Logement : vive polémique sur la baisse de 5 euros des APL à la rentrée

Par latribune.fr  |   |  1034  mots
Le précédent gouvernement assure n'avoir « jamais » envisagé une baisse des aides personnalisées au logement, a affirmé l'ancien ministre chargé du Budget Christian Eckert, dans un entretien au Parisien, contredisant les affirmations de l'actuel ministre de la Cohésion des Territoires. Un avant-goût des difficiles arbitrages budgétaires de la rentrée.

C'est une mesure symbolique certes mais qui en dit long sur la réalité de l'impasse budgétaire et des ennuis qui attendent le gouvernement à la rentrée, alors que Emmanuel Macron a promis de tenir la barre des 3% du PIB de déficit public, mais veut "en même temps" baisser les impôts et les dépenses publiques. L'annonce, samedi à l'AFP, par une responsable du ministère de la Cohésion des Territoires, chargé notamment du Logement, que toutes les aides au logement allaient baisser de 5 euros par mois et par foyer à partir d'octobre n'en finit pas de créer la polémique. Selon le ministère de la Cohésion des Territoires, il s'agit de "l'application d'une réforme d'économie budgétaire décidée sous le quinquennat précédent".

Que nenni ! a rétorqué dimanche dans le JDD Christian Eckert, l'ancien ministre du Budget : "nous ne l'avons jamais envisagée. Jamais. Je suis formel. Elle ne nous semblait pas juste". Le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, a pour sa part déclaré au Parisien que "c'est une mesure qui découle du fait que le projet de loi de finances (PLF) 2017 avait été sous-doté car le précédent gouvernement avait prévu, sans l'annoncer, une baisse du montant de ces aides de 140 millions d'euros dans le budget". "Sauf qu'ils nous ont laissés la faire", a poursuivi Jacques Mézard, en ajoutant que le gouvernement n'avait "pas d'autre solution que de la mettre en oeuvre pour combler ce trou". Selon Christian Eckert, "à chaque changement de ministre, il se passe le même scénario : la direction du Budget présente une liste de mesures que l'on appelle « le musée des horreurs », des mesures généralement refusées par les prédécesseurs et qu'elle essaye de replacer". Il a par ailleurs estimé qu'il était trop tôt pour parler de « trou budgétaire ». « L'année n'est pas terminée. Comment peuvent-ils savoir en juin qu'il va manquer 140 millions à la fin de l'année sur un budget de 18 milliards d'euros », s'est-il interrogé.

De son côté, l'ancienne ministre du logement Emmanuelle Cosse a accusé le gouvernement « de dire n'importe quoi ». « Monsieur Darmanin, n'assumant pas cette mesure de rigueur très dure et qui va faire très mal dans les publics défavorisés, explique que c'est l'application d'une réforme que nous aurions mis en place, ce qui est faux », a-t-elle dénoncé sur France Info. Même dénégation de sa devancière à ce poste, la radicale de gauche Sylvia Pinel. « Cette mesure d'économie revient régulièrement et je m'y suis toujours opposée lorsque j'étais en charge de ce dossier et elle avait d'ailleurs été systématiquement écartée par le précédent gouvernement. Je demande donc au Premier ministre et à son gouvernement de revenir sur cette décision dangereuse et injuste pour les ménages modestes », a-t-elle déclaré sur page Facebook.

Les aides au logement bénéficient à 6,5 millions de ménages français pour un montant moyen de 225 euros par mois. Versées par la Caisse d'allocation familiale (CAF), elles se décomposent en trois catégories : l'aide personnalisée au logement (APL) qui profite notamment à environ 800.000 étudiants, l'allocation de logement familial (ALF), et l'allocation de logement social (ALS). Une baisse de ces aides de 5 euros par mois et par ménage représenterait ainsi une économie mensuelle de 32,5 millions d'euros, soit 97,5 millions sur les trois derniers mois de l'année en cours.

La Fondation Abbé Pierre demande à être reçue

Le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, a demandé dimanche à être reçu par le gouvernement après l'annonce de la baisse des aides au logement, dont les APL, un choix qu'il dit ne pas comprendre car il pénalise "les plus pauvres". "On voudrait pouvoir discuter des raisons de ce choix qui nous parait assez étrange. On a déjà rencontré le gouvernement à plusieurs reprises mais voir annoncer une baisse des aides au logement qui ciblent vraiment les ménages les plus modestes, les plus pauvres, nous semble être un signe assez préoccupant", a déclaré à l'AFP le responsable de l'association caritative.

"D'autant que cette baisse intervient après d'autres baisses qui ont conduit depuis quinze ans les aides à décrocher par rapport au coût du logement", fait-il valoir, précisant que ces dernières ont évolué sur cette période "deux fois moins vite que les loyers et trois fois moins vite que les charges". "Pourtant, dit-il, avec les minimas sociaux, l'aide au logement est celle qui lutte le plus contre l'exclusion et la pauvreté dans notre pays".

"Pour bien se rendre compte, il faut savoir qu'un ménage qui a plus d'un smic net ne touche plus les APL et qu'un couple avec deux enfants qui a plus de deux smics net non plus. Donc, il s'agit déjà d'une aide ciblée vers les plus fragiles, ceux qui ont le plus de mal à joindre les deux bouts", souligne Christophe Robert.

"On a conscience des enjeux budgétaire mais faire des économies, c'est aussi faire des choix: Quand on va exonérer 80% de la population de la taxe d'habitation, on va toucher les classes moyennes et les classes moyennes supérieures et cela va se traduire par 8,5 milliards de moins de rentrées dans le budget de l'État", estime-t-il.

"De l'autre côté, baisser, même un petit peu les ressources de la protection sociale pour le logement (l'économie attendue est de 400 millions d'euros par an, ndlr), c'est porter atteinte aux plus fragiles", insiste le délégué général de la Fondation Abbé Pierre. "Pour nous, explique-t-il, c'est un très mauvais signe fait par des technocrates qui ne mesurent pas ce que c'est que de vivre avec de petites ressources, à quel point cela a de l'impact sur les dépenses de santé, d'alimentation. Le coût du logement a flambé en quinze ans et pénalise durement les ménages les plus fragiles. Tout cela nous semble assez incohérent".

(avec AFP)