- 178 millions d'euros en 2014), et la situation ne risque pas de s'améliorer puisque la baisse de DGF les concernant sera de 449 millions d'euros en 2015, 2016 et 2017, soit 1,8 % des recettes de fonctionnement en 2014 selon une étude de la Banque Postale.

Réduction drastique de l'investissement

Pour ne rien arranger, les subventions des départements au bloc communal baissent aussi. Pour compenser l'explosion des dépenses d'action sociales qu'ils doivent assumer, « les départements remettent ainsi en cause leurs programmes d'investissement direct mais également leur politique de subventionnement à des tiers, dont celle concernant l'investissement des communes et intercommunalités », rappelle une autre étude d'avril dernier de la Banque postale dédiée aux départements. Soit concrètement une baisse 1,6 milliard d'euros en 2014 par rapport à 2008, au moment du déclenchement de la crise, et qui devrait se poursuivre.

De quoi inquiéter car à cause de ces coups de rabot, les collectivités locales ont été contraintes de réduire leurs investissements d'1,2 milliard d'euros en 2014, soit une baisse de 16 % par rapport à l'année précédente, selon la Banque Postale. Pour la période 2015-2017, Thomas Rougier, directeur des études Secteur public local à la Banque Postale, prévoit « un niveau moyen d'investissement de 5,6 milliards d'euros par an pour les petites villes, contre 7,1 milliards les trois années précédentes, soit un écart de 18 % ».

Contraintes pour respecter l'équilibre budgétaire

Le recours à l'emprunt pourrait-il venir compenser cette baisse des investissements ?  Certes, « l'endettement des communes le pouvant constituerait un moyen d'interrompre le cycle de baisse », concède Thomas Rougier, mais en revanche ceci « accentuerait les écarts entre territoires et pourrait paraître contradictoire avec les ambitions affichées de contrôle des dettes publiques », ajoute-t-il.

Bref, les petites villes n'ont que deux choix pour maintenir leur niveau d'autofinancement et donc leurs investissements : utiliser le levier fiscal en agissant sur les taux (taxe foncière, la taxe d'habitation et cotisation foncière des entreprises) ou bien limiter les dépenses de fonctionnement comme le souhaite le gouvernement. Deux sujets épineux car beaucoup de collectivités locales - notamment celles dont le niveau de vie médian des ménages est faible- n'ont aujourd'hui ni de marges de manœuvre fiscales, ni de possibilités pour réduire significativement leurs dépenses de fonctionnement, car leurs habitants sont davantage dépendants des services publics.

Une baisse de l'épargne brute inéluctable ?

Ainsi selon la Banque Postale, les petites villes qui ne peuvent actionner aucun levier budgétaire (19 % d'entre elles) risquent de voir leur épargne brute baisser de 11,7 % par an. Plus globalement, en supposant pour toutes les petites villes « des efforts de maitrise de la croissance des charges de fonctionnement, les résultats obtenus aboutissent à un repli moyen de 5,5 % par an de l'épargne brute des petites villes jusqu'en 2017 », déplore Thomas Rougier.

Et ces efforts de maitrise des charges ne seront pas sans conséquence : « Environ la moitié des dépenses des petites villes sont des salaires », explique Antoine Homé, maire de Wittenhein (Alsace) et secrétaire général de l'association des petites villes de France (APVF). « Or, l'emploi est statutaire pour l'essentiel dans les collectivités et les règles d'évolution salariales sont fixées au niveau national. Les seules marges de manœuvre sont donc les dépenses non obligatoires, c'est-à-dire le soutien au monde associatif, l'organisation de manifestations culturelles et sportives etc... Il faut le dire : la diminution des dotations a aussi des conséquences sur le lien social », avertit-il.

70 % de l'investissement public local

« Les collectivités ont revu à la baisse leurs plans d'investissement pluriannuels, parfois de plus de 25 % ! Si l'on ne fait rien, on va vers une baisse des investissements significative pour les petites villes », s'inquiète aussi Jean-Pierre Balligand, ancien élu et président du comité d'orientation des finances locales à la Banque Postale.

Ce problème a en effet macroéconomique puisque les collectivités locales, et en majorité le bloc communal, représentent 70 % de l'investissement public civil en France. Elles participent donc grandement à soutenir l'activité du tissu économique local.

Enfin, au-delà des critiques qu'ils émettent sur la politique de l'Etat, les élus devront aussi chercher de nouvelles sources d'économies. Celles-ci se trouvent principalement dans la gestion de leur patrimoine, dont la valeur est colossal (1361 milliards d'euros, selon la comptabilité nationale). « Une culture de gestion du patrimoine est en train de se développer au sein des collectivités territoriales », se réjouit ainsi Jean-Pierre Balligand. "On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de marge de manœuvre en matière de gestion et de cession du patrimoine des collectivités locales, ajoute-t-il. Un travail de mettra du reste du temps à porter ses fruits.